Dans cet entretien accordé à notre reporter, Mamadou Bah Baadiko, président de l’Union des forces démocratiques (ufd) et membre de l’opposition républicaine qualifie la gouvernance actuelle d’échec, à travers la corruption des mœurs qui a tué notre « économie ainsi que le progrès et la justice sociale.» Il accuse également le parti au pouvoir d’avoir mis un mécanisme de fraude en place, dans la perspective des élections à venir.
Comment percevez-vous la situation sociopolitique actuelle de la Guinée ?
Mamadou Bah Baadiko : La situation sociopolitique guinéenne c’est le blocage et la confiscation du pouvoir à travers des élections frauduleuses. C’est un système qui dure depuis tout le temps. Il n’ya jamais eu d’alternance en Guinée, pas de renouvellement. Ce sont toujours les hommes du même système qui se relayent au pouvoir et pour arriver au même résultat. Cela veut dire quoi ? Le déclin et la décadence économique et sociale, l’absence totale des progrès économiques et sociaux, la misère accrue en conséquence chez la population, également la violence, vous savez que depuis 1958, la Guinée a eu des milliers de morts pour cause sociopolitique et aujourd’hui ce qui caractérise la Guinée, c’est la faillite dans tous les domaines et également la tentative de confisquer infiniment le pouvoir au profit de ceux qui gouvernent aujourd’hui. Et une misère indescriptible de l’écrasante majorité de la population de la ville comme à la campagne et les premières victimes sont les jeunes qui n’ont ni formation adéquate, ni emploi pour se lancer dans la vie. Et la classe politique malheureusement s’est inclue dans l’argumentaire de l’ethnicisme. Et nous voyons aujourd’hui comme catastrophe où ces choix nous ont conduits. On abuse la population de l’ethnocentrisme et la classe politique a fait de cette ligne sa politique et la population commence à comprendre que les gens qui agitent l’ethnie le font pour leur propre intérêt.
Sur le dialogue politique, avez-vous un mot à dire en tant qu’acteur?
C’est cette situation de blocage qui a amené l’opposition à la mise en place d’un cadre de dialogue, afin d’empêcher la continuation de ce que nous avons vu. Sur le plan des élections, nous savons que les élections de 2010 et 2013 ont été truquées de bout en bout. En 2013, le RPG s’est fabriqué une majorité qu’il ne mérite pas à l’Assemblée Nationale et qu’il ne fallait pas que cette situation se poursuive aux élections communales et communautaires. Au dialogue, au nom de l’opposition républicaine, on a présenté un dossier complet sur toutes les techniques de fraudes et la base de ces fraudes c’est le fichier électoral que le RPG compte utiliser pour reconduire son candidat haut la main en dépit de son rejet par l’écrasante population de la Guinée.
Mais Waymark n’est plus là…….
Mais la fraude électorale n’est pas seulement avec Waymark. Il a été remplacé par Gemalto qui fait ce qu’on lui demande. Lorsqu’on ferme les écoles et poussent les bambins de 5 à 6 ans d’aller se recenser, dans n’importe quel système, on ne peut pas arrêter la fraude. C’est aussi la CENI qui est totalement inféodée au pouvoir. En haute guinée, on a procédé au recensement à outrance et ailleurs on a peiné les gens. Il ya eu des grèves et des facteurs ont été mis en route pour limiter le recensement des populations dans les endroits où les électeurs de l’opposition sont nombreux. On envoie des kits insuffisants à ces lieux. Recenser les bambins ne veut pas dire qu’ils auront des cartes pour aller voter mais c’est pour servir au bourrage des urnes et l’alimentation des bureaux fictifs et clandestins qui seront mis en place par la CENI.
Qu’est-ce qui explique votre absence fréquente du pays?
J’étais là jusqu’en janvier 2015. Je suis revenu 4 mois et demi après. Je partage toujours mon temps entre la Guinée et le Cameroun. Je travaille pour gagner ma vie et faire vivre ma famille. Je travaille comme expert comptable, ça ne prend pas tout mon temps. Je partage mon temps entre mes activités agropastorales, éducatives, politiques et mes activités professionnelles au Cameroun. Aussi j’ai touché mes fidèles militants au Cameroun mais malheureusement le Cameroun est raillé sur la liste des pays devant assister au vote alors qu’au temps de Conté les ressortissants guinéens au Cameroun votaient aussi.
Et si on vous demandait de dresser sommairement le bilan du président Condé durant les 4 ans qu’il a passées aux affaires ?
Actuellement le pays va plus mal qu’en 2010 et 2011. C’est une situation lamentable, aujourd’hui le gouvernement a taxé la communication téléphonique à 60 francs la minute. C’est une faillite totale, la corruption a fini par tuer l’économie, le progrès et la justice sociale. L’enseignement à l’état zéro, sur la santé la Guinée a eu une explosion d’épidémies et une épidémie n’explose pas par hasard. Elle explose parce que les conditions physiques et matérielles de la population sont telles que ça favorise le développement de l’épidémie ou de la maladie. La justice est totalement aux ordres, totalement corrompue. Quand on parle de Kaléta c’est une bonne chose mais c’est un projet que le RPG a trouvé en place, effectivement réalisé et l’arrivée du seul courant ne résout pas les problèmes de chômage, de la famine. Ça ne règle aucun problème. En plus le RPG a détruit des dizaines et milliers d’emplois par sa politique ethniciste à vouloir jouer avec la corruption comme ce qu’on a vu à Fria, jouer l’ethniciste à outrance pour faire des nominations. Le népotisme comme le cas de la Sotelgui et autres. La fuite des investisseurs étrangers qui peuvent apporter des capitaux et de la valeur ajoutée.
Interview réalisée par Alsény Fadiga in L’Indépendant