Après la mise en circulation de la nouvelle coupure de 20 mille, le Gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée se livre à un véritable exercice de communication tous azimuts.
Dr. Louceny Nabé est largement revenu sur quasiment sur toutes les grandes interrogations que cette nouvelle dénomination ne cesse de soulever depuis son émission. Des raisons ayant sous-tendu cette décision aux risques d’alimentation de nouvelles tensions inflationnistes, de thésaurisation en passant par le coût d’impression, la quantité de billets émis, le nom du fabricant, le choix du barrage de Kaléta sur le billet même l’éventualité du changement du franc guinéen, tout y a été abordé. Lisez !
Qu’est-ce qui a motivé l’émission des nouveaux billets de 20.000 GNF ?
Dr. Loucény Nabé : Je dois commencer par rappeler que la famille des billets remonte au début de l’année 1986 quand le nouveau Franc guinéen a remplacé le Syli. Il faut précisément qu’à l’occasion de cette reforme monétaire, il y a eu des séquences qui ont été mises en circulation. En rappel, toutes les familles de billets dans tous les pays du monde comprennent principalement trois séquences. La première séquence qui est représentée chez nous par le billet de 100, de 1000 et 10 000. La séquence 5 qui est représentée par le billet de 500 et 5000. La séquence 2 qui existe dans la plupart des monnaies, n’existait en Guinée. Elle doit comporter probablement des billets de 200, 2.000 et des billets de 20.000. Mais en raison des consultations que je vais développer plus tard, je vous dirai pourquoi, nous sommes passés directement à la coupure de 20.000 dans la séquence 2. La première raison, c’est celle d’être au niveau des standards internationaux. La deuxième raison, c’est une question aussi relative à des considérations d’ordre logistique. La manipulation de nos billets en raison de leurs valeurs faciales devenait de plus en plus malaisée. Si vous allez dans les banques, vous trouverez qu’il y a des quantités énormes de francs guinéens dans toutes les coupures difficiles à faire traiter, à trier et à verser à la Banque centrale. La reconnaissance des versements à la Banque centrale pose également beaucoup de problèmes. Parce qu’il faut de plus en plus d’effectif pour traiter les billets de plus en plus nombreux dont la valeur faciale est de plus en plus faible. En raison de l’érosion que le franc guinéen a connue depuis 1986. En plus de cette raison logistique, il est nécessaire effectivement de préciser qu’il y a une question de coût. Je rappelle qu’un billet de 10 mille francs CFA vaut 120 mille de nos francs. Si on part du principe que ces deux billets sont fabriqués au même prix, on se rendra compte que notre billet coûte au moins 12 fois, plus cher. Donc, il était apparu la nécessité de faire en sorte que le coût puisse être un peu plus faible sans prétendre toutefois aller au niveau des autres banques dans ce domaine. Parce que pour y aller, il faudrait des valeurs faciales plus élevées. Lors d’une mission récente de nos collaborateurs à Abidjan dans le cadre d’un séminaire organisé à AFRITAC autour de la restructuration du capital de la Banque centrale, la question nous a été posée pourquoi on n’a pas profité de l’échange de la coupure de 10 mille pour aller vers une dénomination supérieure. Ceci est aussi lié au premier aspect évoqué. C’est-à-dire que les standards internationaux en la matière, qui veulent que la valeur faciale la plus élevée pour un pays comme le nôtre soit égale à peu près à l’équivalent de 20 dollars. Les études, y compris au niveau de nos fabricants, ont démontré que la valeur faciale la plus élevée dans une famille de billets ne doit pas être supérieure au salaire journalier moyen multiplié par 5. Nous, à la Banque centrale, au lieu d’utiliser le salaire moyen, nous avons pris le salaire minimum journalier, multiplié par 5. Cela nous fait à peu près 100 mille francs. Nous ne pouvons pas aller à ces proportions d’une manière si rapide mais il fallait que nous passions à une dénomination supérieure pour nous mettre aux standards internationaux, avoir plus de commodité dans la manipulation, dans le traitement des billets et essayer de diminuer les coûts. Voilà en gros, les raisons qui ont motivé le passage à la dénomination des 20 mille francs guinéens.
Mais est-ce que les besoins ne se font pas sentir beaucoup plus au niveau des petites coupures que des grandes coupures ?
