Pour la première fois, un député franchit le cap : « Président Ouattara, je pèse mes mots, démissionnez ! »

, président du Rassemblement pour la Côte d’Ivoire () a accordée une interview au quotidien Générations Nouvelles. Il demande la démission du président Alassane Ouattara.

Ce lundi, le chef de l’Etat a confirmé ce que Générations Nouvelles a révélé, à savoir la prochaine démission du président de l’Assemblée nationale. Quelle réaction cette annonce du chef de l’Etat suscite en vous ?

Je suis beaucoup et désagréablement surpris.

Pourquoi ?

Tout simplement parce que pour moi le chef de l’Etat doit être le garant de l’unité nationale et du fonctionnement normal des institutions de la République. J’ai été surpris. Ça pouvait venir de tout le monde mais pas du chef de l’Etat. Venant de lui, premier responsable de l’Exécutif, s’immiscer aussi directement et de façon aussi peu adroite dans la vie de l’institution législative, c’est regrettable. Je n’attendais pas ça de lui. J’avoue donc que j’ai passé une journée triste hier (lundi, ndlr) de voir que notre pays n’est pas sur la bonne voie actuellement.

Malgré tout peut-on considérer l’annonce de cette démission comme une bonne nouvelle pour vous qui réclamez depuis longtemps la candidature de  ? Cette démission va-t-elle dans le sens de cette candidature souhaitée ?

Bien sûr. Je pense que s’il y a des mouvements qui ont vu venir les événements, je pense que le Raci en fait partie. Très tôt, nous nous sommes rendu compte qu’il fallait commencer à construire une nouvelle alternative parce que très tôt nous avons perçu les signes d’une déviation dans la gestion des affaires de l’Etat.

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Nous avions donc demandé au président de l’Assemblée nationale de s’organiser pour être candidat. Je pense que sa posture actuelle nous donne beaucoup d’espoir dans cette perspective. En même temps, ceux qui pensaient qu’on exagère se rendent compte aujourd’hui qu’on a eu raison et que la Côte d’Ivoire n’était pas véritablement sortie de l’ornière.

Si la démission de Guillaume Soro semble actée, la candidature en 2020 en revanche n’est pas encore totalement sûre, vu que le cabinet du président de l’Assemblée nationale a démenti l’information qui y a fait référence. Guillaume Soro va-t-il vraiment se lancer dans la course au scrutin présidentiel de 2020 ?

Oui, il n’y a aucun doute à avoir là-dessus. Mais il n’est pas aussi question qu’il en fasse l’annonce d’une façon aussi officieuse. J’estime que quelqu’un de la trempe de Guillaume Soro n’annoncera pas sa candidature en catimini. Ce n’est pas dans un journal en ligne que cela se ferait. Il créera les conditions solennelles pour l’annonce de cette candidature. Ceci dit, ce qui s’est passé sur les réseaux sociaux au sujet de cette affaire de candidature traduit de mon point de vue la volonté de chacun de le voir être candidat. Même certains de vos confrères nourrissent aussi ce vœu. A partir de ce moment, je pense que votre confrère a certainement voulu faire le buzz avec une telle information. Mais il faut savoir que ce n’est pas parce que Guillaume Soro va être candidat qu’on va permettre que quelqu’un annonce sa candidature sans que la forme ne l’accompagne. En outre, le fait que le conseiller en communication a fait un démenti, ne remet pas en cause les ambitions du président de l’Assemblée nationale. Si la forme utilisée pour faire cette annonce n’est pas appropriée, le conseiller est dans son droit de faire un démenti pour préciser que cela ne vient pas de son patron. Je pense que cela est tout à fait normal.

L’absence de Soro le samedi 26 janvier au congrès du parti unifié puis l’annonce ce lundi 28 janvier de la prochaine démission du président de l’Assemblée nationale finissent de convaincre qu’il y a bien une crise au sommet de l’Etat. Comment ce régime que vous dites avoir contribué à l’avènement au pouvoir en est arrivé à cette situation ?

