Depuis un certain temps, l’actualité politique de la Guinée est dominée par la décision prise par la CENI d’inverser l’ordre des élections ; donnant ainsi une priorité à l’organisation de l’élection présidentielle aux dépens des élections locales. Cette décision aurait fini par créer des dissensions entre la mouvance présidentielle regroupée au sein du RPG arc-en-ciel, et l’opposition dite républicaine réunie autour de l’UFDG. La mouvance présidentielle, qui soutiendrait cette décision de la CENI, croit fermement que l’acte posé par celle-ci serait conforme à la légalité. Par contre, l’opposition républicaine, même si elle semble ne pas contester la légalité de la décision avancée par la CENI, réfuterait avec la dernière énergie la légitimité de l’acte posé celle-ci. Ce qui est malheureux dans cette situation est le fait que nos politiques essayeraient de dissocier ces deux notions de droit public. On nous enseigne en droit public, que les deux notions « légalité et légitimité sont complémentaires » ; l’une ne saurait être efficace sans l’autre. D’ailleurs, dans toutes les grandes démocraties de par le monde, ces deux notions sont indissociables ; et de surcroit, vouloir les dissocier conduirait inévitablement à l’anarchie. D’où mes craintes pour ma Guinée qui continue de souffrir de l’égoïsme de ses hommes politiques.
Le président de l’UFDG s’est-il fait piéger par des concurrents officieux?
Comme disait le célèbre Américain Eubie Blake: « Never trust anyone who wants what you’ve got. Friend or no, envy is an overwhelming emotion ».
N’étant pas contente de l’acte posé par la CENI concernant l’ordre des élections, l’opposition républicaine, représentée par les présidents de l’UFDG, de l’UFR, et du PDEN, décidait de se retrouver dans la capitale française pour débattre de la situation afin de prendre une décision commune qui pourrait être à son avantage. Par contre, en lisant la déclaration qui a couronné cette réunion de Paris, on pourrait se demander si effectivement celle-ci est l’émanation de tous les participants qui ont assisté à la réunion ; surtout quand on sait que cette rencontre serait tout sauf une rencontre d’alliés officiels. Il n’est un secret pour personne que les participants à cette rencontre ont tous des ambitions personnelles ; et qu’ils pourraient bénéficier, si par hasard le contenu de leur déclaration se concrétisait. En d’autres termes, on pourrait se permettre de dire que cette rencontre n’était rien d’autre qu’une rencontre de d’alliés provisoires ; ou plutôt une rencontre de futurs concurrents officiels. Raison pour laquelle j’émets des réserves sur le bon sens de cette rencontre. D’où le titre de l’article !
Sans doute, le président de l’UFDG est connu pour son humilité, son sens élevé de privilégier la paix et l’intérêt national aux dépens d’intérêts politiques particuliers. En homme de consensus, il a toujours prôné le dialogue non seulement avec ses pairs de l’opposition, mais aussi et surtout avec la mouvance présidentielle. Il a toujours cru aux principes démocratiques et voue un respect patriotique aux institutions de la République. En homme d’Etat, il a toujours considéré ses concurrents comme de simples adversaires et non des ennemis à abattre. Ses talents de technocrate moderne sont reconnus même par ses adversaires les plus radicaux. En homme de conscience, il est toujours resté fidèle à ses engagements. Il s’est toujours battu pour des principes et non pour des intérêts égoïstes. C’est ce qui l’aurait d’ailleurs poussé à accepter la décision de la Cour suprême concernant les résultats définitifs du deuxième tour de l’élection présidentielle de 2010. Même chose pour les élections législatives de 2013. En homme de paix, ce sont ces mêmes principes qui l’auraient poussé d’accepter une décision montée de toute pièce et qui mettait fin à ses fonctions de premier ministre sous le régime militaire. Son éducation coutumière lui aurait enseigné d’être généreux envers ses collaborateurs. C’est pour cette raison qu’il aurait favorisé la cession de toutes les places de responsabilité offertes à son parti au sein de l’Assemblée nationale. C’est ainsi que la vice-présidence de l’institution parlementaire et la présidence de son groupe parlementaire furent attribuées à ses collaborateurs au sein de l’UFDG. Lors des alliances pour ces mêmes élections législatives, il avait montré son sens élevé de partage en aidant ses alliés des autres partis de l’opposition à êtres députés. C’est aussi un homme d’Etat qui a toujours su dominer ses émotions.
