Présenté par Mamadou BAH Baadikko Président
Conakry, 13 juin 2015
Mesdames et Messieurs,
Chers amis invités,
Chers camarades congressistes
Chers compatriotes,
L’honneur m’échoit de vous présenter, au nom de la direction sortante, le rapport politique et d’orientation de notre parti, réuni en son quatrième congrès ordinaire.
Mais avant d’ouvrir nos travaux, tenons à marquer notre reconnaissance à tous ces compatriotes disparus qui ont été parmi les fondateurs de ce grand parti, l’UFD et qui ont œuvré au cours de leur existence pour le triomphe des idéaux de démocratie, d’unité et de bonheur pour le peuple de Guinée, en payant parfois de leur vie leur engagement.
Notre pensée va tout d’abord au premier Président de notre parti, le Professeur Alfa Ibrahim Sow, décédé le 21 janvier 2005. C’est lui, l’initiateur principal et l’un des fondateurs de l’UFD. Grand patriote, homme de culture et de dialogue, exemple de courage et de rectitude morale, il a tracé et éclairé la voie que nous avons suivie jusqu’ici. Nous n’oublions pas les autres grands hommes que furent nos camarades : Colonel Chérif Diallo, Issa Koulibaly, Mamadou Dian Diallo, Mody Bakar Barry, Mamady Diakité, Abdoulaye Korka Barry, et bien d’autres qui méritent notre reconnaissance et notre souvenir.
Nous demandons à notre frère Thierno Mamoudou BALDE de nous faire une prière pour le repos de leur âme et de celle de tous les fils et toutes les filles de Guinée qui ont donné leur vie pour que vive une Guinée unie, libre et prospère.
Nous prions tous nos compatriotes des autres confessions religieuses, de bien vouloir se joindre à nous dans cette prière et en communion
Merci.
Nous sommes heureux de nous retrouver après cette période très chargée de l’histoire de la Guinée allant de notre troisième congrès baptisé à l’époque, « Congrès de la maturité » en avril 2006, à ce jour de juin 2015.
Comme vous l’aurez constaté, nous avons baptisé ce congrès, « Congrès de la refondation ». En effet, à la lumière de notre expérience passée, nous ressentons le besoin de nous remettre en cause, de nous pencher sans complaisance sur nos faiblesses, de nous ouvrir à du sang neuf venant essentiellement de la jeunesse guinéenne et de nous améliorer.
Ce congrès doit être le cadre d’une profonde réflexion sur l’état des lieux de la Guinée, afin de déterminer ensemble notre orientation et nos tâches pour la période à venir.
La fin de la transition militaire en 2010 et l’installation d’un civil à la tête de l’Etat avait fait naître l’immense espoir que notre pays sortirait définitivement de ce cycle ininterrompu de dictatures plus ou moins sanglantes, de corruption et de décadence.
Près de cinq années après, quel bilan pouvons-nous tirer du nouveau pouvoir ?
I. UN BILAN DESASTREUX
Le triomphe du pouvoir solitaire, de l’ethnicisme et la fin de l’Etat unitaire
On peut constater hélas que les fruits ont tenu la promesse des fleurs. L’on se souvient que les élections présidentielles de 2010 se sont entièrement déroulées sous le signe de l’ethnicisme. Au mépris de la Constitution, le débat politique sur ce que devraient être les projets de société des candidats a laissé la place exclusivement au regroupement ethnique.
Le nouveau pouvoir RPG-Arc-en-ciel, issu d’élections frauduleuses a très tôt placé toute son action sous le signe de l’exclusion communautariste, des combinaisons politico-ethniques et l’opposition des nationalités. De nation en devenir qu’était la Guinée depuis l’indépendance, la Guinée est plutôt aujourd’hui un pays déchiré, éclaté, désuni et dans l’impasse.
Il n’est pas étonnant que ce système qui se prétend démocratique soit dirigé par un autocrate solitaire, disposant d’un pouvoir absolu et qui n’a de comptes à rendre à personne. Au lieu du changement attendu et ardemment souhaité par tout le peuple de Guinée, nous avons plutôt assisté à la continuation des pires pratiques antérieures de gouvernement, dans presque tous les domaines.
Ainsi, après moult tergiversations, la Cour Constitutionnelle a été enfin installée sans qu’on ne sache si elle fera mieux que l’ancienne Cour suprême qui s’est toujours déclarée incompétente pour sanctionner les violations de la loi par le pouvoir exécutif.
