L’historien publie le 7 mai prochain Qui est Charlie?, un livre écrit dans la foulée des attentats qui ont visé la rédaction de Charlie Hebdo et des mobilisations historiques qui ont suivi. Il y livre une critique acerbe de ces événements.
« Je suis Charlie ». Plus de quatre millions de Français se sont rassemblés derrière ce slogan et ont manifesté le 11 janvier dernier pour dénoncer la barbarie des frères Kouachi, auteurs de la tuerie perpétrée à la rédaction de Charlie Hebdo, et d’Amedy Coulibaly, responsable de la prise d’otages de la porte de Vincennes. Près de quatre mois après ces tragiques événements et la mobilisation qui a suivi, Emmanuel Todd s’apprête à publier, le 7 mai prochain, Qui est Charlie?*.
Dans cet essai, l’historien et démographe s’attaque à la composition socio-démographique des millions de Français qui ont participé à la marche républicaine du 11 janvier. Jeunes, vieux, bourgeois, issus de quartiers populaires, urbains, ruraux… autant de critères pour établir un constat sans concession: seule une frange de la population a manifesté, permettant à Emmanuel Todd de dénoncer un « discours unitaire bidon ».
« Notre pays est devenu inégalitaire »
Reprenant une « théorie des deux France », Emmanuel Todd s’attaque aux fondements mêmes de cet engagement citoyen, dans une interview accordée à L’Obs. « Lorsqu’on se réunit à 4 millions pour dire que caricaturer la religion des autres est un droit absolu – et même un devoir! -, et lorsque ces autres sont les gens les plus faibles de la société, on est parfaitement libre de penser qu’on est dans le bien (…). Mais ce n’est pas le cas. »
« Un simple coup d’œil à de tels niveaux de mobilisation évoque une pure et simple imposture », dénonce l’historien.
Pour appuyer son propos, le démographe avance que « ce sont les régions les moins républicaines par le passé qui ont le plus manifesté pour la laïcité ». Poursuivant, Emmanuel Todd explique son concept de « néo-République ». Pour lui, les hommes politiques actuels et la société agitent sans cesse les principes républicains de liberté, égalité, fraternité alors que « notre pays est devenu inégalitaire, ultraconservateur et fermé ».
Une société « totalement hystérique »
En cause, le gouvernement actuel et François Hollande. Celui qui avait pourtant largement soutenu l’actuel président de la République pendant sa campagne de 2012, allant jusqu’à parler de « hollandisme révolutionnaire » à l’époque, s’en prend désormais violemment à sa politique. « Il y a eu une subversion de ce qu’était la gauche française », dénonce Emmanuel Todd. « Cette dernière, aujourd’hui dominée par le PS. C’est une gauche qui n’adhère pas aux valeurs égalitaires ».
« Hollande aura eu un rôle historique: celui de révéler que la gauche pouvait se concilier avec les structures les plus inégalitaires (…) », attaque-t-il.
Allant plus loin, Emmanuel Todd se dit moins inquiet par « la poignée de déséquilibrés mentaux qui se réclament de l’Islam pour commettre des crimes » que par la société française qui serait « devenue totalement hystérique », notamment d’un point de vue sécuritaire.
Acharnement contre les musulmans
Concernant la question de la place des religions dans la société française, l’historien admet que l’antisémitisme, notamment dans les banlieues, est « un fait nouveau et indiscutable » mais remet en cause « l’idée (…) selon laquelle l’Islam, par nature, serait particulièrement dangereux pour les juifs ».
Une manière pour lui de dénoncer ce qu’il considère comme un acharnement contre les musulmans en France. « Qu’on ne leur fasse pas le coup qu’on a fait aux juifs dans les années 30 en les mettant tous dans le même sac, quel que soit leur degré d’assimilation, quel que soit ce qu’ils étaient vraiment en tant qu’êtres humains », conclut-il.
* « Qui est Charlie? », de Emmanuel Todd. Éditions du Seuil.