Le 14 juillet dernier, la France a célébré sa fête nationale. En Guinée, l’évenement a réuni du beau monde à la résidence de l’Ambassadeur à Conakry. Dans son discours, Bertrand Cochery a indiqué que « dans la marche nouvelle de ce continent, la Guinée doit avoir toute sa place ». Et de rappeler l’apport de la France dans le développement de la Guinée. Discours…
Monsieur le Ministre d’Etat, Ministre des Affaires étrangères, Chef de la délégation gouvernementale,
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Mesdames et Messieurs les Ministres et Membres du Gouvernement,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs les représentants des institutions de la République,
Messieurs les anciens Premiers Ministres,
Monsieur le Chef d’Etat-Major des Armées, Messieurs les Officier généraux,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et représentants des institutions internationales,
Mesdames et Messieurs, Chers compatriotes, chers amis guinéens,
Comme chaque année, c’est un immense honneur de vous accueillir à la Résidence de France, pour la célébration de notre fête nationale. Ce soir, cette manifestation sera rehaussée par la remise de la distinction de chevalier dans l’Ordre National du Mérite à deux personnalités éminentes du monde des médias et de l’action citoyenne, Hawa Camille Camara, Directrice nationale des radios rurales, et Moctar Diallo, coordinateur du PROJEG.
Permettez-moi, avant toute chose, d’adresser le salut d’amitié de la République française au peuple de Guinée et à son Président, le Professeur Alpha Condé, en ce jour de célébration des idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité.
En cet été 2014, nous célébrons le centenaire du déclenchement d’un des plus terribles conflits, qui telle une aube tragique marqua l’entrée du monde dans le XXème siècle. Cette première guerre mondiale façonna l’Europe, précipita l’éclatement des Empires. Elle portait en son sein de nombreux conflits, la seconde guerre mondiale, et d’autres qui ne sont malheureusement pas éteints.
Pour célébrer l’engagement des troupes venues de tous les horizons, à l’invitation du Président François Hollande 80 pays ont été conviés à défiler sur les Champs Elysées. La Guinée y a été représentée par le Ministre délégué à la Défense nationale, Maître Abdoul Kabélé Camara, une garde au drapeau et une délégation de 4 jeunes Guinéens du Service civique d’action pour le développement.
Le 15 août prochain, pour marquer le soixante-dixième anniversaire du débarquement allié en Provence, auquel les troupes africaines ont pris une part décisive, le Président Alpha Condé se rendra à Toulon à l’invitation du Président français.
Beau symbole et juste représentation que cette participation de la Guinée à ces célébrations, en cette année où nos deux pays ont consacré de nouveau la force de leurs liens par la signature, le 13 janvier, d’un accord de coopération de défense, dont la ratification a récemment été autorisée par votre Assemblée nationale. Et pour ajouter, s’il était besoin, aux fastes militaires de ce jour, ce 14 juillet 2014 restera aussi dans les mémoires au titre des premières manœuvres navales dans les eaux guinéennes, associant la marine britannique, la marine nationale françaises et la marine guinéenne.
Ce XXème siècle de bruit et de fureur a également été un siècle de résistance et d’espoir. Après la chute des empires coloniaux, il a vu se lever ici, sur cette terre africaine, le soleil des indépendances.
Nous devons garder en mémoire la réflexion de Paul Valéry qui, en 1919, dans la Crise de l’Esprit, tirait la leçon de la première guerre mondiale : « Nous autres, civilisations, savons maintenant que nous sommes mortelles ». Mais cent ans après, nous devons aussi savoir regarder avec optimisme vers un continent, l’Afrique, qui, malgré les conflits ou les épidémies qui le frappent, incarne, plus que jamais, par ses dynamiques, par la mise en valeur de ses atouts naturels et humains, l’espoir de ce début de XXIème siècle. Dans la marche nouvelle de ce continent, la Guinée doit avoir toute sa place. Elle peut l’atteindre, par la volonté et la vision de ses gouvernants, par sa diplomatie, par l’adhésion de sa population, et avec le soutien de ses partenaires et amis. Elle ne peut l’atteindre qu’en continuant à faire effort pour écarter les maux qui la poursuivent depuis des décennies: injustice, déni du droit, corruption, violence, impunité ; et en prenant garde aux menaces nouvelles qui frappent le continent africain : jeunesse abandonnée, trafics, communautarisme et dérives ethniques, extrémisme religieux et terrorisme.
Sachons alors reconnaître, dans une confiance lucide, les progrès accomplis en trois ans, même si l’œuvre n’est pas achevée ; saluons notamment les signes des réformes espérées dans le secteur de la Justice, clé de voûte de l’Etat de droit, dont la mise en place du Conseil supérieur de la Magistrature ne constitue pas le moindre exemple. Il faut continuer. Ensemble.
Ensemble, car la France, en Guinée, par son action diplomatique, par ses programmes de coopération et son aide au développement, par sa diplomatie économique et son action dans le domaine culturel, est engagée à vos côtés pour promouvoir des valeurs cardinales pour le renforcement de la démocratie :
– la primauté du dialogue sur toute autre forme d’expression, a fortiori violente, dans le débat public, et d’abord à l’Assemblée nationale. A cet égard, comme tous mes collègues, je salue le dialogue finalement engagé entre le gouvernement et l’opposition, qui a abouti au retour des parlementaires de l’opposition et à la mise en place d’un cadre de concertation pour la préparation des prochaines échéances électorales, dans le droit fil de ce que l’on pourrait appeler l’ «esprit de juillet ». Ce dialogue, il faut le poursuivre, le pays en a besoin.
