Trader pétrolier proche de la présidence du Congo Brazzaville, grand ordonnateur du Forum Forbes Afrique qui a vu la capitale congolaise accueillir Nicolas Sarkozy à l’été 2014, Lucien Ebata, 46 ans, a intégré ces dernières années le gotha des Africains qui comptent. Sa surface médiatique ne lui évite toutefois pas certains désagréments.
Selon des documents que Le Monde Afrique a pu consulter, l’aspirant tycoon a été intercepté, le 24 janvier 2012, à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, porteur de 182 000 euros en espèces, non déclarés lors de son passage en douane. L’oubli a déclenché une enquête du parquet de Bobigny (93) sur des soupçons de blanchiment de fonds et de non-respect de la législation sur le transport de fonds.
Auditionnés le 18 octobre 2012, le président de Forbes Afrique a dû répondre à plus de soixante questions sur les opérations réalisées sur ses comptes. A commencer par son omission – par pudeur – de déclarer les fonds trouvés sur lui à Roissy. « Il y avait beaucoup de gens qui me connaissaient et j’étais un peu mal à l’aise de déclarer ce montant devant tout le monde », a déclaré Lucien Ebata aux enquêteurs. Quant à la provenance de cet argent, il s’agissait, selon l’homme d’affaires congolais, d’un retrait de 400 000 euros et d’un autre de 40 000 dollars effectués à la banque KBL Monaco où sa société, Orion Oil & Gaz Group, domiciliée en Suisse et spécialisée dans le trading pétrolier, possède un compte.
« Des hôtels de luxe »
Quant à l’écart de 218 000 euros entre les fonds retirés et saisis, ils correspondent, toujours selon Lucien Ebata, à « des dépenses à Paris » où il n’a pourtant passé qu’une nuit. « J’ai souvent des encours importants à Paris, des hôtels de luxe », s’est-il justifié.
Retrait d’espèces de 350 000 euros le 23 janvier 2012, achat de devises au guichet pour 408 000 euros le 19 janvier de la même année… Un tourbillon de mouvements qui intrigue la justice. Les enquêteurs ont pointé 29 transferts physiques d’espèces entre Monaco et la France de 2009 à 2012, pour un montant de près de 4 millions d’euros qu’Ebata attribue à « des frais ».
« Il ne s’agit pas de dépenses structurées, a répondu l’homme d’affaires. Il s’agit sûrement de sommes payées à plusieurs prestataires » du holding Orion. La structure « chapeaute une douzaine de sociétés, décrit-il aux policiers. Notre activité principale est la commercialisation de pétrole brut ou raffiné et de produits pétroliers. Mais nous faisons également de la location d’avions, de voitures… L’année dernière, le chiffre d’affaires était d’environs 1,1 milliard de dollars pour un résultat net de 156 millions de dollars. Je suis l’actionnaire majoritaire à 99 %. » L’audition de M. Ebata pourrait intéresser d’autres procédures judiciaires en cours.
Pompe à finance
Parmi ses clients émargent notamment la société nationale de pétrole congolais (SNPC) ou la Congolaise de raffinage, deux structures contrôlées par des proches de la famille Sassou Nguesso. Selon l’instruction dite des « Biens mal acquis », ces deux entités sont suspectées de servir de pompe à finance des membres du clan au pouvoir.
De fait, la justice française s’intéresse déjà à un partenaire d’affaires de Lucien Ebata. Installé en Suisse, Philippe Chironi, de nationalité française, est, selon le registre du commerce helvète, cofondateur d’Orion et administrateur de Forbes Afrique Médias Holding, deux sociétés immatriculées dans le Canton de Vaud, au bord du lac Léman, et dont Lucien Ebata est le dirigeant.
Philippe Chironi fait en particulier l’objet d’un réquisitoire supplétif du parquet national financier, daté du 17 décembre 2014 pour son rôle dans le montage de société offshore au service du clan Sassou Nguesso, notamment à San Marin.
AFP