Les résultats d’une analyse intérimaire de l’essai clinique de phase III concernant l’efficacité du vaccin Ebola VSV-EBOV (Merck, Sharp & Dohme) en Guinée montrent que ce vaccin est très efficace.Le Conseil de surveillance et de sécurité des données – – organe indépendant composé d’experts internationaux –, qui a procédé à cette étude, a recommandé de poursuivre cet essai. Les résultats préliminaires des analyses de ces données provisoires sont publiés aujourd’hui dans la revue britannique The Lancet.
«C’est une avancée très prometteuse», a déclaré Margaret Chan, Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé. «Nous l’avons obtenue grâce au gouvernement guinéen, aux personnes vivant dans les communautés et aux nombreux partenaires de ce projet. Un vaccin efficace sera une arme supplémentaire très importante dans la lutte contre l’actuelle flambée d’Ebola et les flambées futures», a-t-elle ajouté.
Bien que, jusqu’à présent, le vaccin semble être efficace chez tous les sujets vaccinés, il faudra disposer de données plus concluantes pour savoir si le vaccin peut conférer une «immunité collective» à des populations entières. À cette fin, l’autorité nationale de réglementation des produits médicaux et le comité national d’éthique de la Guinée ont approuvé la poursuite de l’essai.
4000 personnes en contact avec des malades ont participé à l’essai
«C’est le cadeau de la Guinée à Afrique de l’Ouest et au monde», a déclaré le Dr Sakoba Keita, coordonnateur national de la riposte à Ebola en Guinée. «Les milliers de bénévoles de Conakry et d’autres régions de la Basse-Guinée, mais aussi de nombreux médecins, gestionnaires de données et mobilisateurs communautaires guinéens, ont contribué à trouver une ligne de défense contre cette terrible maladie», a-t-il ajouté.
«La méthode de vaccination dite « en ceinture » adoptée pour l’essai est basée sur la stratégie d’éradication de la variole», a indiqué John-Arne Røttingen, Directeur de la Division de la lutte contre les maladies infectieuses à l’Institut norvégien de santé publique et président du Groupe de pilotage de l’étude. «Notre hypothèse de base est qu’en vaccinant toutes les personnes qui ont été en contact avec un sujet infecté, on crée une « ceinture » de protection qui permet d’enrayer la propagation du virus. Cette stratégie nous a permis de suivre la dispersion de l’épidémie en Guinée, et sera un moyen de prolonger cette intervention de santé publique dans le cadre de l’essai clinique.»
L’essai du vaccin VSV-EBOV en Guinée a commencé dans les communautés touchées le 23 mars 2015 pour évaluer l’efficacité et l’innocuité d’une dose unique suivant une stratégie de vaccination en ceinture. À ce jour, plus de 4000 contacts proches de près de 100 patients atteints de la maladie à virus Ebola, dont des membres de la famille, des voisins et des collègues, ont volontairement participé à l’essai.
La randomisation pour cet essai s’est arrêtée le 26 juillet pour permettre à toutes les personnes à risque de recevoir le vaccin immédiatement, et pour raccourcir autant que possible le délai nécessaire pour recueillir des données plus concluantes en vue d’homologuer, à terme, le produit.
Jusqu’à présent, 50% des «ceintures» ont été vaccinées trois semaines après l’identification d’un patient infecté afin de pouvoir faire une comparaison avec les « ceintures » qui ont été vaccinées immédiatement. Ceci est maintenant terminé. En outre, l’essai va maintenant inclure des sujets âgés de 13 à 17 ans et éventuellement des sujets âgés de 6 à 12 ans, sur la base de nouvelles données sur l’innocuité du vaccin.
Le même vaccin testé aussi sur les intervenants en première ligne
«En parallèle à la vaccination en ceinture, nous menons aussi un essai du même vaccin sur les intervenants en première ligne», a déclaré Bertrand Draguez, directeur médical à Médecins sans Frontières (MSF). «Ces personnes ont travaillé sans relâche et ont risqué leur vie chaque jour pour s’occuper de personnes malades. Si le vaccin est efficace, nous les protégeons déjà contre le virus. Compte tenu du niveau d’efficacité, tous les pays touchés devraient immédiatement commencer et multiplier les vaccinations en ceinture afin de briser les chaînes de transmission et de vacciner tous leurs intervenants en première ligne pour les protéger.»