C’est ce grand homme qui, semble-t-il, aurait accepté de signer cette déclaration de Paris qui fait aujourd’hui la une de l’actualité politique guinéenne. Cette déclaration de Paris ne saurait être conforme aux positions habituelles du président de l’UFDG ; l’homme qui symboliserait d’ailleurs une fierté pour tous les compatriotes réfléchis. La question qu’on se pose est de savoir s’il n’aurait pas été piégé par des concurrents officieux ? Rien n’est moins sûr, surtout quand on sait que les autres participants à la réunion de Paris croiraient fermement qu’une alternance ne pourrait être obtenue par les urnes, dans la situation actuelle de la Guinée. Pourtant, il n’est un secret pour personne qu’une alternance anticipée en dehors des urnes pourrait avoir des conséquences que personne ne peut évaluer à l’heure où nous sommes. Il serait plus sage et logique d’user des arguments autour d’une table pour dénouer la situation afin que les élections futures soient transparentes et équitables. L’UFDG aurait plus d’avantages en empruntant la voix du dialogue qui garantirait une transparence des élections. D’ailleurs, même les adversaires de l’UFDG, qu’ils soient de la mouvance ou de l’opposition, reconnaissent que l’UFDG reste aujourd’hui la plus grande force politique du pays, prises individuellement. Par contre, il serait naïf de penser que la mouvance présidentielle ne vaut rien sur le terrain. Vouloir penser qu’avec une élection transparente le RPG Arc-en-ciel n’aura même pas 10%, serait une illusion. Même quand il était dans l’opposition et avec toutes les fraudes du régime PUP, le RPG avait toujours eu plus de 15% des voix. D’ailleurs, sous-estimer l’adversaire dans une bataille politique serait considéré par les stratèges comme une autre façon de préparer sa propre défaite. Une bataille électorale se prépare en se procurant avec des données fiables sur le poids réel de l’adversaire. En d’autres termes, on ne doit jamais sous-estimer les capacités d’un adversaire, fût-il le RPG Arc-en-ciel. L’UFDG devrait donc être consciente de la situation et se préparer conséquemment. C’est pour toutes ces raisons que je dirais, avec conviction, qu’une alternance en dehors des urnes ne serait pas à l’avantage de l’UFDG. Voici comment et pourquoi.
Le cas du vice-président de l’UFDG et du célèbre homme d’affaire tous exilés
Il n’est un secret pour personne que ces deux hommes qui étaient, jadis, respectivement les piliers politique et financier de l’UFDG, ne seraient pas du tout satisfaits du combat que mène l’UFDG ; et cela depuis leur exil forcé à Paris et à Dakar, dans cet ordre. Si le vice-president et fondateur de l’UFDG reconnait la légalité du président de l’UFDG dans ses fonctions, il lui arriverait parfois de contester la légitimité de ce dernier à la tête du parti. C’est ainsi qu’au lendemain de la proclamation des résultats définitifs des élections législatives de 2013, ce vice-president de l’UFDG, n’étant pas satisfait de la décision de ses pairs de siéger à l’Assemblée nationale, avait pris la tête d’un groupement dénommé Opposition républicaine extra parlementaire (OREP). Il était évident que ce groupement serait plutôt plus proche de l’UFR que de l’UFDG, puisque les vrais fondateurs étaient à majorité membres de l’UFR. D’ailleurs, il semblerait que l’idée d’une candidature unique de l’opposition pour affronter l’élection présidentielle de 2015 émanerait de ce groupement dont les vrais fondateurs seraient aussi membres de la société civile guinéenne en Europe. De toute façon, espérons que les pourparlers de Dakar entre ce vice-president et le président de l’UFDG ont porté fruits, puisqu’il semblerait que cette page a été tournée ; même officieusement.