Dr. Loucény Nabé : Je dois rappeler que la nouvelle dénomination n’est pas faite pour remplacer les anciens. Elle complète la série. Dans le sens de séquençage que j’ai indiqué au début, les autres coupures restent en vigueur. Elles gardent leur pouvoir libératoire en cours légal. Je veux parler des coupures de 10 mille, de 5 mille, de 1000, de 100. Et je précise que ces coupures existent aussi bien dans la Banque centrale que dans les caisses des banques. C’est vrai que des rumeurs nous sont remontées, il y a quelques mois, sur la difficulté qu’éprouvent les usagers au niveau des taxis surtout pour se procurer de ces petites coupures dans les transactions avec les chauffeurs de taxi. Nous avons pris les mesures appropriées en invitant les banquiers, en leur exprimant ces soucis et il nous a été réitéré que les disponibilités en petites coupures existent dans les banques. Mais c’est vrai que les opérateurs ont une tendance à les considérer comme un peu difficile à manipuler et des banquiers nous ont même dit que dès que vous mettez des petites coupures dans le retrait d’un opérateur, aussitôt il se présente au guichet voisin pour les reverser. Mais conscients de cela, la Banque centrale a écrit aux syndicats des transporteurs. Parce que c’est à ce niveau que le problème se fait sentir le plus, pour leur exprimer notre disponibilité à travailler avec eux de sorte à trouver des créneaux appropriés pour la distribution des petites coupures. Pour que les transporteurs puissent en avoir à tout moment dans le cadre de leurs relations avec les usagers de la route. En attendant que tout cela se matérialise, la Banque centrale a aménagé spécialement deux guichets au niveau de l’agence principale pour que ceux qui en manifesteraient le désir puissent, être satisfaits dans leur demande de petites coupures. L’intérêt se manifeste progressivement et je pense qu’avec les autres mesures qui viendront en maturité très bientôt, le problème ne se posera plus. Ce que je peux dire, c’est que les petites coupures existent et toutes les dispositions sont prises par la Banque centrale pour que toutes les dénominations de notre famille des billets, puissent être à tout moment disponibles.
Est-ce que cette nouvelle coupure ne viendra pas alimenter le problème d’inflation dans le pays ?
Dr. Louceny Nabé: Pas du tout. L’émission monétaire restera inchangée. Il y a des risques de tensions inflationnistes s’il y a une croissance exagérée de la masse monétaire. Je peux dire avec certitude que le taux d’accroissement de la masse monétaire est fixé dans le cadre de la programmation monétaire, elle-même, opérée dans le cadre du programme économique que le gouvernement conduit avec les Institutions de Bretton Woods depuis janvier 2011. Et surtout à l’appui de cette programmation, je vous rappelle que depuis le 1er janvier 2011, l’Etat fonctionne sur la base-caisse. Autrement dit, la Banque centrale ne paie les dépenses présentées par l’Etat à ses guichets que dans la mesure où l’approvisionnement des comptes de l’Etat le permet. Dans une telle conjoncture, une nouvelle dénomination, quelle qu’elle soit, ne peut pas être porteuse de pression ou de tendance inflationniste. Pour compléter, la nouvelle coupure s’inscrit davantage dans la dynamique de ce qui est une mission fondamentale de la Banque centrale. A savoir, l’assainissement de la circulation fiduciaire. C’est plus souvent une des émissions de substitution que des émissions ex-nihilo. C’est ce qui peut porter, à terme, des risques d’inflation. Nous retirons une valeur donnée, quelles que soient les coupures concernées, nous émettons la valeur correspondante. Pour répondre de la façon la plus nette que possible, il n’y a pas de risque d’inflation à masse monétaire inchangée.
Pour cette année, les prévisions de croissance sont quasiment nulles. Est-ce que cette nouvelle émission ne viendra pas aggraver cette situation?
Dr. Lounceny Nabé : Pas du tout. Le taux de croissance qui a été estimé lors de la dernière mission disait qu’il serait nul. C’est une projection pour la fin de l’année. Et cela n’a rien à voir avec les nouvelles coupures. La réalité de ce qui serait le taux de croissance sera déterminé quand les chiffres véritables seront connus à la fin de l’année. Mais avec ou sans le billet de 20 mille, cette projection était déjà faite. Donc, le billet de 20 mille n’a rien à voir et peut-être, nous l’espérons, va améliorer les choses.