La Cour des comptes quant à elle est toujours renvoyée aux calendes grecques. Le pouvoir n’en n’a pas besoin pour continuer sa gestion opaque.
Au bout d’élections truquées (28 septembre 2013) comme le régime en est expert, une assemblée des députés a été installée. Mais comme il fallait s’y attendre, cette institution méprisée par le chef de l’Etat n’est que l’ombre d’elle-même, incapable de contribuer en quoi que ce soit à la résolution des graves problèmes que connait le pays et ses populations depuis des décennies.
Un pouvoir champion de la destruction des emplois
Depuis son installation en 2010 le nouveau pouvoir n’a jamais eu de véritable politique économique cohérente et efficace. Ses méthodes sont caractérisées par l’improvisation, la pratique de la préférence communautaire et la corruption effrénée.
Les résultats désastreux de cette politique ne se sont pas fait attendre. SOTELGUI, première entreprise de téléphonie mobile en Guinée a fermé ses portes avec des milliers d’emplois qualifiés perdus. L’usine d’alumine de Fria, en exploitation depuis 1958 a été sabordée par RUSSAL, avec la complicité des autorités guinéennes. C’est toute une préfecture qui est ainsi privée de son unique poumon économique. La plupart des grandes sociétés minières dont BHP Billiton, Rio Tinto et bien d’autres, ont gelé ou annulé leurs mega-projets en Guinée, découragées par le cadre hostile à l’entreprise, le racket et l’instabilité politique. Des industriels comme Nestlé, victimes de la concurrence déloyale de produits de contrefaçon, ont réduit leurs activités la clé sous la porte. Les quelques usines de ciment très polluantes qui se sont installées au cours de cette période, ne peuvent en aucune façon compenser les dizaines de milliers d’emplois perdus. Pour le RPG-Arc-en-ciel, l’emploi-jeunes se limite à l’animation tapageuse de ses campagnes électorales.
En matière agricole, la politique s’est limitée à déverser des engrais chimiques et des herbicides très polluants sur la paysannerie. Faute d’encadrement adéquat et de maîtrise de tous les paramètres indispensables à la réussite de l’opération, celle-ci prise dans l’engrenage de la corruption, a pris l’allure d’un coup d’épée dans l’eau, sans aucun impact sérieux sur la couverture des besoins alimentaires par la production nationale. Plus grave, on a allègrement confondu riziculture et agriculture en général, orientant exclusivement les efforts sur le riz.
L’élevage à peine sorti des graves conséquences des livraisons forcées de bétail sous la dictature du PDG, est en régression constante, faute d’une politique de soutien. En Guinée orientale, pour attiser la haine ethnique, on a même assisté en 2011 au massacre de dizaines de milliers de têtes de bétail dans l’indifférence des autorités, sinon avec leur accord tacite. L’impunité en tout étant de règle en Guinée, les victimes de vol de bétail n’ont absolument aucun recours. On ne peut même plus parler de vol, car les voleurs ne se cachent pas!
Devant l’échec de sa politique économique, le pouvoir n’a de cesse que d’agiter la stabilité de la monnaie, en occultant le fait que faute de revenus, faute d’emplois, les Guinéens n’ont jamais vécu de situation sociale aussi difficile et désespérée, avec un pouvoir d’achat qui s’est réduit en peau de chagrin.
Le naufrage de l’éducation continue
En matière d’éducation, quelques réformes ont bien été introduites, mais au bout du compte, il n’en reste que les effets pervers. Par exemple, la prise en compte des notes de classe aux examens, bonne initiative dans son principe, a entraîné la prolifération des notes de complaisance, dans le seul but d’améliorer le taux de réussite affichés par les directions régionales et préfectorales de l’éducation. On peut affirmer qu’avec les pratiques néfastes de népotisme et de laisser aller, l’éducation a sombré à l’état néant.
L’éducation est ravalée au vulgaire rang de simple boutique pour faire de l’argent.
Les enfants qui sortent de ce système sont toujours inaptes à s’insérer dans le circuit économique. L’école guinéenne continue comme avant à produire des inadaptés sociaux par millions.
