Ils sont dix. Dix signes d’alarme susceptibles d’annoncer un cancer, sélectionnés par le Pr Katriina Whitaker et ses collègues du département d’épidémiologie et de santé publique de l’University College et du King’s College de Londres: toux persistante ou enrouement, modification du transit intestinal, douleur inexpliquée, modification des habitudes urinaires, grosseur inexpliquée, modification de l’apparence d’un grain de beauté, plaies qui ne guérissent pas, saignement inexpliqué, difficulté à avaler, perte de poids inexpliquée.
Pour savoir si ces symptômes précoces sont connus dans la population, les chercheurs les ont mélangés à une liste de sept autres qui n’étaient pas, eux, évocateurs de cancer. Ils ont ensuite demandé à 4 858 personnes âgées d’au moins 50 ans s’ils présentaient l’un de ces symptômes, à quoi il l’attribuait, s’ils pensaient que cela pouvait être «sérieux» et enfin s’ils avaient consulté leur médecin généraliste au sujet de ces symptômes.
L’analyse de 1 724 questionnaires reçus n’est guère rassurante. Environ une personne sur deux présentait au moins l’un des signes d’alarme de cancer, mais seulement 20 personnes sur 915 avaient envisagé ce diagnostic.
Personne ne pensait au cancer
Étonnamment, la modification d’un grain de beautéétait le signe d’alarme le moins souvent attribué au cancer, alors qu’il s’agit bien d’un des signes majeurs de mélanome (cancer de la peau). Un diagnostic qui reste difficile à faire, en particulier au départ, et l’avis d’un dermatologue est toujours indispensable en cas de doute.
Interrogés sur la gravité potentielle de leurs troubles, la proportion d’inquiets était un peu plus importante, variant entre 11 % pour des modifications de grain de beauté à 41 % pour des douleurs inexpliquées. C’est aussi dans ce dernier cas, même si personne ne pensait au cancer, que l’avis d’un médecin a été le plus souvent requis: sept fois sur dix. Or il s’agit de l’un des dix signes d’alarme le plus souvent rapportés (15 % des personnes), derrière les modifications du transit digestif (18 %) et l’enrouement ou la toux persistante (20 %).
Plus étonnant, seulement une personne sur quatre ayant eu un saignement inexplicable au cours des trois derniers mois a envisagé que ce soit grave, en dépit des nombreux messages de santé publique sur le dépistage du cancer colorectal. Une sur deux en a tout de même parlé à son médecin traitant. «Attention à ne pas confondre avec le dépistage organisé, précise Frédéric de Bels, responsable du département dépistage à l’Institut national du cancer. Dans le dépistage, on cherche des anomalies ou un marqueur pronostic qui peut précéder le cancer. On recherche à la fois des lésions précancéreuses et cancéreuses de façon à avoir de l’avance sur l’apparition des symptômes.»
Renouveler le dépistage
D’ailleurs, l’apparition de symptômes doit conduire à consulter, même si l’on participe par ailleurs aux programmes de dépistage organisé des cancers. «Ce n’est pas parce que l’on participe aux dépistages organisés que l’on est protégé», souligne Frédéric de Bels. Un cancer peut (quoique rarement) se manifester dans l’intervalle entre deux examens et bien sûr en dehors de la tranche d’âge ciblée dans le dépistage organisé. De même qu’un cancer colorectal peut ne pas saigner au moment des examens de dépistage en dépit de la précaution de faire plusieurs prélèvements espacés, d’où la nécessité de renouveler régulièrement le dépistage.
À l’inverse, certains dépistages ne sont pas forcément utiles. À l’Institut Gustave-Roussy, le Pr Martin Schlumberger, professeur de cancérologie et directeur de l’École des sciences du cancer, peste par exemple «contre le diagnostic de cancers de la thyroïde ou de la prostate qui n’ont rien de pathologiques». Pour le Pr Schlumberger, rien ne doit être fait de façon sauvage mais toujours en concertation avec le patient.
Le patient, justement. C’est à lui, en dehors donc du contexte du dépistage organisé, de repérer les signes potentiellement révélateurs de cancer. À charge ensuite pour le médecin de poser un diagnostic précis. «Il faut retenir que l’apparition soudaine d’un symptôme, son caractère inhabituel, persistant ou tout simplement inexpliqué doit mener chez le médecin», résume Frédéric de Bels.
Ne pas non plus se précipiter trop vite et sans avis médical sur une explication rassurante: un saignement rectal n’est pas forcément le signe d’hémorroïdes et si un amaigrissement peut être causé par un manque d’appétit, ce dernier peut aussi être dû à un cancer non diagnostiqué.
LA RÉDACTION VOUS CONSEILLE:
Cancer du sein: le dépistage organisé stagne