Est-ce que l’on peut savoir le coût total de l’impression de cette coupure, la quantité de billets émis ainsi que des éléments de sécurité qui sont entrés en ligne de compte dans sa fabrication?
Dr. Louceny Nabé : Je commence par les éléments de sécurité. C’est un billet hautement sécurisé qui est fabriqué sur du papier fiduciaire, lui-même, fait sur la base du coton. Il y a deux formes d’impression : l’impression à lithographie humide et l’impression en taille douce. La lithographie humide, en terminologie de billet de banque, signifie à peu près la même chose que l’impression de banque offset effectuée sur du papier fiduciaire. La taille douce, c’est pour donner du relief à certains compartiments du billet. Si on prend le billet de 10 mille, les coins qui portent les inscriptions du chiffre 10 mille francs, en chiffres ou en lettres, correspondent au toucher, à une sensation de relief, une certaine rugosité qu’aucune photocopie ne peut reproduire. Ce sont des éléments visibles à l’œil nu, au toucher et qu’on peut sentir. Un billet de banque, c’est la vue, le toucher et le sentir. En plus de ces éléments qui peuvent être aperçus par tout le monde, il y en a d’autres qui ne peuvent être observés que par les spécialistes qui ont des instruments appropriés avec des appareils spéciaux. Vous constaterez que les inscriptions en chiffres comportent, à l’intérieur, des micro-textes ‘’RG, RG…’’. Si un billet est photocopié, ces micro-textes ne peuvent pas apparaître. Parce qu’à la vue simple, on a l’impression que ce sont des barres continues. Il en est de même pour les fils de sécurité. En regardant les billets en face, on a l’impression qu’il ne couvre pas l’ensemble du billet. Mais en le regardant en contre-jour, on constate que le fil de sécurité est continu. Il en est de même de filigrane, l’effigie qui est à la gauche du recto du billet, est visible en contre-jour. C’est la même chose que pour le pigeon que l’on voit sur le billet. Il a une couleur donnée quand le billet est posé position plane et lorsqu’on l’incline, on trouve que la couleur change. Les billets contrefaits ne peuvent pas présenter ces caractéristiques. Il y a encore d’autres aspects plus techniques qui sont incrustés et que ne peuvent déterminer que les spécialistes de la direction de l’émission au cas où l’usage fait que les billets sont mutilés ou qu’ils sont victimes d’abrasion. Quelques fois le doute peut s’installer. Mais avec des instruments spécialisés, on peut savoir, quelle que soit la taille ou la durée du billet, s’il s’agit d’un billet ou pas. C’est un bien fortement sécurisé. En plus de ces détails, il y a même en plus un aspect qui est prévu pour les non-voyants. Si l’on remarque bien, on a à gauche et en bas du billet trois traits obliques qui sont fortement incrustés sous la forme de taille douce et qui présente une rugosité plus forte dont même un non-voyant peut constater l’existence.
Le second aspect de la question relatif au coût et à aux quantités commandées. Ces quantités influencent aussi le prix de fabrication. Mais ce qui est important pour l’instant, c’est ce qui est livré… Les valeurs qui sont livrées ne sont pas importantes. Nous avons à peu près 30 milliards de francs guinéens dans la nouvelle dénomination. Soit 3 millions de billets. Et pour avoir une idée, nous avons des émissions mensuelles moyennes de l’ordre de 60 milliards de francs qui correspondent, bien sûr, à des retraits de la circulation des coupures usagées. C’est vrai que nous traitons, renaissons d’abord au traitement et après trions et nous réinjectons après une partie, les valides, dans la circulation et les mutilés sont perforés donc, annulés puis détruits ou soit par broyage ou soit par incinération.
Quant au coût, il est à peu de 50 dollars, les mille billets. Le billet de 10 mille a été fabriqué, à l’horizon, à 75 dollars, les mille billets. Après de fortes discussions avec les fabricants en 2012, nous avons baissé ce coût à 60 dollars… Voyez-vous que ce n’est pas l’aspect le moins important pour la BCRG qui, en plus d’être la banque de l’Etat et la banque des banques, est quand même une entreprise qui doit couvrir ses charges par ses recettes propres. Donc la rationalisation de ces dépenses, est aussi un impératif de rentabilité. C’est vrai, la rentabilité n’est pas l’objectif recherché coûte que coûte mais il ne faut pas quand même être en déséquilibre.
Quel est le nom du fabricant qui a eu le marché ?