Je pense que notre régime souffre d’un grave problème d’intolérance. On n’aime pas les idées contraires. Pourtant c’est ce qui fonde la démocratie. Dans ces conditions-là, on ne peut pas maintenir  longtemps l’unité du groupe. Nous relevions tantôt l’intolérance dont certains font preuve non seulement à l’égard de l’opposition mais aussi vis-à-vis d’autres membres du régime. Très tôt, cette intolérance s’est installée. Je pense que quand on est ensemble, il faut accepter parfois que les idées n’aillent pas tout le temps dans le même sens. Et ça, c’est le dialogue qui peut régler ça. On n’a donc pas été en mesure de dialoguer, de savoir mettre toutes les idées ensemble, débattre et faire en sorte qu’il y ait un modus vivendi. C’est ce qui nous a conduits à cette situation.

Cette démission annoncée de Guillaume Soro n’est-elle donc pas la victoire des radicaux du qui menaçaient de destituer le PAN en cas de boycott du congrès du unifié ?

Je ne le pense pas. Mais voyez-vous, depuis le 26 janvier et à partir de l’annonce faite ce lundi 28 janvier par le chef de l’Etat, le peuple de Côte d’Ivoire est en droit de demander la démission du Président Alassane Ouattara.

Pourquoi ?

Si on part du principe que c’est parce que Guillaume Soro a refusé de participer au congrès constitutif du RHDP unifié qu’il doit quitter sa fonction de président de l’Assemblée nationale, quand bien même la Constitution prescrit que son mandat court jusqu’à la fin de la législature, on doit aussi pouvoir conclure que le peuple de Côte d’Ivoire a élu Alassane Ouattara en 2015 en tant que candidat du RHDP groupement politique. Le fait donc que le Président et ses collaborateurs considèrent que Guillaume Soro, en refusant d’aller au congrès du RHDP unifié fait preuve d’une trahison vis-à-vis d’eux et que par conséquent il ne peut plus au nom du RHDP continuer de se maintenir à la tête de l’institution législative, autant le peuple de Côte d’Ivoire est en droit de se dire que lorsqu’il élisait le président de la République, celui-ci n’était pas le candidat du RHDP unifié. Il était le candidat du , du RDR, du MFA, de l’UDPCI… Il était donc le candidat de plusieurs entités politiques et d’une grande majorité de l’opinion. Du moment où pendant que son mandat court, il change de parti, le peuple est en droit de lui dire qu’il l’a trahi et réclamer sa démission qui ouvrirait la voie à de nouvelles élections. Je pèse donc mes mots, je demande au Président Alassane Ouattara de démissionner. C’est donc la même logique qui les a poussés à demander à Soro de partir qui doit amener le peuple à demander la démission du chef de l’Etat.

En attendant cette éventualité, le chef de l’Etat, selon ses proches, devrait se séparer d’autres grands commis de l’Etat qui n’étaient pas présents au congrès du RHDP unifié. Certains redoutent que cela débouche sur un nettoyage qui ne dit pas son nom. Partagez-vous cette inquiétude ?

Oui, c’est cela la grande préoccupation du moment. C’est actuellement l’inquiétude de tous ceux qui ne veulent plus que ce pays connaisse de perturbation. Parce que toute épuration conduit inévitablement à une crise. Je suis au regret de constater avec vous que c’est ce qui se prépare. Mais attendons de voir.

La secrétaire générale du RDR, Kandia Camara estime que c’est à cause de son intérêt personnel que Guillaume Soro quitte la présidence de l’Assemblée nationale. Que lui répondez-vous ?

Je n’ai pas envie de répondre à Kandia Camara parce que je me demande souvent si elle s’entend parler. Je pense que le mot égoïsme, si on veut l’attribuer à quelqu’un, ce serait bien à ce régime qui a été ingrat vis-à-vis de Guillaume Soro. Elle le sait très bien. A-t-elle oublié le moment où elle était à la Primature au cabinet de Guillaume Soro ou allant à Bouaké pour chercher de l’argent ? Elle devrait pouvoir se taire aujourd’hui.

Une partie de l’opinion ne vend pas cher la peau de Guillaume Soro candidat en 2020. Qu’est-ce qui vous fait croire qu’il irait loin dans cette aventure ?

