Objet : Contribution d’un citoyen à l’élaboration d’un programme de revitalisation de la vie publique nationale BGAG
EXCELLENCE MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE,
Au moment où vous vous apprêtez à remettre en jeu le mandat obtenu des citoyens guinéens à l’issue des consultations électorales de 2010 dans l’optique de vous assurer de leur confiance renouvelée, au moment où les débats sont relancés sur les rapports majorité-opposition, sur les rapports gouvernants-gouvernés, je viens respectueusement soumettre à votre vigilante et bienveillante attention quelques réflexions susceptibles d’éviter à notre pays des polémiques inutiles qui pourraient entraver le bon élan qu’il a pris dans la consolidation de son unité.
Le rôle de tout citoyen patriote étant d’apporter de solutions aux problèmes qui se posent dans la cité, je me permets cette initiative parce que je suis profondément convaincu de votre bonne foi et parce que je suis convaincu que le pays a besoin de votre sagesse afin de lui permettre, de traverser, sans trop de dommage, la période de turbulence que nous risquons de vivre à l’occasion de cette présidentielle en perspective.
Mais qui suis-je pour avoir une telle prétention? Rien qu’un intellectuel, un universitaire engagé, soucieux de l’avenir de notre patrie, cet avenir pour lequel vous consacrez justement votre talent, votre énergie et votre sagacité. Aujourd’hui, nombreux guinéens de bonne foi sont conscients de cette réalité et vous admirent discrètement.
Cependant, l’homme de la rue formule quelques réserves sur les enjeux de ces futures consultations électorales, le bilan de l’action gouvernementale et la méthode de gestion de certains grands commis de l’Etat qui se sont illustrés dans l’arrogance, la perfidie et la cupidité, pendant que le chômage demeure encore un véritable fléau social et de nombreuses familles mènent une vie précaire faite de frustration et d’incertitude.
Certes, l’Etat, sous votre magistère, a relevé de défis majeurs en remettant sur leur piédestal les institutions républicaines indispensables à toute bonne pratique démocratique avec une volonté implacable de bonne gouvernance matérialisée par les mesures drastiques mises en place pour freiner sinon atténuer les malversations financières chroniques et les détournements des deniers publics.
Cette politique bien justifiée devrait cependant être suivie de mesures d’accompagnement adéquates. Celles qui ont été mises en œuvre sont inappropriées sinon insuffisantes pour encourager ceux qui ont accepté de consentir les meilleurs sacrifices pour évoluer dans l’optique de votre mode de gouvernance et votre vision de création de richesses pour soutenir la croissance amorcée.
Le secteur privé qui a traditionnellement vocation d’absorber la jeunesse diplômée des établissements d’enseignement supérieur et technique n’a ni l’envergure ni la capacité escomptée. Le marché de l’emploi reste ainsi très limité et n’offre aucune perspective d’amélioration à court terme à moins que l’Etat, sous votre direction, crée vite les conditions d’une alternative encore possible.
L’Incertitude du lendemain, l’anxiété du désespoir et la précarité des moyens d’existence de nombreux citoyens contrastent avec le train de vie de la plupart de vos coéquipiers qui affichent l’arrogance et même l’impudeur, toutes choses de nature à révolter. C’est dans cette optique que vous devez comprendre, à titre d’exemple, les évènements de Boulbinet, théoriquement attachés à la vente illicite d’une concession.
L’Insécurité généralisée due au laxisme de certains services de l’Etat auxquels vous attachez pourtant une importance primordiale détache le citoyen de son pacte tacite vis-à-vis de la puissance publique. Cette situation accroît la nervosité et favorise le désordre.
Le trop de liberté accordée aux courtisans et autres vestibules de l’arrière-cours du pouvoir gênent la bonne pratique de diffusion de l’information vraie et loin de lutter contre la rumeur et l’intoxication, ils accentue la désinformation et favorise le clanisme.
Pourtant, vous n’avez rien à craindre en acceptant d’éloigner ce genre de collaborateurs réfractaires à l’ordre et à la discipline de votre sphère de commandement, ceux-la qui n’ont d’aise qu’en usurpant la cohésion sociale et l’ordre établi, car vous bénéficiez d’un crédit certain auprès d’une frange importante de nos populations surtout celles de la campagne qui n’aspirent qu’à la paix et à la quiétude.
Monsieur le Président de la République,
Les contestations, les controverses, les oppositions à l’action gouvernementales sont localisées à Conakry et dans certaines grandes villes de l’intérieur du pays. Parce que c’est dans la ville qu’évoluent les élites et graduellement, la ville entraîne la campagne. II apparaît donc plus qu’important de veiller au climat social et politique des villes.
