Ils ont osé, les salauds ! Ils ont tiré sur leur peuple avec la même lâcheté et la même barbarie que leur sinistre mentor, Lansana Conté, le monstre qui les a enfantés ! Janvier 2007 ne leur a pas suffi, ils ont osé récidiver, ils ont de nouveau versé le sang des innocents, de nouveau, martyrisé le paisible peuple de Guinée, perdant du même coup et leur cœur de Guinéens et leur visage d’êtres humains!
Qu’on se le dise, l’abominable système qui étouffe notre pays depuis 1958 n’est pas mort avec Sékou Touré ni avec Lansana Conté. Il est toujours là avec ses poires d’angoisse et ses cangues, ses « cabines techniques » et ses gibets, avec sa férocité de « responsable suprême », sa cupidité de « Général Fory Coco », son archaïsme de « Pivi- les- gris- gris », sa fière ignorance de « Capitaine Dadis » ! Il est là et il n’a pas changé de nature, il a simplement changé de visage. Après Sékou Touré, Lansana Conté, après Lansana Conté, Dadis Camara … « Le ventre est encore fécond d’où la bête immonde est sortie », disait Brecht à propos de l’Allemagne nazie. Mon dieu, ô, toi, maître des Univers et du Néant, après Dadis Camara, qui d’autre ?
Serions-nous condamnés à ne connaître que le mépris et le fouet, la misère et l’injure ? N’aurais- tu pas pour nous un peu de ta divine lumière afin d’éclairer nos esprits à défaut d’éclairer nos rues ? Des nombreux dirigeants que tu crées sur terre, faut- il que nous tombions toujours sur les plus bêtes, les plus arrogants, les plus aveugles, les plus destructeurs ?
Pauvre Guinée, si loin de Dieu, si près de Dadis Camara, de Sékou Touré, de Lansana Conté et consorts ! A chaque envol, la chute, à chaque tournant de l’Histoire, le pire ! A croire que c’est de nous que parle l’humoriste algérien Fellag quand il dit : « Arrivés au fond du gouffre, ils ne remontent pas, ils creusent ! »
La Guinée et la tyrannie, c’est Sisyphe et son rocher, sauf que Sisyphe, on peut l’imaginer heureux alors que la Guinée… !
Chez nous, les dates les plus prometteuses finissent dans une source inépuisable de cauchemars et de regrets :
-1958 :
Au départ : le beau sourire de Sékou Touré, symbole réjouissant de l’homme noir enfin libre : libéré des chaînes de l’Esclavage, libéré des geôles coloniales, libéré du mépris de l’homme blanc :
Au finish : la misère, l’exil, les chasse- neige russes, les discours abrutissants, les pendaisons publiques, le camp Boiro, le « complot peul », Coco Lala, la bouillie de mangues vertes, les chaussures Labé- Tamba et j’en passe.
-1984 :
Au départ : la fin de la dictature, le rêve de la liberté, de la justice, de la réconciliation, de la fraternité, du retour des exilés, du soulagement économique et social. Lansana Conté et Diarra Traoré allaient nous débarrasser de l’œuvre catastrophique de Sékou Touré.
Au finish : « Wo Fatara », l’assassinat de Diarra Traoré, la misère, la corruption, les tueries de Janvier 2007, l’Etat narcotrafiquant.
-2008 :
Au départ : la fin du régime Conté, enfin le progrès économique, enfin la démocratie et la transparence !
Au finish : Dadis Camara et son maudit CNDD autant dire tous les maux de l’Afrique réunis : la désinvolture, la cruauté, la corruption, la mégalomanie, la délinquance juvénile.
A quelque chose, malheur est bon, les tragiques évènements de ce lundi nous éclairent définitivement sur la nature de cet odieux personnage. Nous connaissons maintenant le vrai visage de Dadis Camara. En venant au pouvoir, il avait la silhouette rassurante de ATT, l’accent messianique de Sankara. Cruelle illusion d’optique ! Les fusillades du Stade du 28 Septembre ont fait tomber les masques. Plus aucun déguisement n’est possible ! L’homme qui est à la tête de notre Etat n’est ne sera ni un nouvel ATT ni un nouveau Sankara. Il sera Charles Taylor, au mieux ; Pol- Pot, au pire !
Nous savons maintenant qu’il n’est pas le sauveur mais l’autre fraction du gang qui est venue réclamer son lot de sang et sa part de gâteau. Les audits, la lutte contre le trafic de drogue ? Du bluff ! De la simple diversion ! C’est la vieille ruse du loup qui crie au loup ! Accuser les autres des crimes que l’on commet soi- même est une vieille ficelle largement usitée par l’Allemagne nazie, l’Union Soviétique, le PDG de Sékou Touré et leurs semblables. Malheureusement, elle fonctionne, encore, la garce, dans des pays comme le nôtre, complètement abrutis par les coups de boutoir conjugués de la tyrannie et de l’obscurantisme.
Mais, ce lundi tracera, nous en sommes sûrs, une grande césure dans notre vie nationale. Les choses ne seront plus comme avant. Pour nous tous et dès à présent, ces bidasses du CNDD n’ont ni la compétence ni la légitimité pour légiférer, décréter, mener une enquête ou juger quelqu’un en Guinée. Ces gens sont illégaux de la tête aux pieds. Les Guinéens ne les ont pas élus et ils ne sont pas reconnus par la communauté internationale. Ils ne méritent pas de diriger la Guinée !
Les Guinéens doivent refuser de se soumettre à leurs audits ! C’est à eux de les auditer: qu’ont-ils fait de l’argent de l’Etat depuis leur arrivée au pouvoir ?
C’est à eux de les juger ! Les Forces vives doivent dès maintenant exiger du groupe de contact la mise en place d’une commission d’enquête internationale afin d’identifier et de traduire devant le TPI les responsables de ces odieux assassinats. Elles doivent dès maintenant rompre tout contact et toute négociation avec la junte criminelle au pouvoir à Conakry du moins tant que cette commission n’aura pas bouclé son enquête. Surtout ne pas refaire les erreurs des syndicalistes qui ont continué de parler avec Conté malgré la tragédie du 27 janvier 2007!
Dorénavant, les choses sont claires : d’un côté, le peuple de Guinée uni comme il ne l’a jamais été, de l’autre, les assassins du CNDD. Entre les deux, le fossé incommensurable du sang de nos martyrs !
A ceux qui défendent Dadis et sa clique de criminels, je leur dirai simplement de méditer ce proverbe soussou : « le serpent que tu as nourri te mordra » Ce qui veut dire, en clair : les tyrans sont comme les dieux, ils ne doivent rien à personne ; ils liquident toujours ceux qui les ont aidés à monter au pouvoir. Boiro est une rude leçon, dommage que personne ne veuille la tirer!
Frères, oublions nos querelles et nos malentendus d’hier, inclinons- nous comme un seul homme devant les corps de nos martyrs et promettons à notre peuple éploré de consacrer dorénavant toute notre vie et tout notre temps à l’édification de cette Guinée libre et démocratique, prospère et unie à laquelle il rêve depuis si longtemps.
Tierno Monénembo