Pour le cas de l’homme d’affaires exilé à Dakar par le régime de Conakry, ses positions resteraient floues depuis un certain temps. Même s’il avait publiquement annoncé sa volonté de créer sa propre formation politique, il finit par prendre de façon éphémère la présidence d’un parti qui était jusque-là inconnu du grand public. Mais, depuis les querelles qui l’auraient forcé de quitter ledit parti, beaucoup se demanderait si officieusement l’homme ne serait pas revenu à de meilleurs sentiments en rejoignant l’UFDG. D’ailleurs, l’homme ne cacherait pas ses amitiés de longue date avec l’actuel président de l’UFDG. Mais, une amitié équivaudrait-elle à renoncer à ses propres ambitions politiques, surtout si un jour l’atmosphère politique le consentait ?
En cas d’une alternance précipitée, par coup d’Etat militaire ou mutinerie civile, qui mettrait fin au régime du RPG Arc-en-ciel, rien ne garantit que ces deux hommes, déjà très influents au sein de l’électorat de l’UFDG, renonceraient à leurs ambitions politiques déjà véhiculées. Une éventuelle rentrée triomphale des deux hommes à Conakry suffirait pour mettre le président de l’UFDG en difficulté dans son propre fief ; surtout quand on sait que le congrès de l’UFDG tarde toujours à avoir lieu. C’est pourquoi, d’aucuns n’hésiteraient pas, le moment venu, à soulever une question de légitimité au sein du parti. Si cela arrivait, l’UFDG ne serait plus ce qu’elle est aujourd’hui.
Certes, les arguments avancés ici sont loin d’être une façon pour moi de réveiller les vieux démons. D’ailleurs, je voue un respect à ces deux compatriotes qui se sont toujours distingués par leur patriotisme. Pour information, je suis l’une des rares personnes à avoir publiquement dénoncé l’attitude de l’UFDG envers ces piliers du parti. A travers un article publié en 2012 sur plusieurs sites guinéens, j’avais attiré l’attention de l’UFDG sur leur cas. Ensuite, lors de la visite du vice-président et fondateur de l’UFDG dans mon Etat de résidence aux USA, l’honneur m’avait été donné, à travers mon discours râblé, de faire un diagnostic de la situation politique de la Guinée. Dans ce discours d’une demi-heure, j’avais quelque part soulevé le cas de ces deux respectueux compatriotes tout en renouvelant mon soutien pour leur cause. D’ailleurs, je saisis l’occasion, à travers cet article à présent, pour demander à l’opposition et à la mouvance présidentielle de faire du retour de ces deux personnalités politiques un des points de discussion du dialogue politique qui se profile. A l’heure où nous prônons une réconciliation des Guinéens, il serait logique, au-delà des politiques, de traiter des cas de ces deux grandes personnalités parmi tant d’autres. Comme le disait l’ancien président ivoirien Félix Houphouët-Boigny,« la paix ce n’est pas un mot ; c’est un comportement ».