Hôpitaux-mouroirs
L’explosion de la terrible épidémie d’Ebola a cruellement mis en lumière la faillite totale du système de santé de la Guinée. La malnutrition, le manque d’eau potable et l’insalubrité publique nous donnent l’une des espérances de vie parmi les plus faibles au monde. La corruption et la déliquescence des services publics de santé font de la Guinée le paradis des produits pharmaceutiques frelatés ou de contrefaçon. La prévention efficace est totalement absente de la politique de santé publique.
Justice malade
Que ce soit les délits économiques ou de droit commun, des crimes de sang de toutes sortes qui ont émaillé ce quinquennat, les honnêtes citoyens ne peuvent faire confiance à la justice de leur pays pour dire le droit.
Depuis quatre ans, des innocents arrêtés dans le cadre de l’affaire du 19 juillet 2011, croupissent en prison sans jugement. Contre toute évidence le pouvoir ose parler de la restauration de l’Etat de droit. Tout montre qu’il s’agit indiscutablement de prisonniers politiques qui devraient être immédiatement libérés. Si la Cour constitutionnelle veut prouver son indépendance, elle a une occasion de le faire en ordonnant leur libération immédiate. Cette question devrait en tête de l’agenda de l’opposition car ce qui arrive à ces innocents arbitrairement détenus peut arriver à n’importe qui d’entre nous.
Insécurité endémique
Nulle part dans tout le pays, la sécurité des citoyens n’est assurée. Pire, on soupçonne fortement l’existence d’escadrons de la mort contre tous ceux qui constitueraient des obstacles au pouvoir. Les multiples assassinats perpétrés depuis 2011 contre des serviteurs de l’Etat comme Madame Aissatou BOIRO n’ont toujours pas été élucidés. En toute illégalité, la milice tribale des Donzos fait partie du paysage urbain, provoquant et terrorisant les populations. Les coupeurs de route ont pratiquement pris possession du réseau routier.
Dans la droite ligne de la politique de division entretenue par le pouvoir, des massacres et pogroms inter-ethniques ont éclaté partout dans le pays, faisant des milliers de victimes : Zogota, Siguiri, Mamou, Dalaba, etc. Toutes les manifestations pacifiques de l’opposition sont reprimées dans le sang. Des dizaines de morts ont été recensés depuis 2011.
Pillage du bien public – Corruption – Enrichissement illicite
C’est dans ce domaine que le palmarès du pouvoir est sans doute le plus éloquent.
Arrivée au pouvoir sous le signe du changement par rapport aux dérives antérieures, la nouvelle équipe n’a fait qu’élargir le gouffre. La corruption a littéralement explosé et n’épargne aucun secteur de la vie du pays.
Des reformes comme l’unicité de caisse sont vidées de leur contenu avec l’existence d’établissements publics dont les finances servent de caisse noire au pouvoir ; c’est le cas de l’Agence de régulation des télécommunications ou du Patrimoine bâti de l’Etat. Et d’ailleurs, cette unicité de caisse n’a en rien empêché le pillage des deniers publics.
L’enrichissement illicite, le détournement de la fortune publique et la corruption sont élevés au rang de vertus. Aucune affaire de détournement n’a jamais été élucidée par la justice. Pire l’épidémie d’Ebola a donné aux tenants du pouvoir l’opportunité de s’enrichir un peu plus au détriment des populations abandonnées à elles-mêmes et aux donateurs extérieurs. Du fait des graves injustices sociales aggravées par ce système, l’écart entre les plus riches et les plus pauvres n’a jamais été aussi grand qu’aujourd’hui.
Dans l’affaire des 8 millions de dollars en espèces saisis à l’aéroport de Dakar en août 2014, un tribunal sénégalais saisi par le chef de l’Etat guinéen qui se plaignait d’avoir été diffamé, a débouté le plaignant. Nous aurions pu croire à sa bonne foi s’il n’avait pas obstinément refusé de déclarer ses biens depuis sa prise de pouvoir comme le lui ordonnait la constitution.
Encore une fois, la nouvelle Cour constitutionnelle a une occasion en or de prouver
qu’on peut lui faire confiance pour contrôler le pouvoir exécutif, en ordonnant immédiatement au chef de l’Etat et à toute son équipe de déclarer (en régularisation) leur patrimoine à leur prise de fonction. A défaut de servir de bon exemple, le chef de l’Etat guinéen aurait au moins pu prendre le bon exemple chez ses pairs africains, comme récemment le Général Muhammadu Buhari du Nigéria.
