Alors que tous les regards convergeaient vers la Guinée le 11 octobre dernier en raison du rendez-vous historique qui l’attendait, il est regrettable que notre pays se soit vu, une fois de plus, celle de trop, fermer la porte d’entrée dans le concert des nations démocratiques en s’alignant sur les pays comme le Sénégal, le Ghana, ou encore le Cap-Vert. La mascarade électorale orchestrée par l’administration et la CENI, digne d’un véritable spectacle de cirque au cours duquel ces deux entités se muèrent pour l’occasion en jongleurs, illusionnistes, comédiens et magiciens, a donné lieu à des fraudes dont l’ampleur et la systématicité dépassent l’entendement humain pour relever de la fiction.
Il en est ainsi de l’arrestation et de la détention arbitraire des délégués de l’UFDG par les agents des forces de l’ordre pour procéder eux-mêmes au dépouillement ; du bourrage des urnes ; de la confiscation et de la rétention des cartes d’électeurs ; du vote indécent de mineurs ; du refus délibéré de faire voter des circonscriptions entières de l’étranger ; du recours abusif aux votes par procuration ; de la volatilisation de 20% de cartes d’électeurs ; de la substitution et de la falsification des procès-verbaux ; de la mobilisation massive et illégale des moyens de l’Etat soulignée par la mission d’observation électorale de l’UE et de l’achat des consciences à coup de sacs de riz spécialement importés à cet effet.
S’indigner ou se résigner ?
Quand la démocratie est ainsi trahie et usurpée, que doit faire le peuple ? Attendre les prochaines échéances électorales ou au contraire agir avant qu’une évolution ne remette irrémédiablement en question les fondements même de cette démocratie ? La réponse est sans appel : le peuple doit agir, mais uniquement dans le cadre de la légalité, et cette action passe par la jouissance effective d’un droit consacré par notre loi suprême : celui de manifester.
De l’art de faire passer des manifestations pacifiques pour des appels à la violence !
Il est en effet inadmissible que d’un côté, des citoyens se voient confisquer leurs voix et empêcher de voter de manière transparente et crédible, et que de l’autre, le pouvoir en place fasse passer leurs revendications, au demeurant légitimes, pour des appels à la violence. Il ne saurait émaner de violences de la part de manifestants pacifiques qui sont mains nues face à des éléments des forces de l’ordre et de sécurité suréquipés.
Au contraire, toute violence serait à mettre à l’actif du recours excessif à la force de la part des forces de l’ordre et de sécurité, placés sous l’autorité de ceux sur la tête desquels plane l’épée de Damoclès de la CPI. Toute violence serait à mettre au compte d’un pouvoir qui s’est constamment employé à violer nos dispositions constitutionnelles pour ensuite enfreindre des accords résultant du non-respect desdites dispositions. Toute violence serait à imputer au pouvoir dont l’élection ne répond guère aux règles démocratiques et viole l’expression du libre choix du peuple. Toute violence serait à mettre à l’actif de la CENI dont l’impréparation manifeste et délibérée et les moult infractions au code électoral, ont conduit inévitablement à priver bon nombre de nos citoyens de l’exercice de leurs droits civiques, alors que l’opposition l’invitait à un report, dans le respect des règles constitutionnelles.
Le RPG n’a pas le monopole de la paix !
La paix n’est pas un vain mot mais un comportement. Alors que des foyers d’instabilité sont créés et activés çà et là, en amont et en aval du processus électoral, les communicants du RPG s’improvisent pompiers-pyromanes en prônant à tout va des messages de paix qui peinent à cacher leur entreprise machiavélique. Comme pour préparer soigneusement les esprits à l’acceptation de résultats truqués. Le RPG est loin de disposer du monopole de la paix. La Guinée est notre mère à tous. La Guinée nous appartient à tous, jeunes, moins jeunes, femmes, paysans, citadins, pécheurs, ouvriers, artistes, pauvres, commerçants !
Si la réalisation de la paix passe nécessairement par la justice, il est grand temps que justice soit rendue aux victimes des manifestations de Conakry, aux victimes de la violence étatique en Guinée Forestière, aux victimes anonymes du racket organisé de l’Etat, aux victimes d’Ebola que le pouvoir en place n’a pas su empêcher, ni consoler, aux victimes quotidiennes de l’exclusion sociale, de la discrimination et de la mauvaise gouvernance politique et économique. Leur rendre justice reviendra à œuvrer inlassablement par tous les moyens pacifiques à l’instauration d’une véritable démocratie dans notre pays, à l’installation d’un état de droit et au respect effectif de nos droits fondamentaux et de nos libertés publiques.
Vive la Guinée, Vive l’unité nationale !
Nadia Nahman