Le parti de l’Union des forces démocratiques de Guinée – un parti de gauche à l’origine du temps du professeur Alfa Sow – a du plomb dans l’aile. A deux mois de l’élection présidentielle, les souris quittent le navire, probablement troué à la coque. A bâbord rien ne va plus et à tribord, la situation est encore pire. Le capitaine a du mal à tenir le gouvernail, et si l’on n’assiste pas encore à une mutinerie, il n’y a pas loin de la coupe aux lèvres.
Le parti de Cellou Dalein Diallo a-t-il encore des cadres ? Le même parti a-t-il encore des alliés ? Le triumvirat Dalein-Sidya-Kouyaté a vécu. Pour une affaire de candidature unique, Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré n’embouchent plus la même trompette. Lansana Kouyaté et Sidya Touré se sont dernièrement désolidarisés de la journée ville morte de l’opposition qui voulait ainsi apporter son soutien à un député mal poli, irrévérencieux et stupidement maladroit. Une journée qui, pour morte qu’elle devait être, a été particulièrement vivante. Ceci est un autre échec cuisant de l’UFDG qui comme un fauve blessé est en train de panser ses plaies pour mieux bondir. Car blessé, le parti de Cellou Dalein Diallo l’est assurément. Après les démissions de Yarie Briqui, d’Elhadj Sékhouna Soumah de Dubréka, d’Elhadj Ousmane Sow, secrétaire national de la Jeunesse et membre du bureau exécutif, d’Elhadj Bayaguiou, opérateur économique et directeur de campagne du parti à Télimélé lors des dernières élections législatives, du Dr Hady Barry, membre du bureau exécutif, de Youssouf Sylla, ancien fonctionnaire à la Banque mondiale, ancien directeur des Marchés publics, ancien directeur du Budget, ancien ministre de la Pêche. Au total, en un tour de main, l’UFDG a perdu 14 cadres de valeur. A cela, il faut ajouter plusieurs opérateurs économiques qui soutenaient le parti et dont Diallo Sadakadji n’est pas des moindres. Ce sont ces opérateurs économique du Foutah qui Cellou Dalein Diallo menaçaient de livrer à la vindicte populaire de sa région à travers une liste qu’il affirmait détenir.
Le dernier en date des cadres démissionnaires de l’UFDG est monsieur Youssouf Sylla qui, dans sa lettre de démission, résume tous les griefs que la plupart des militants sincères du parti reprochent au présidium de cette formation politique : « l’UFDG et ses militants sont pris en otage par une oligarchie très restreinte en nombre, ethnocentrique et imbue d’idées féodales, théocratiques et claniques ». L’ancien ministre considéré alors comme l’éminence grise du parti a mis tout son potentiel académique et intellectuel au service d’un homme et d’un parti qui ont foulé aux pieds ‘’l’éthique, la morale et les principes démocratiques’’ qui l’avaient amené à rejoindre ce camp.
Albert MALLET disait qu’«on ne fait pas la politique avec la morale, mais on n’en fait pas davantage sans elle». Mais à l’UFDG, il y a longtemps que la morale a été bannie du langage des hommes politiques qui y sont. Conséquence, la politique est devenue non pas un sacerdoce, mais un raccourci pour assouvir des penchants ethnocentriques et tribaux.
Pour Youssouf Sylla, c’est une véritable oligarchie qui est ‘’omniprésente dans l’orientation, les prises de décisions et les choix stratégiques’’ du parti. ‘’Une oligarchie qui ne tient pas compte des critères admis de compétence, de mérite et de rendement, ni de l’opinion et des préférences de ceux qui militent à la base dans l’affectation des cadres à des postes de responsabilité’’. Et « De toute évidence, cette oligarchie, au service exclusif du chef, est devenue très irrespectueuse de l’éthique, de la morale et des principes démocratiques auxquels ont souscrit tous les adhérents de l’UFDG, et qui sont le leitmotiv de notre projet de société à la rédaction duquel j’ai contribué, avec toute mon énergie. », révèle Yousouf Sylla qui estime que « le manque de sérénité, de transparence et d’esprit d’équipe dans la gestion du parti, tout comme l’absence de vision stratégique, d’organisation et de méthode expliquent à suffisance les mauvais choix politiques de la Direction et un début de désenchantement. » En réalité, l’ancien ministre fait allusion au discours malheureux de Chicago et aux alliances incertaines telles que celles projetées avec les FPDD de Moussa Dadis Camara Mieux, « cristallisée par le désir d’accéder au pouvoir, celle-ci (NDLR : l’oligarchie en question) n’accorde pas l’importance qu’il faut aux autres objectifs du parti à savoir la construction de l’unité nationale et le développement économique et social de notre pays, par une démarche plus conciliante et soucieuse de préserver l’intérêt général ». Et dans ce parti pour lequel Youssouf Sylla s’est dépensé sans compter, il est malheureux de constater que si la morale y a déserté depuis longtemps, l’humanisme et la compassion ne pouvaient qu’emboiter le pas : « Je note, enfin, un manque de solidarité et fraternité au sein du parti : Une des illustrations récentes est le manque de compassion à l’endroit de mon épouse malade et évacuée en urgence à Dakar ». Et pourtant, cet homme qui a renoncé à une brillante carrière internationale pour rentrer servir son pays a tout donné pour ses choix. A Cellou Dalein Diallo qu’il a soutenu lors de ses démêlés d’avec ses adversaires quand il était Premier ministre, il lui a toujours manifesté un engagement aveugle. C’est Youssouf Sylla qui a d’ailleurs rédigé sa lettre de politique générale quand il était Premier ministre. C’est encore lui qui a participé à la rédaction du projet de société de l’UFDG en ses volets économiques. C’est pourquoi, il était à l’aise pour affronter le docteur Ousmane Kaba lors de la dernière campagne présidentielle au compte du deuxième tour. Mais l’idylle a vécu. Car, pour les extrémistes de l’UFDG, l’ethnie est le socle sur lequel il faut s’appuyer pour émerger. Et même dans l’ethnie, il faut être de la cour rapprochée du leader pour se faire entendre. C’est cette oligarchie que l’ancien ministre Sylla a évoquée tout au long de sa lettre de démission. Et c’est cette même oligarchie que combattent tous ceux qui ont quitté le parti pour aller voir ailleurs. Et si Fodé Oussou qui se prévaut grand défenseur de l’UFDG devant l’Eternel savait qu’on le traitait tout bas de… Matchiédo, il édulcorerait mieux ses attaques contre le pouvoir. Dans tous les cas, pour ne plus aliéner sa liberté à cette oligarchie, Youssouf Sylla lui, a préféré prendre ses distances. En toute responsabilité.
Dr Abdoulaye Sangaré
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