
L’Observateur : Quels sont vos sentiments par rapport à la récente nomination du général Bouréma Condé en qualité de ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation en remplacement du civil Alhassane Condé qui occupait ce poste depuis quatre ans ?
Moussa Philan Traoré : Le général Bouréma Condé est un grand commis de l’État qui mérite parfaitement ses nouvelles fonctions. Il succède au premier ingénieur africain de la décentralisation, le Dr Alhassane Condé, qui est son aîné de la même lignée. Pour information, le grand-père d’Alhassane Condé était allé s’installer comme chef de canton à Douako, dans le Sankaran. Il avait pour frère le grand-père de Bouréma Condé qui, lui, s’était installé comme chef de canton à Takoura, dans le Gbérédou de Kankan. Les deux grand-pères étaient issus du même père. Donc ce n’est pas une passation de service entre les deux ministres, c’est une succession familiale, pourrait-on dire. Ceci dit, le général Bouréma Condé a été formé et forgé par le Dr Alhassane Condé en matière de décentralisation. Ce qui lui a valu les postes de sous-préfet et de préfet sous le régime du président Lansana Conté. Il a donc gravi tous les échelons pour être aujourd’hui ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation. C’est un homme hautement qualifié, il a un doctorat en agronomie, il a suivi plusieurs stages aux États-Unis et en France pour être administrateur territorial. Je le connais très bien. Nous sommes entrés le même jour à l’école primaire de Babila, dans la préfecture de Kouroussa. Nous sommes par ailleurs cousins. Sa mère est la petite sœur de la mienne. Elles sont du même père. Pour toutes ces raisons, je parle de lui avec un sentiment de fierté. J’invite les sceptiques à être patients et sereins. Ils ne doivent juger le général Bouréma Condé qu’à la tâche. Ils s’apercevront vite que c’est un haut cadre qui a été nommé à un poste important pour la vie de la nation, quoique militaire. D’ailleurs, celui qui l’a choisi, le Pr Alpha Condé, connaît ses mérites.
Donc d’après vous, contrairement aux appréhensions de certains à l’approche des élections communales et de l’élection présidentielle tant redoutées en cette année 2015, ce n’est point parce qu’il est militaire que le président de la République l’a nommé à la tête de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation ?
Non pas du tout. Vous savez bien que le meilleur ministre de l’Intérieur que le Sénégal ait eu depuis son indépendance est un militaire, le général Lamine Cissé. C’était sous le président Abdou Diouf et il a été reconduit par le président Abdoulaye Wade en 2000. Les gens doivent aussi comprendre que le président de la République, le Pr Alpha Condé, a dû éprouver le besoin d’avoir en permanence auprès de lui un technocrate de la trempe d’Alhassane Condé comme ministre conseiller. C’est un expert en décentralisation et en démocratie. Le président a fait le meilleur calcul pour avoir cet homme à ses côtés pour qu’ils puissent avoir tous les jours un déjeuner de travail ensemble. Le poste de ministre conseiller à la Présidence est donc une promotion pour le Dr Alhassane Condé et non un signe de disgrâce. Ce n’est pas non plus une mission spéciale qui a été assignée au général Bouréma Condé, c’est une succession à son frère, tous les deux étant des technocrates de haute volée.
Est-ce que le général Bouréma Condé, militaire de son état, peut être vraiment ouvert au dialogue politique engagé entre le pouvoir et l’opposition sous la médiation de la Cédéao pour la tenue d’élections crédibles et transparentes ?
Vous savez, j’ai peur que les sceptiques ne pensent que le général Bouréma Condé est un démagogue. Comme je l’ai dit, je le connais depuis l’école primaire. Il a toujours été un homme ouvert et conciliant, c’est un homme de dialogue. Je les rassure là-dessus. Je voudrais que l’on se rappelle la rencontre des représentants de toutes les familles Condé qui a eu lieu il y a quelques mois dans son village natal de Takoura, dans le Gbérédou de Kankan. Son frère, le ministre Alhassane Condé, était le parrain de l’événement. C’est celui-ci qui a présidé les cérémonies. Toutes les localités du Foutah y étaient représentées par une centaine de notables et d’imams pour sceller l’unité dans ce village où son grand-père avait été chef de canton. Les images diffusées à la télévision ont montré que le général Bouréma Condé est un homme de dialogue. Ce n’est pas moi seulement qui le dit en tant que témoin et historien. Je voudrais donc que l’on donne du temps au temps et que l’on ne tombe point dans les préjugés.
Autre sujet, l’ambassadeur des États-Unis, Alexander Laskaris, était récemment à Faranah pour contribuer à la sensibilisation sur Ébola et essayer de vaincre les résistances face à la réalité de cette maladie et aux mesures de prévention. Comment s’est passée sa mission ?
Tout d’abord, j’ai eu le bonheur de recevoir cet éminent diplomate pour la première fois dans mes fonctions de gouverneur de la Région administrative de Faranah. Il n’était pas sur une terre inconnue. Il était déjà venu à Faranah et avait conféré avec les étudiants de l’institut agronomique Valéry Giscard d’Estaing. C’était bien avant l’apparition de l’épidémie d’Ébola en Guinée. Donc Son Excellence Alexander Laskaris est un ambassadeur de terrain. Il est habitué à partager les difficultés du pays hôte, jusque dans le pays profond. Il a tenu à venir à Faranah pour renforcer nos capacités en communication sur l’épidémie et insister pour que l’après-Ébola soit géré de façon responsable en continuant à observer les mesures préventives. Car après son éradication de l’épidémie, Ébola pourra réapparaître si la vigilance se relâche au niveau individuel et collectif. Je puis vous assurer que le message de l’ambassadeur a été bien accueilli par toutes les populations.
Quelles ont été ses activités à Faranah ?
Arrivé de l’aéroport, l’ambassadeur américain a rendu visite au gouverneur et au préfet. Ensuite, il est allé saluer le Sôti Kèmo Oularé, le doyen de la ville. Après ces salutations d’usage, il a rencontré à la direction préfectorale de la Santé les autorités sanitaires régionales, préfectorales et communales, les comités de veille et le coordinateur préfectoral Ébola. Ils lui ont fait des exposés suivis de questions et de réponses. Il a visité le centre de transit Ébola qui a été vandalisé par des élèves de l’école primaire. Après, il est allé à nouveau conférer avec les étudiants de l’institut Valéry Giscard d’Estaing de Faranah. De là, il est reparti pour l’aéroport et a regagné Conakry. Donc sa visite à Faranah a été une bonne moisson.
Interview réalisée par
El Béchir Diallo
Références : Philan Traoré
Gouverneur de la Région administrative de Faranah à compétences étendues
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