« La femme africaine d’aujourd’hui est instruite, tient une famille et est capable d’occuper une place dans le processus de prise de décisions d’une entreprise. Notre souhait est d’en avoir plus et nous travaillons activement et fort dans ce sens ».
Diplômée d’une maitrise en économie de gestion (option banque et assurance), Marthe Koivogui communément appelée ‘‘Dédé’’ par les proches est trilingue et détient une formation en tourisme. Ce qui lui a permis de servir dans un grand hôtel parisien.
Jadis, elle était agente commerciale à l’UFF qui est l’union financière de France. Après une spécialisation en microcrédits et rachat, sa carrière se poursuit comme courtier au sein de la société financière et de commercialisation à Gras Savoye.
Mère de 5 enfants, Mme Koivogui est fondatrice de l’association des mères et enfants de Guinée et directrice générale du Studio-Dream Production qui offre des services de production de photos & vidéos.
Marthe Koivogui nous parle de son engagement pour la jeune fille, la mère et l’enfant guinéen, de son studio de production et de bien d’autres choses. À vos yeux, prêts ? Lisez !
Pouvez-vous brièvement nous présenter l’OMEGA?
Marthe Koivogui : L’association des mères et enfants de Guinée œuvre pour le respect des droits de la femme et de l’enfant pour le bien être de la famille. Créée en 2001 et agréée le 22 novembre 2008 en France, l’AMEG a pour mission de lutter contre la pauvreté sous toutes ses formes. Convaincue que la famille est l’unité de base d’une société, l’AMEG vise à éradiquer l’analphabétisation, promouvoir l’émancipation de la femme et améliorer les conditions de vies des mères et enfants.
En outre, nous apportons du soutien en aidant quelques groupements locaux à la recherche de financement pour la réalisation de leurs projets de développement et participons aux programmes communautaires pour le développement.
Dans quel contexte avez-vous créé votre association?
Marthe Koivogui : Bien que les démarches administratives n’ont pas été des plus faciles, nous avons quand même réussi à obtenir l’autorisation d’opérer sur toute l’entendue du territoire national. Suite à cela, nous avons dû faire face au manque de ressources financières et humaines. La notion de bénévolat n’étant pas développée au sein de la population guinéenne, ne nous a pas facilités nos recherches de bénévoles.
Le contexte dans lequel nous nous sommes installées n’a pas été des meilleurs ; toutefois, je suis fière de nos réalisations et du fait que grâce à nos membres, nous avons la capacité de subventionner d’autres groupements. Nous avons mis en place avec un spécialiste des microcrédits adaptés à la réalité guinéenne. Les deux parties sont très contentes et nous espérons, vivement prendre de l’expansion sur toutes les régions naturelles du pays dans un futur très proche. Mon secret ? Avoir la tête bien sur les épaules, avoir une voix et oser taper sur la table quand il faut.
Comment faites-vous pour concilier activité professionnelle et vie familiale ?
Marthe Koivogui : Il n’est aisé pour personne de combiner plusieurs activités à la fois. Entre nous, mon parcours de combattante a été un choix, j’ai donc su transformer les obstacles en défis. Des défis que je remportais souvent et perdais parfois mais les échecs m’ont servi de leçons et ont été une occasion pour me perfectionner. Pour moi, la vie est un combat perpétuel à mener dans la positivité.
La femme africaine d’aujourd’hui est instruite, tient une famille et est capable d’occuper une place dans le processus de prise de décisions d’une entreprise. Notre souhait est d’en avoir plus et nous travaillons activement et fort dans ce sens.
Quels sont selon vous, les moyens à mettre en place aujourd’hui pour améliorer l’entrepreneuriat féminin en Guinée ?
Marthe Koivogui : L’autonomisation de la femme reste essentielle, mais ce n’est qu’une phase supplémentaire, l’incontestable et première phase consiste à améliorer la santé maternelle et infantile, sans la santé qui peut quoi ? La santé regroupe le stricte respect de l’intégrité physique et morale de la femme, son accès à une formation adéquate, son implication effective dans les prises de décisions au plus haut sommet, l’application des lois lui concernant et j’en passe…
L’entreprenariat féminin de façon formelle doit tenir compte de trois composantes importantes qui sont : la santé, la formation-entreprenariat et se pencher sur une vraie politique familiale.