L’essai est mis en œuvre par les autorités guinéennes, l’OMS, Médecins sans Frontières et l’Institut norvégien de santé publique, avec le soutien d’un large partenariat composé d’organisations internationales et nationales.
«C’est un résultat remarquable qui montre le pouvoir des partenariats internationaux équitables et de la flexibilité», a déclaré Jeremy Farrar, Directeur du Wellcome Trust, l’un des bailleurs de fonds pour l’essai. «Ce partenariat montre également que ce travail essentiel est possible au cœur d’une terrible épidémie. Il devrait changer la façon dont le monde réagit aux menaces que constituent les maladies infectieuses émergentes. Nous, et tous nos partenaires, restons fermement attachés à donner au monde un vaccin sûr et efficace», a-t-il ajouté.
«Ce travail mené en un temps record marque un tournant dans l’histoire de la recherche et développement en santé», a déclaré Marie-Paule Kieny, Sous-Directeur général de l’OMS chargé de diriger les efforts de recherche et développement contre la maladie à virus Ebola. «Nous savons maintenant que l’urgence de sauver des vies peut accélérer la recherche et développement. Nous allons exploiter cette expérience positive pour élaborer un cadre mondial de préparation pour la recherche et développement de sorte que, si une autre flambée épidémique de grande ampleur survient, quelle que soit la maladie, le monde soit en mesure d’agir rapidement et efficacement pour mettre au point et utiliser des outils médicaux et pour empêcher une tragédie à grande échelle», a-t-elle ajouté.
Note aux rédactions
Le vaccin
Le vaccin VSV-EBOV a été mis au point par l’Agence de la santé publique du Canada. Le vaccin a été donné sous licence à NewLink Genetics, et le 24 novembre 2014, Merck & Co., Inc et NewLink Genetics Corp. ont conclu un accord de licence mondial et exclusif dans lequel Merck assume la responsabilité de la recherche, de la mise au point, de la fabrication et de la distribution du vaccin expérimental. Les Gouvernements du Canada et des États-Unis d’Amérique, entre autres, ont apporté un soutien financier.
Un protocole de vaccination en ceinture a été choisi pour l’essai: la moitié des ceintures est vaccinée peu de temps après l’identification d’un cas et l’autre moitié est vaccinée au bout de trois semaines. C’est une alternative à l’utilisation d’un placebo ; en effet, cette méthodologie permet d’avoir un groupe témoin pour la comparaison randomisée en veillant à ce que tous les contacts des patients soient vaccinés pendant l’essai.
L’essai a été conçu par un groupe d’experts du Canada, des États-Unis d’Amérique, de la France, de la Guinée, de la Norvège, du Royaume-Uni, de la Suisse, et de l’OMS. Le professeur Donald A. Henderson de l’Université John Hopkins, qui a dirigé les efforts d’éradication de la variole par l’OMS en utilisant la stratégie de vaccination en ceinture, faisait partie de ce groupe.
Les partenaires
L’essai du vaccin contre Ebola en Guinée est le résultat des efforts coordonnés de nombreux organismes internationaux. L’OMS assure l’appui réglementaire de l’étude, qui est mise en œuvre par le ministère guinéen de la Santé, l’OMS, Médecins sans Frontières (MSF), EPICENTRE et l’Institut norvégien de santé publique.
L’essai est financé par l’OMS, avec le soutien du Wellcome Trust (Royaume-Uni), du ministère norvégien des Affaires étrangères, pour le compte de l’Institut norvégien de santé publique, par l’intermédiaire du Conseil norvégien de la recherche, du gouvernement canadien, par l’entremise de l’Agence de la santé publique du Canada, des Instituts de recherche en santé du Canada, du Centre de recherches pour le développement international et du ministère canadien des Affaires étrangères, du commerce et du développement, et de MSF.
L’équipe chargée de l’essai clinique comprend notamment des experts de l’Université de Berne, de l’Université de Floride, de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, de Public Health England et des laboratoires mobiles européens.
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