Face à cette situation d’ensemble et en me référant aux troubles qui ont secoué le pays notamment à Beyla, N’Zérékoré, Kankan, Labé, Forécariah, Dalaba, Conakry et bien d’autres, je propose humblement à votre attention les propositions ci-après :
Restructuration du Gouvernement et la formation d’une nouvelle équipe plus apte à prendre des positions déterminantes pour une transformation qualitative de notre société et capable d’imposer des décisions à la hauteur de ses prérogatives politique et administrative.
Ce Gouvernement de salut national comprendra un nombre réduit de membres. Vous veillerez, particulièrement, à le débarrasser de toute forme de népotisme car, Monsieur le Président, ceux qui vous conseillent de vous servir de l’ethno stratégie vous trompent. Vous êtes le symbole de l’unité de notre peuple qui n’aspire qu’à la concorde, la paix et au bien-être. Vous reconduirez, naturellement, les meilleurs ministres qui ont bâti leurs actions sur le développement et non sur les controverses politiciennes.
La mission de ce gouvernement doit s’articuler sur les axes suivants :
La formulation d’une politique active de l’emploi par deux (2) mesures immédiates à savoir :
a) – La rentrée de l’État dans le capital social des grandes entreprises établies sur le territoire national afin de veiller sur leurs obligations vis-à-vis du pays duquel elles tirent la substance de leurs plus valus. La simple appartenance au conseil d’administration ne suffit point car vous êtes en face des cadres qui, une fois dans une position favorable, oublient les intérêts du pays.
b)- la recapitalisation des banques commerciales dans l’objectif de les orienter à l’octroi de prêts aux petites et moyennes entreprises capables d’employer les jeunes diplômés des universités et des écoles professionnelles car l’association de ces deux (2) catégories crée une symbiose dynamique par la mise en commun de l’expérience des uns et la vigueur des autres. .
– la rédaction des principaux axes sur lesquels doivent s’élaborer les fondamentaux de la future campagne pour la prochaine présidentielle;
Ce sont là, Monsieur le Président de la République, quelques mesures susceptibles de redonner vie à notre société. Je n’ai point la prétention qu’elles sont suffisantes. Je réserve, bien sûr, d’autres à notre rencontre personnelle lorsque votre calendrier le permettra.
A cela, je vous prie de limiter de porter votre regard ailleurs pour focaliser vos efforts sur la mobilisation des forces vives de la nation car c’est en vous qu’est notre destin et c’est en vous qu’est notre unique espérance.
Mais, mobiliser la nation ne veut dire faire appel à l’administration, aux partis politiques, aux forces de défense et de sécurité. C’est davantage mobiliser les entreprises, les communautés, les paysans, les femmes et, surtout, les jeunes.
Monsieur le Président de la République,
Je ne doute pas un seul instant que vous pardonnerez la maladresse de mes propos car j’ai l’honneur de vous connaître même si j’ai peur de la fonction que vous exercez pour la plus difficile au monde à cause de la solitude dans laquelle vous êtes au milieu de vos semblants amis qui sont le plus souvent vos détracteurs.
Le président d’un pays organisé est au sommet d’une hiérarchie vivante, compétente, structurée par la tradition, respectée par l’opinion où l’information circule où chacun travaille à un poste dont les compétences sont définies d’avance et respectées d’assurance.
Mais rien de tel chez nous, Monsieur le Président, car tout ce qui est bien pour le pays vient de vous seul et de quelques rares collaborateurs à vos côtés, parce que vous n’avez pas la chance d’avoir suffisamment de conseillers et des ministres patriotes et conséquents pour vous aider et vous soutenir. Ceux que vous disposez agissent, le plus souvent, aux fins d’intérêts égoïstes.
Voilà pourquoi vous êtes seul dans cette situation assez compliquée voire difficile, seul pour comprendre et agir car les avis qui vous viennent de l’extérieur ignorent la réalité de notre Guinée que vous aimez, pourtant, au dessus de tout.
II vous faut donc une autre approche pour retracer le chemin que vous avez toujours voulu à notre pays. Puisque les tactiques des partis politiques de la mouvance présidentielle, les stratégies des forces de défense et de sécurité, les directives du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale n’ont pas donné les résultats escomptés, je vous prie de faire le pari inverse. Faire le pari inverse, c’est de faire confiance en vous davantage pour que, cessant de vous servir de la volonté d’un camp, vous méritiez la confiance qu’un peuple fort qu’est le nôtre fait à un chef mûr et responsable que vous êtes.
Une fois encore, je vous prie de pardonner l’audace qui est la mienne car rien ne la justifie si ce n’est l’attachement inquiet que j’ai pour notre pays et l’espoir que je place lui et en vous son dirigeant. Nous sommes responsables en commun du sort de ce pays et vous êtes comptable vis- à-vis de son histoire.
En vous réaffirmant, une fois encore, mon attachement à vos nobles idéaux, je vous prie, Excellence Monsieur le Président de la République, de recevoir l’expression de mes salutations respectueuses.
Conakry, le 25 avril 2015
Thierno Sadou BAH
Administrateur culturel
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