Un pouvoir sans limite est bientôt renversé », Lucien Emile Arnault. Le landerneau politique Guinéen ressemble, à s’y méprendre, à un jeu de ping-pong dans lequel un pouvoir trop sûr de lui et une opposition qui a montré sa capacité à encaisser parfois et à résister très souvent se rejettent encore la responsabilité des crises fréquentes et successives que le pays subit dans sa chair et son âme. En vérité et depuis le début, on est dans un extraordinaire marché de dupes qui, jusqu’ici et malgré l’effort de l’opposition de ne pas se laisser faire et avoir, profite tout le temps à Alpha Condé. Celui-ci, ayant réussi tant bien que mal et chaque fois à prendre le dessus sur ses adversaires politiques, a acquis une confiance et une assurance extrêmes qui expliquent ses imprudences et son arrogance actuelles. C’est un multirécidiviste des coups de force réussis ou non. Déjà, dans l’opposition, sous les dehors trompeurs de démocrate convaincu, le Président du RPG, a entrepris, en vain, plusieurs actions de déstabilisation du pouvoir du Général Lansana Conté : tentative d’invasion du pays, coup de force manqué, attentats ciblés, tout y est passé dans la conquête obsessionnelle et compulsive du pouvoir. Devenu Chef de l’Etat, Alpha Condé remet ça en s’opposant par tous les moyens à l’organisation d’élections qui lui seraient fatales. Il utilise l’Etat, ses moyens et ses institutions pour conserver la présidence guinéenne, même s’il faudrait sacrifier pour cela la paix et la démocratie dans le pays. Alpha Condé sait que » Plus on vous donne de pouvoir, plus vous en abusez ». Aussi est-il plus préoccupé par une éventuelle résistance par laquelle il pourrait tout perdre que les appels au dialogue et à la raison de l’opposition. Voilà un éternel politique qui recule chaque fois que c’est nécessaire pour sa survie avec la conviction de gagner du temps et pour mieux sauter ; cet homme ne renonce jamais à son agenda personnel ou ses desseins obscurs. Il a en face de lui une opposition qui résiste encore et toujours sans désemparer, mais n’arrive pas encore à triompher dans l’épreuve de force permanente que le pouvoir continue à lui imposer. En l’occurrence, la dernière décision de la commission nationale électorale de privilégier l’organisation de l’élection présidentielle aux communales sans cesse annoncées, et toujours reportées. Une provocation de trop et un acte de défiance inutile à l’encontre d’une opposition qui n’a pas d’autre choix que de retrouver son unité que l’enjeu de l’élection présidentielle menace. Cette opposition doit surtout se montrer capable enfin d’affronter Alpha Condé dans la rue et par la force pour le chasser du pouvoir. Car, il n’y a aucun espoir qu’il entende raison, convaincu qu’il est, que son destin est en marche et que rien ni personne ne pourrait l’arrêter; il n’y a aucune chance non plus de battre dans les urnes un président-candidat qui a fait main basse sur l’organe chargé d’organiser les élections et, il a aussi à sa totale dévotion tous les acteurs du processus électoral, que ce soit en amont ou en aval. Deuxième mandat ou prolongation du premier. La CENI vient de montrer et démontrer encore qu’elle est au service du candidat Alpha Condé dont elle crée les conditions de la victoire dès le premier tour. La Cour Suprême qui est le recours a aussi montré qu’elle n’a aucune indépendance vis-à-vis d’Alpha Condé, qu’elle agit selon sa volonté en se retranchant derrière des arguments qui ne résistent pas au droit ni au bon sens. L’Assemblée Nationale où le pouvoir dispose d’une majorité mécanique est sa caisse de résonance. Les agents de l’Etat, de l’administration, comme à leurs habitudes et au mépris du principe de neutralité et d’impartialité du service public, sont des obligés et des zélateurs de tous les pouvoirs qui se succèdent. Les hommes d’affaires qui vivent des contrats de l’Etat et des marchés publics et qui ont aussi toujours des choses à se reprocher craignent le pouvoir et recherchent ses faveurs au prix de reniements et transgressions à l’éthique et la morale. Ainsi va la Guinée depuis toujours au gré des intérêts personnels immédiats et du rapport de force politique du jour. Ils n’ont pas peur, » ces amis de tous les pouvoirs de tous les temps », d’être rattrapés un jour ou l’autre par l’histoire, car d’autres avant eux ne l’ont pas été. Les époques sont-elles cependant les mêmes ? En instruisant à la CENI de faire l’impasse sur les élections communales, juge et partie, le vieux « professeur » met l’opposition dos au mur. Si elle accuse le coup, Alpha Condé est certain de se succéder à lui-même dès le premier tour. Si, d’aventure, le calendrier était encore modifié avec un report de l’élection présidentielle, il resterait au pouvoir au-delà de la limite légale de son mandat actuel avec la bénédiction de tous. Ainsi tiendrait-il, la promesse que la priorité n’est pas le renouvellement de son mandat. Ce serait encore lui qui aura eu le dernier mot même avec une apparente concession. La Méthode Alpha : Concéder dans un pseudo-dialogue ou des médiations douteuses ce que la Loi prévoit ou exige comme la tenue des scrutins à date et selon l’ordre établi par les lois du pays. Et rebelote. Tout ce qui arrive à la Guinée est la faute des Guinéens. Une société où il n’y a ni morale ni scrupule est vouée à la perdition. Tout ce qui arrive à la Guinée est la faute des Guinéens. Ils acceptent tout de tout le monde sans la moindre capacité d’indignation ni aucune aptitude à dire non. Depuis que Alpha Condé a accédé au pouvoir, il a fait tout ce qu’il a voulu faire et continue, bon an mal an, de dicter sa volonté à tous. Il en résulte aujourd’hui un excès de confiance chez lui qui va le perdre et rendre la vie difficile après à tous ceux qui l’ont soutenu sans discernement au détriment d’un pays vandalisé et d’un peuple dont ils se seront trop moqués et trop longtemps. En tout état de cause, il y a longtemps que le pouvoir guinéen qui péchait déjà par un manque de légitimité, s’est mis hors la loi lui-même par des actes et des décisions défiant les lois et règlements du pays. Il est aujourd’hui totalement disqualifié et illégitime. Le peuple a perdu confiance dans les institutions parce que ceux chargés de les diriger et de les animer préfèrent la fidélité à un homme à la loyauté à la République et ses valeurs. Ils ont assassiné la démocratie, ces vassaux, soumis à la volonté d’un homme et perdus dans la difficulté à défendre l’indéfendable. A vrai dire, le pouvoir est vacant, il est dans la rue plus fragile que jamais. Dès lors, le droit à la révolte devient un devoir pour libérer le pays des dérives d’une minorité au pouvoir. A l’opposition de savoir comme le conseille Corneille que » Qui veut tout pouvoir doit oser tout enfreindre ». Il est temps d’arrêter Alpha qui, vit dans l’illusion qu’il a réussi a neutraliser ou affaiblir toutes les forces d’opposition en Guinée, qu’elles soient politiques, sociales et militaires par une campagne d’intimidation, de corruption, de répression , de suspicion permanente dans le pays. C’est pourquoi il continue à narguer et défier tout le monde. Qui a dit que c’est quand tout semble aller le mieux que les disgrâces fondent sur vous ?
Tibou Kamara