Oui, c’est comme cela. Autant certains ne vendent pas cher sa peau, autant nous ses partisans sommes confiants.

Qu’est-ce qui fonde cette confiance ?

Il arrive des moments où l’on n’arrive pas à expliquer la conviction ou la confiance. C’est le cas avec la candidature de Guillaume Soro. Nous sommes simplement confiants qu’il va l’emporter. Pour moi, ce qui est bon pour la Côte d’Ivoire actuellement, c’est d’avoir à sa tête quelqu’un qui peut accepter la contradiction.

Certains barons du RDR ont pourtant promis de le réduire en une feuille morte s’il s’avise à défier le régime Ouattara. Cela ne vous inquiète-il pas ?

Ce n’est pas grave. De toutes les façons, comme je le dis souvent, Guillaume Soro n’est pas né avec la fonction de président de l’Assemblée nationale. Si d’aventure il perdait l’élection présidentielle à laquelle nous souhaitons qu’il soit candidat, cela ne lui enlèverait rien. En tout cas, ce n’est pas une défaite qui ferait qu’il ne serait plus Guillaume Soro ou qu’il n’existerait pas. De mon point de vu, je pense que c’est plutôt ces barons du RDR comme vous les nommez qui ont beaucoup à perdre. Ils devraient s’inquiéter pour leur propre sort. Car, quand le président de l’Assemblée nationale démissionnera, il restera Guillaume Soro, il restera le député de Ferké. Dans la même logique, s’il ne remporte pas l’élection de 2020, il restera toujours Guillaume Soro. Mais en plus, il aura le soulagement d’avoir défendu ses idéaux et d’être resté en harmonie avec sa propre conscience. Cela sera déjà un grand soulagement. Mais en réalité, ceux qui sont menacés dans cette affaire, c’est bien eux. Aujourd’hui, en poussant Bédié et Soro à prendre du recul demain, je ne sais pas à qui sera le tour, je crains qu’avant 2020, ce soient eux qui soient réduits en des feuilles mortes. Dans ces conditions, ce seraient eux qui perdraient quelque chose. Ce sont eux qui ont à s’inquiéter, pas nous. Ce sont eux qui sont au pouvoir et qui malheureusement font en sorte que tous ceux qui sont au pouvoir avec eux, progressivement, prennent leurs distances. Si ceux qui sont partis ne sont pas au pouvoir demain, rassurez-vous, ils ne perdront pas grand-chose d’autant qu’ils resteront dans leur nouvelle situation.

Que va devenir Guillaume Soro quand il aura officialisé et formalisé sa démission, surtout avec tous ces avantages qu’il risque de perdre ?

Quels avantages ? A ma connaissance, il n’en reste plus trop. Je suis député, je sais ce qui se passe à l’Assemblée nationale. Il lui reste pratiquement plus grand-chose en termes d’avantages. Mais voyez-vous, la chose la plus importante pour un homme, c’est sa liberté. Je pense que Guillaume Soro a décidé d’être en harmonie avec sa conscience, de promouvoir la liberté, la liberté d’opinion et je pense que ça, c’est une richesse que des démocrates considèrent plus que la richesse matérielle ou les honneurs.

Qu’à cela ne tienne, avec cette démission, comment va-t-il arriver à gérer tous ces hommes qui sont avec lui ? Comment va-t-il arriver à gérer sa cour ?

Chacun de nous est préparé à vivre cette période d’autant plus que nous savions qu’un jour ou l’autre cela allait arriver. Et justement, il faut que désormais en Côte d’Ivoire les Ivoiriens arrêtent d’être matérialistes, de courir derrière une promotion. Voyez-vous, ils sont nombreux ces hommes du régime qui dénoncent les dérives du pouvoir en place. A longueur de journée, ils nous appellent pour nous apporter leur soutien. Malheureusement, ils ne sont pas suffisamment courageux pour prendre leurs responsabilités comme nous autres le faisons avec le président Guillaume Soro. Je pense que ceux-là font du tort au peuple. Ce sont les intérêts qu’ils privilégient. Peu importe pour eux si le peuple doit en pâtir. En ce qui nous concerne, nous sommes prêts à porter notre croix si cela est la condition pour que le peuple de Côte d’Ivoire ait une meilleure démocratie, une meilleure justice, un meilleur Etat de droit et faire en sorte que la paix soit la priorité du gouvernement qui va arriver en 2020.