Dr. Louceny Nabé : On a des fabricants qu’on met souvent en concurrence. Dans le monde, ils ne sont pas nombreux. Les fabricants se connaissent et ont les mêmes techniques. Il y a quelques brevets que certains utilisent pour d’autres. Mais le billet actuel, pour être transparent, a été fabriqué par la firme Allemande, GISECKE & DEVRIENT.
Pourquoi le barrage de Kaléta est mis en exergue sur ce nouveau billet, est-ce qu’il obéit à un impératif politique ?
Dr Louceny Nabé : On a mis le barrage de Kaléta en exergue parce qu’il fallait coller à l’actualité. Nous considérons ce barrage comme une actualité tout court, pas une actualité politique, liée aux besoins et à la nécessité de subvenir aux besoins énergétiques du pays. C’est un symbole national comme à un moment donné le barrage de Kinkon était un symbole. Il était représenté sur un de nos billets de banque. Sur la coupure de 10 mille actuel, on peut constate qu’il y a un champ de riz au verso sans compter qu’au recto, à droite, il y a la Dame de Mali qui, est un signe pour insister sur le potentiel du pays en matière du tourisme. Le fait que la mise en circulation de la nouvelle coupure correspond, à quelques deux ou trois semaines près au lancement de la première turbine du barrage de Kaléta, est un hasard. Parce qu’au moment où nous entreprenions la réflexion sur la nouvelle coupure, on n’a pas du tout fait le lien avec le lancement de Kaléta. On sait quand même que Kaléta existe, que c’est un projet d’importance nationale, que c’est une fierté nationale… Donc, on s’est dit qu’il faut le mettre en exergue comme d’autres aspects ont pu l’être auparavant. J’ai parlé de Kinkon, je peux aussi ajouter l’usine de FRIGUIA qui a été représentée sur l’un de nos billets à un moment donné pour faire état de fierté, de faire voir la volonté du pays d’accéder à une industrialisation. Surtout de présenter ce qui était considéré et ce qui est toujours la première usine d’alumine en terre africaine même si aujourd’hui, l’usine connaît de grosses difficultés.
Que répondez-vous à ceux qui affirment que la mise en circulation de cette nouvelle coupure va encourager la thésaurisation et faciliter les transactions des narcotrafiquants ?
Dr. Louceny Nabé : Ma réponse va être un peu paradoxale. Le premier volet de la question est peut-être vrai… Mais peut-être, c’est l’une des raisons pour lesquelles on est passé à une dénomination supérieure. Actuellement, la coupure de dix mille est utilisée par les opérateurs pour constituer des encaisses de précaution ou comme monnaie de thésaurisation. Les 80 pour cent des billets de 10 mille sont aujourd’hui dans le public de sorte que les encaisses de la BCRG et des réunis ne comprennent qu’à peu près 20 pour cent. Cela nous coûte très cher de fabriquer les billets et de les récupérer est une nécessité pour nous pour les traiter et les réinjecter au lieu de faire face à de nouvelles commandes. Donc notre stratégie était que l’émission de la nouvelle coupure allait permettre de récupérer les billets de 10 mille. Et il est tout à fait normal que nous ne fassions aucune illusion que la nouvelle coupure va remplacer la première pour la thésaurisation ou pour la constitution d’encaisses de précaution. Paradoxalement, j’approuve à moitié la thèse mais aussi paradoxalement, nous comptons un peu sur cette stratégie… Maintenant pour les transactions de narcotrafiquants, je pense que la coupure de 20 mille n’a rien à faire pour facilité ou rendre difficile leur tâche. Pour cela, peut-être, le billet de 500 euros serait plus indiqué pour eux. Parce qu’il fait 4 millions 200 mille GNF.
Passer de 10 mille à 20 mille, est-ce que ce déplacement du problème, à votre avis, peut permettre de combattre efficacement cette thésaurisation ?