Mais qu’on ne s’y méprenne pas : toutes ces pratiques prédatrices sont le propre des pouvoirs ethnicistes quels qu’ils soient. La Guinée est certes un des rares exemples de ce type en Afrique à jour, mais il y a des précédents. L’etnicisme est une idéologie d’essence fasciste et qui amène à la confiscation du pouvoir par un groupe ou un clan pour ensuite mettre le pays en coupe réglée.
2. CROIRE EN L’AVENIR DE LA GUINEE
La terrible réalité est là. La Guinée qui était à l’avant-garde de l’Afrique en 1958 pour la liberté et le progrès est près de soixante après, l’un des plus attardés, les plus corrompus et les plus misérables. De phare de l’Afrique, la Guinée est devenue une de ses lanternes rouges.
Au lieu des ricanements présidentiels, nous aurions plutôt envie de pleurer de rage devant un tel gâchis que la Guinée ne mérite pas.
Depuis la chute du régime dictatorial et sanguinaire du PDG en 1984, tous les pouvoirs successifs ont tout fait pour empêcher que le peuple de Guinée ne se penche sur son passé et en tire toutes les leçons chèrement payées. Tous nos appels à la tenue d’une Conférence nationale Vérité – Justice – Réconciliation ont été ignorés par toute la classe politique. Depuis cette époque, c’est le même système dictatorial, corrompu et prédateur qui continue, avec cette fois la circonstance aggravante de la grave fracture communautaire.
La mascarade électorale qui se prépare avec le recensement public d’enfants mineurs et des étrangers, montre bien que le pouvoir est prêt à se maintenir coûte que coûte dans une logique implacable de confiscation du pouvoir. La répression, les intimidations de toutes sortes, les pertes d’emploi et les mutations arbitraires frappent les militants de l’opposition qui refusent de rejoindre le parti au pouvoir qui prépare sous nos yeux l’instauration d’une dictature de parti unique. Toute l’administration – y compris les ambassades de Guinée à l’extérieur – est mobilisée publiquement pour imposer le parti au pouvoir.
Tous les dialogues, négociations intervenus entre les acteurs politiques, sous l’œil bienveillant de la communauté internationale depuis 2007, 2010, 2012, 2013, n’ont jamais voulu toucher le fond des problèmes du pays pour lui permettre de panser ses plaies et se relever de ses ruines. C’est comme si à chaque fois, c’est le même système qui dialogue et qui s’arrange avec lui-même, sans remettre en cause ses fondements; le peuple n’a jamais été concerné. Tant qu’on en restera à ce genre d’exercices futiles, on peut affirmer que la Guinée restera un pays instable, misérable, en perpétuelle transition.
La Conférence nationale est incontournable si on veut résoudre pacifiquement les graves problèmes de la Guinée.
Nous croyons fermement en l’avenir radieux de la Guinée et de l’Afrique. Pour cela, nous devons réussir a recréer le formidable élan unitaire de 1958 en balayant les barrières communautaires magnifiées par le personnel politique et en acceptant de nous sacrifier pour le salut de notre pays, dans une Afrique en marche pour son unité et sa renaissance.
C’est à ce sursaut que nous appelons tous nos compatriotes. Nous saluons les compatriotes qui viennent de nous rejoindre et leur souhaitons la bienvenue. L’UFD reste ainsi un cadre ouvert, démocratique, en conformité avec ses principes fondateurs de 1991. L’UFD est connu pour être le parti des hommes et femmes intègres et des jeunes. Il l’est encore plus aujourd’hui. L’apport des nouveaux adhérents permettra, nous en sommes convaincus, de renforcer notre parti et d’en faire un puissant outil de lutte pour le triomphe de nos idéaux de d’unité, de démocratie et de progrès social pour tous.
Nous appelons toute l’opposition républicaine à l’unité, à la cohésion et à la solidarité pour lutter efficacement pour barrer la route à ce pouvoir qui a lamentablement échoué dans tous les domaines.
Tout au long des travaux du congrès, nous aurons l’occasion de développer toutes ces idées.
Nous remercions tous nos amis venant des horizons politiques et sociaux les plus divers, ainsi que Monsieur le Ministre des Droits de l’homme d’avoir bien voulu répondre à notre invitation de participer à l’ouverture de ce congrès.
Nous vous remercions.