Je puis vous assurer que les gens de ce régime font tout ça mais ils savent pertinemment que Guillaume Soro candidat, la situation sera difficile pour eux. Attendons de voir.

Avec tout ce que vous dites sur le pouvoir Ouattara, le camp Soro ne regrette-il pas aujourd’hui d’avoir contribué à sa façon à l’avènement de ce régime au pouvoir ?

Des regrets ? Non. Quelqu’un m’a posé la question sous une autre formulation. Il m’a demandé si c’était à refaire, est-ce que nous référions, faisant allusion au Forum de réconciliation en ce qui me concerne ? J’ai répondu à la personne que j’aillais refaire la même chose parce que première, je n’allais pas me souvenir de ce qui allait se passer dans le futur. Ce qui sous-entend qu’on allait tout reprendre. Deuxièmement, on allait se retrouver dans une telle situation, qu’il aurait été injuste de se pas prendre position. On se serait en tout cas retrouvé face à une situation d’injustice parce qu’on ne nie pas que Ouattara a été victime d’injustice. En posant une telle question, il ne faudrait perdre de vue qu’il se serait donc retrouvé dans cette même situation. Alors, est-ce que parce qu’on se rend compte que quelqu’un qui a été victime d’injustice, n’est aujourd’hui à son tour pas juste, qu’il faut se garder de le défendre ? Je dis non. Moi je suis attaché aux notions de justice et de liberté. Si c’était à refaire, si Ouattara et le RDR se retrouvaient dans la même situation, dans les mêmes conditions, j’aurais mené le même combat avec eux. Mais dans le même temps, je vais garder ma posture pour la vie. Chaque fois que je vais trouver qu’une situation n’est pas bonne, je la dénoncerai. Je suis prêt à me battre contre ce régime pour l’événement d’une nouvelle équipe à la tête de ce pays.

Avec la tournure qu’ont prise les événements, l’alliance Bédié-Soro dont l’on a tant parlé est-elle toujours envisageable ? Elle est-elle toujours d’actualité ?

Pourquoi pas ?  Ce qu’il faut faire, c’est d’œuvrer de sorte que tous les Ivoiriens mettent un terme à leurs petits différends, à leurs petits problèmes et qu’ils puissent se mettre ensemble. Parce que c’est la division qui arrange ce régime. Car voyez-vous, au moment où ils essaient de négocier avec Bédié pour qu’il revienne et en ayant à l’idée d’utiliser le même Bédié pour combattre Soro, dans le même temps, on reproche de s’allier avec Bédié en disant que c’est lui qui est à la base de l’Ivoirité qui a fait tant de mal à la Côte d’Ivoire ; on parcourt les hameaux du Nord pour faire croire à nos parents que des gens veulent arracher le pouvoir à leurs enfants pour le donner aux Sudistes et que Guillaume Soro est en tenté de participer à ça, de sorte que nous ayons une pression morale pour ne pas que notre alliance aboutisse. C’est peine perdue parce que nous allons pouvoir faire une alliance avec toutes les forces politiques ivoiriennes qui veulent travailler à la réconciliation des Ivoiriens et qui veulent mettre un terme à la dictature qui est en train de naître dans notre pays. Et ça, je le dis sans état d’âme, nous le ferons. Pas forcément au profit du PDCI ou d’un quelconque autre parti politique. Dans un premier temps, il s’agit de se mettre ensemble pour constituer une force, à l’image de ce que font les fourmis, pour faire face à celui qui oppresse tout le monde en ce moment. Il faut le faire, il faut s’allier, faire des alliances. Elles s’imposent même si on ne doit pas les faire à n’importe quels prix. C’est pour cette raison que nous n’avons pas de problème avec la plateforme que le Président Bédié propose.

Interview réalisée par Marc Dossa (Générations Nouvelles)

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