Dr. Louceny Nabé : Pas dans l’absolu. Mais notre objectif de récupérer des coupures qui peuvent durer 4 ans avant que nous ne renouvelions la fabrication, peut-être atteint en filigrane, en ce qui concerne les coupures de 10 mille. Cette thésaurisation a d’autres sources, d’autres causes qu’il nous faut examiner en profondeur et qu’il nous faut éradiquer. Elle est liée à l’environnement dans lequel se meuvent les banques, à l’environnement du crédit d’administration générale. Quand je parle d’environnement, il y a l’environnement juridique, physique… Il faut mettre tout ceci ensemble pour convaincre le public que l’argent est plus en sécurité dans les banques que dans les chambres ou dans les coffres-forts. Il faut aussi rassurer les gens par rapport aux tracasseries au niveau du système bancaire. J’appelle tracasseries, les difficultés d’avoir accès à ses dépôts quand on veut procéder à des retraits surtout par chèques, cela met quelque fois beaucoup de temps. Les opérateurs se disent que c’est mieux d’avoir son coffre-fort pour disposer de son argent quand on veut, que d’aller dans une banque où on va mettre du temps. Tout ceci est lié à la plus grande préférence pour les espèces. Si demain, on pouvait payer par chèque, ce problème serait en partie réglé, qu’on puisse payer par virement ou par carte bancaire. On dirait qu’on est un peu trop loin de ces technologies mais je peux dire qu’on n’est pas aussi loin qu’on peut l’imaginer. La BCRG en était très proche. Nous avons agréé une société de monétique qui a fait ses preuves à ailleurs, qui peut émettre des cartes de paiement, les charger comme on chargerait des cartes d’essence ou les charger comme les comptes détenus dans les banques, faire des transferts de tous genres, cela va diminuer considérablement la circulation des billets de toute domination. Malheureusement, on dit souvent aussi que le gouvernement met beaucoup de choses sur le compte d’Ebola… Dans ce cas aussi, c’est vrai, sans Ebola, on serait aussi très loin dans ces domaines. Ebola a entraîné des restrictions de voyages pour beaucoup de nos partenaires. Des restrictions qui continuent jusqu’à nos jours. Mais on garde l’espoir qu’avec la dernière marche engagée dans le cadre de la victoire sur Ebola, tout ceci va reprendre et qu’ensemble avec les autres acteurs, nous allons poursuivre la marche déjà engagée dans le sens de la réunion des conditions pour améliorer l’environnement des banques, l’environnement du crédit et donc pour lutter contre la thésaurisation.
Est-ce que la Banque Centrale envisage, dans un avenir plus ou moins proche, de procéder à de nouvelles émissions voire à un changement du franc guinéen ?
Dr. Louceny Nabé : Changement de franc guinéen dans l’immédiat, non. Mais à terme, oui. Sinon on ne participerait pas au programme de coopération monétaire dans le cadre de ZMAO. Cette Zone monétaire avait prévu de créer une monnaie ZMAO avec une banque centrale dont l’embryon avait déjà été mis en place avec l’aide l’institut monétaire de l’Afrique de l’ouest. Mais les chefs d’Etat ont décidé récemment de passer, à l’approche, à une vitesse supérieure. C’est-à-dire, d’abandonner l’étape ZMAO et d’aller directement à l’étape monnaie-unique CEDEAO à l’horizon 2020. C’est la décision actuelle qui a été prise et même entérinée au sommet des chefs d’Etat de la CEDEAO, tenu en 2014 à Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire. Avant cela, des perspectives dans le sens de la disparition du franc guinéen, ne sont pas déterminées à une dénomination supérieure. Pour le moment nous avons décidé d’être à 20 mille. Même si à ce niveau, nous sommes encore parmi les banques centrales qui fabriquent leurs billets au coût le plus élevé, peut-être qui supportent le prix élevé pour la fabrication en raison de la faiblesse de la valeur faciale. Faites la petite comparaison avec la principale zone monétaire, la plus forte dénomination du dollar, c’est cent dollars. Ce qui fait 700 à 750 mille francs guinéens. En zone euro, c’est 500 euros. Ce qui fait 4 millions 200 ou 4 millions 300 mille francs guinéens. Le billet de 100 euros fait à peu 820 à 830 GNF. Le billet de 10 mille FCFA fait 120 mille GNF. Voyez l’écart qu’il y a entre ces zones et nous dans la fixation de la valeur faciale la plus élevée et donc, le coût que nous supportons. La faiblesse de nos valeurs faciales fait que le nombre de billet par tête d’habitant en Guinée est peut-être l’une des plus élevées au monde. Nous en avons à peu près 140, le Maroc en 56, la zone euro a à peu près 35 billets par tête d’habitants, toutes valeurs faciales confondues. Ce nombre est d’autant plus élevé que les valeurs faciales sont faibles.
Propos recueillis par Camara Moro Amara & Mame Diallo