– la justice, la promotion du droit et le respect des engagements publics et privés, qui sont les conditions de la présence durable d’investisseurs économiques.
– l’éducation, l’instruction et la formation professionnelle qui seules peuvent donner un sens à l’avenir de la jeunesse.
Là encore, vous le savez, la France intervient à vos côtés dans les grands domaines fondamentaux: la défense et la sécurité, l’éducation, la formation professionnelle, l’agriculture, les grandes réformes de l’administration, le développement local et la promotion de la jeunesse. Mais il est deux secteurs sur lesquels je souhaite mettre davantage l’accent :
– la fédération des talents, avec la création, cette année, du cercle des diplômés guinéens de l’enseignement supérieur français, sous l’égide de cette ambassade, pour tirer un meilleur parti des compétences acquises en France pour les étudiants guinéens.
– l’investissement : parce que la Guinée s’est engagée avec ténacité sur la voie de réformes difficiles autant qu’indispensables, elle peut, aujourd’hui plus qu’hier, attirer les grands investisseurs étrangers. Pour preuve Rio Tinto. Pour preuve la venue récente d’une importante délégation du MEDEF international. Les entreprises françaises sont reparties plus confiantes de Guinée, convaincues qu’elles peuvent apporter des solutions efficaces aux problèmes quotidiens et stratégiques tels que l’eau, l’électricité, l’assainissement, les routes et le soutien au secteur minier, la formation professionnelle, l’agriculture. La création du Cercle français des affaires en Guinée, il y a quelques mois, témoigne elle aussi de cette volonté d’investir de la part des entreprises françaises. A cette occasion, j’adresse mes profonds remerciements à toutes les sociétés qui ont généreusement contribué à l’organisation de cette soirée.
Permettez-moi, pour conclure, de partager avec vous trois convictions, pour aujourd’hui et pour demain, que je tire de mon expérience présente et passée. Toutes trois intéressent de près notre relation bilatérale
1) Le succès durable des réformes dans ce pays ne peut venir que du tissage serré de deux fils :
– celui des réformes initiées par l’Etat,
– celui des propositions de changement portées par la Société civile dans toutes ses composantes, avec un accent particulier sur la place des femmes, et sur la reconnaissance de leurs droits.
A cet égard, la remise de la Médaille de Chevalier d’Ordre National du Mérite à Mme. Hawa Camille Camara et à M. Moctar Diallo prend un sens particulier en ce 14 juillet.
2) La protection de l’environnement conditionne la pérennité de toute politique de croissance et de développement en Guinée. Ce sujet sera au cœur de la conférence de Paris sur l’environnement en 2015.
Au scandale géologique, au scandale agricole, ne laissons pas s’ajouter un scandale environnemental qui menacerait les équilibres naturels du pays, ses sources, ses fleuves, sa pluviométrie. Le déboisement, la pratique non encadrée de l’orpaillage en Haute Guinée, la pêche illicite sont autant de menaces pour la Guinée et l’Afrique de l’Ouest. Sachons aussi recourir aux acteurs traditionnels de la protection de l’environnement que sont les chasseurs.
3) Une vision de l’avenir, une politique, un programme, ne peuvent atteindre toute leur portée sans un solide adossement à l’histoire. De mes nombreuses heures passées en discussion sur les chemins de la mémoire, sur les routes brisées des souvenirs, je suis parvenu au constat partagé avec quelques-uns, que la Guinée avait conclu avec son passé un pacte de silence. Le travail d’histoire est indispensable pour faire sortir peu à peu à la lumière les faits enfouis dans les ombres d’un refoulement propice au maintien de plus d’un errement. Ce travail est difficile. Il n’a de sens que s’il est conduit par les Guinéens eux-mêmes, par des hommes sages, des historiens professionnels.
On ne peut construire ou reconstruire sans fondation. Cette démarche d’histoire est une démarche de culture. Mémoire ou bâtiments, ce pays a déjà trop détruit de traces de son passé. Mais il n’est pas trop tard. Cette démarche prendra certes du temps mais elle doit être engagée. Car elle est peut-être la seule médiation qui permettra à la Guinée de se réconcilier avec son passé, parce qu’il sera devenu histoire, et de ne plus s’abriter derrière le rideau de l’indicible. Pour cette raison, et aussi parce que la France a été un acteur d’une histoire partagée, l’Institut français et le centre culturel franco-guinéen accompagneront donc, à partir de l’automne prochain un cycle de débats organisés par le Pr Djibril Tamsir Niane, Lamine Capi Camara et Boubacar Yacine Diallo, en partenariat avec les universités guinéennes.
Et pour marquer la constance de notre engagement, à vos côtés et en particulier, dans ce domaine culturel, je suis heureux de vous annoncer qu’à ma demande, M Daniel Couriol, directeur du Centre culturel franco-guinéen, a obtenu son maintien en Guinée une 5ème année, jusqu’à l’été 2016.
C’est sur cette bonne nouvelle que j’achèverai cette intervention non sans remercier l’équipe de la Résidence et toutes les personnes qui ont prêté main forte pour la préparation de cette soirée, dont Fifi Tamsir Niane, Saïdou Diallo, Soriba Condé, les Chasseurs de Baro et Maître Barry.
A tous nos compatriotes ici présents ce soir, je souhaite de nouveau une belle fête nationale, célébrée dans la plus profonde amitié avec nos amis guinéens. Nous continuons d’avancer ensemble.
Je profite également de cette occasion pour féliciter mon Cher Collègue Harmut Krausser pour la victoire de l’équipe d’Allemagne lors de la Coupe du Monde.
Vive la France, vive la Guinée, vive l’amitié franco-guinéenne !
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