La BAD a été claire sur le sujet et a fait une publication que je me permets de partager avec vous à ce propos. « Les femmes pourraient apporter beaucoup plus en termes de croissance et de développement. Mais toute une série d’obstacles les freinent. Selon le rapport, elles représentent 75% de la main d’œuvre agricole et produisent la majorité des denrées. Mais la ségrégation du marché du travail africain fait qu’elles occupent souvent des activités peu rémunérées du secteur informel. »
L’enquête propose ainsi un plan d’action visant à améliorer l’accès des femmes aux ressources foncières, financières, aux infrastructures, à l’éducation, à la santé. Une égalité homme-femme qui stimulerait considérablement le potentiel de toute l’Afrique….
Que pourraient faire les femmes de la diaspora pour améliorer la situation de celles restées au pays ?
Marthe Koivogui : Les femmes de la diaspora devraient s’intéresser aux réalités de leurs pays respectifs, je tiens à rappeler que OMEGA à une vision panafricaine voire mondiale, il suffit de traverser un pays à l’autre sur le continent pour se rendre compte que nous avons plus ou moins les mêmes préoccupations avec quelques disparités en rapport avec la religion et nos différentes cultures.
Ces femmes de la diaspora doivent s’impliquer en politique, dans le social et l’économie, nous constatons hélas que trop de mamaya (bruit, ndlr) gangrène la diaspora guinéenne en particulier, c’est bien de penser à s’amuser, à exposer or et argent et boubou brillant, c’est joli et cela fait partie de notre culture dira-t-on mais pensons à créer, à mettre en place des ponts d’action entre les femmes de la diaspora guinéenne de partout et nos sœurs/mamans au pays sur des projets concrets surtout au niveau de l’agriculture et du tourisme, deux secteurs très porteurs.
Je suis en fait en train de lancer indirectement un appel, je suis consciente aussi que certaines associations le font pour leurs villages mais pensons à voir grand. Je rêve de voir toutes les femmes de la diaspora comme une seule femme afin d’accompagner financièrement et professionnellement les projets de nos sœurs sur le terrain.
Merci pour cette interview ! Un dernier mot ?
Marthe Koivogui : Aux femmes guinéennes et africaines, je dirais ceci : J’ai une expertise en amélioration de la condition féminine et de l’enfance, en aide au développement et coopération internationale, politique familiale et médiation famille, renforcement des capacités en vie associative, microcrédits, autonomisation des femmes en milieu rural, en création d’entreprise, tourisme et conception circuits touristiques. Donc, si jamais vous avez besoin d’aide, de conseils, sachez que votre sœur, tante, copine est prête à vous tendre la main.
La femme guinéenne peut s’affirmer sans complexe, il y en a de plus en plus qui se lancent au devant de la scène pour prendre la parole, agir et faire bouger les choses mais pas assez à mon goût. Nous les femmes sommes la moitié du monde, il n’y a rien de plus plaisant que de voir mes sœurs/mères s’impliquer davantage dans la gestion de la cité.
Je tiens aussi à rappeler que OMEGA avec sa vision panafricaine avait lancé en mai 2014 un plaidoyer auquel assistait le ministre guinéen des Droits de l’homme, des représentants de la direction de l’enfance et de l’ambassade du Nigeria à la maison de la presse à Conakry pour la libération des jeunes filles nigérianes enlevées par Boko Haram. Nous relançons de nouveau ce cris ”Bring back our girls”.
Pour ceux qui sont en Europe, ça me fera plaisir de vous rencontrer et d’échanger au festival international pour les droits de l’enfant (International festival children rights). Prévu pour la fin du mois de juin en Italie, j’interviendrai sur les mutilations génitales féminines et les conséquences socio-économiques du virus Ebola sur la mère et l’enfant, pilier du développement.
Pour terminer, merci à Amanda Castello et Giovanni Mallagutti. Grâce à cette fondation, nous avons pu faire participer des élèves guinéens au concours international de dessins sur les droits des enfants (Conventions internationales des droits des enfants).
Interview réalisée par Mariama Biki Kaba