Le cas des présidents de l’UFR et du PDEN
Sans doute, leur combat politique autour de l’UFDG ne saurait passer inaperçu. Comme le président de l’UFDG, ils feront tous les deux de bons présidents de la République. Leur expérience en matière de gouvernance, et leur maitrise du fonctionnement de l’administration guinéenne font d’eux une alternative crédible pour diriger la Guinée. Mais à cause du repli identitaire causé en grande partie par nos politiques, il est évident que ces deux leaders n’auraient aucune chance d’êtres élus président de la République au travers d’élections libres et transparentes. En cas d’élections libres et transparentes, ils n’auraient aucune alternative que de rejoindre soit l’UFDG, soit le RPG Arc-en-ciel ; au lendemain d’un premier tour d’une élection présidentielle. Par conséquent, l’UFDG aurait trois fois plus de chances de gagner une élection présidentielle transparente que l’UFR et le PDEN. Par contre, en cas d’une nouvelle transition politique dirigée par l’armée, le PDEN et l’UFR auraient plus de chance de remporter une élection présidentielle que l’UFDG. La raison se justifierait par le fait dans le cas d’une telle situation, il est fort probable que l’homme fort de cette transition soit plus proche à l’un de ces deux leaders que de celui de l’UFDG. Il n’est un secret pour personne que le repli identitaire créé par nos hommes politiques se serait invité dans nos casernes militaires. C’est malheureux, mais ceci serait une réalité dans nos casernes militaires aujourd’hui. D’ailleurs, c’est à cause de la situation dans nos casernes, qu’on pourrait se permettre de dire que rien ne garantit qu’une nouvelle transition serait à l’avantage de l’opposition ; puisque le RPG Arc-en-ciel ne resterait pas les bras croisés. Certes, il y aurait un changement temporaire à la tête du pays ; mais personne ne sait quelle serait l’atmosphère politique de la Guinée si une nouvelle transition se déclenchait.
Le remplacement d’un homme à la tête du pays ne devrait pas être la solution magique qu’on devrait envisager. Nous devons plutôt lutter pour l’instauration d’une vraie démocratie en Guinée à travers un dialogue inclusif. Le respect strict de la légalité et de la légitimité doit être une priorité pour les Guinéens. C’est d’ailleurs le sens de tout mon combat. Comme le disait Malcolm X, « I’m for truth, no matter who tells it. I’m for justice, no matter who it’s for or against ». Par conséquent, à la veille d’une élection aussi importante pour l’avenir de la Guinée, j’ai décidé, comme d’habitude, de rester du côté de la vérité et de la justice. Certes, la venue du RPG au pouvoir n’aurait pas été à la hauteur de toutes les attentes. Et il est normal que les défaillances du régime soient imputées au leadership du président de la République. Logiquement, dans tout régime, qu’il soit démocratique ou non, le président de la République serait le premier responsable de l’échec de sa gouvernance. Par contre, il serait exagéré de penser que le bonheur de tout un pays tournerait autour d’un seul individu. De toute façon, on ne devrait pas occulter le passé d’un homme à cause de son présent ou vice-versa. Qu’on le reconnaisse ou pas, l’homme qui est aujourd’hui à la tête de la Guinée a été à l’avant-garde de la lutte politique pour l’avènement du multipartisme en Guinée. De tous les combattants contre le régime militaire, il serait celui qui aurait subi le plus les atrocités de ce régime. Cela est une évidence que les Guinéens devraient lui concéder. Ceci dit, chaque Guinéenne ou Guinéen a aussi le droit absolu de critiquer sa gouvernance que je considérerais d’ailleurs comme une continuation de la gouvernance militaire qu’il a pourtant combattue pendant près d’un quart de siècle. Mais au final, est-ce que le comportement d’un homme ou d’un clan à la tête de l’exécutif vaut la peine de brûler notre bien commun qu’est la Guinée ? Je dirai absolument non ! C’est pourquoi, j’en appelle à la conscience des uns et des autres pour le dénouement heureux de cette crise politique, à travers un dialogue patriotique !
Je conclurai en rappelant à mes compatriotes cette citation d’Eleanor Roosevelt qui, parlant de la paix, disait « It isn’t enough to talk about peace. One must believe in it. And it isn’t enough to believe in it. One must work at it ».
A bon entendeur salut !
D’ici là, merci de contribuer au débat.
Consultant et chef d’entreprise
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