Le remplacement d’Alassane Condé par Bouréma Condé à la tête du ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation continue de faire débat en République de Guinée. C’est d’ailleurs l’un des rares décrets de nomination qu’un gouvernement a essayé de justifier. Pour aider ses lecteurs à mieux comprendre les dessous de cet acte présidentiel Guineematin.com a interrogé Bah Oury, fondateur et vice-président de la principale formation politique de l’opposition actuelle, l’homme est considéré par beaucoup de ses compatriotes comme un stratège politique.
Monsieur Bah Oury, que pensez vous de la nomination du Général Bouréma CONDE à la place d’Alassane CONDE comme ministre de l’Administration du territoire et des affaires politiques du gouvernement de Said FOFANA ?
BAH Oury : Il est vrai que le limogeage d’Alassane CONDE apparaît comme une surprise pour maints observateurs, car ce dernier était « l’expert » du RPG à ce poste et était aussi « la meilleure voix de son maître » dans l’application de la politique ségrégationniste et répressive d’Alpha CONDE. Son limogeage répond à mes yeux à trois objectifs :
La reprise en main de l’administration territoriale : En effet depuis quelques mois, la contestation du régime d’Alpha CONDE a gagné des contrées qui auparavant étaient demeurées passives devant la gouvernance d’Alpha CONDE. Les préfectures de Lélouma et de Labé se sont ouvertement insurgées contre l’administration territoriale. A Lélouma, pour le moment, les populations sont toujours en veille pour exiger le remplacement du préfet local, Samba Héry Camara, qui ostentatoirement et avec zèle a tenté d’appliquer la politique du « manden-djalon » en dressant les citoyens les uns contre les autres. A Labé, la répression a été brutale. A Termessé, dans la préfecture de Koundara, une caserne militaire est détruite par la population excédée par les abus des militaires contre de paisibles citoyens. En Basse-Côte, à Forécariah, à Coyah et à Dubréka, les remous contre les agents de l’administration territoriale sont fréquents et violents. Le corridor Faranah -Kissidougou est plongé dans des contestations récurrentes. Des zones entières de la Guinée- Forestière sont qualifiées de « zone rebelle » par les officiels d’où la barbarie des répressions. La résistance populaire s’est élargie et gagne du terrain. C’est l’une des explications du changement de ministre pour d’une part faire endosser à Alassane CONDE, la responsabilité des mesures répressives et violentes contre les populations et d’autre part tenter de reprendre en main une administration territoriale qui a perdu tout crédit.
Un appel du pied à l’armée : La nomination du Général Bouréma CONDE à ce poste répond aussi à une tentative de « rouler dans la farine » l’institution militaire en remettant en selle un général d’armée, ancien membre du CNDD et ancien gouverneur de N’zérékoré lors de la transition. L’étroitesse de la base sociale du régime et le discrédit général dont il est l’objet amènent Alpha CONDE à tenter de renouer avec les militaires. Il s’agit de f aire croire à l’armée que son destin est lié à la longévité du régime d’Alpha CONDE. Or, les troupes et les officiers dans les casernes ne font pas confiance aux officiers « notables » comme Bouréma CONDE qui ne représentent qu’eux mêmes.
Un changement de tactique pour tromper l’opposition : Contrairement à Alassane CONDE qui à chaque fois qu’il s’exprime « crache du venin » sur l’opposition et stigmatise la communauté peulhe, le Général quant à lui, a toujours une parole mielleuse pour tromper son auditoire. Il exhibe ses connaissances de l’islam lorsqu’il est avec des notables, se fait le chantre de « grandeur des CONDE » dans le manding et n’a pas hésité à faire « fouetter à sang » les militants du RPG lorsqu’il était sous-préfet pour le compte du PUP du Général Lansana CONTE. Personnage complexe, le Général CONDE maniera les belles paroles d’un côté et la répression violente de l’autre pour imposer Alpha CONDE aux élections présidentielles. En effet, Alassane CONDE a rempli sa mission à son poste comme Ministre en structurant solidement les moyens de la fraude électorale, il appartient au nouveau promu de faire avaler la couleuvre à l’opposition dans une mascarade de « dialogue politique inter-guinéen » sans rien remettre en cause.
Cette nomination ne change en rien, la politique d’Alpha CONDE. Comme sa visite la semaine dernière à Bambéto le montre , une nouvelle tactique se met à l’œuvre pour tromper ceux qui sont disposés à croire que des élections crédibles sont possibles avec Alpha CONDE. C’est la mission du Général Bouréma CONDE comme ministre de l’administration du territoire et des affaires politiques.
Propos recueillis par Nouhou Baldé pour Guineematin.com