Le qualificatif lui sied tant l’homme est doué dans le retournement des situations en sa faveur. Cet animal politique au sens entier du terme s’est distingué tout au long de son parcours par la force de ses convictions sur l’échiquier politique guinéen. Opposant des premières heures, redouté de tous les présidents qui se sont succédé à la tête de la Guinée, Alpha Condé a pu se frayer dès le début un chemin dans le pays grâce à un électorat constant qui n’a cessé de lui témoigner une fidélité quasi religieuse.
Comment cet homme qui a passé la plus grande partie de sa vie en dehors de la Guinée a pu conquérir pour la deuxième fois le pouvoir tant convoité face à des opposants qui sont restés au pays et qui ont servi dans la haute sphère de l’Etat ?
Sa capacité de mobilisation à l’interne, au-delà de son cercle naturel, et la qualité de son réseau à l’international, constitué d’hommes d’affaires influents comme George Soros, spéculateur financier de renommée mondiale, et de personnalités politiques influentes, comme Tony Blair ou Bernard Kouchner, bien introduites dans les centres de décision névralgique en occident ont fait la différence en 2010, sans compter certains chefs d’Etat africains qui sont ses amis de longue date. Bien que devancé au premier tour par Cellou Dalein Diallo, il su entre les deux tours changer la donne en misant sur une campagne de proximité et en faisant le porte à porte dans les fiefs qui au départ n’étaient pas acquis à sa cause, en particulier en basse Guinée. De plus, le facteur ethnique jouant, il a pu renforcer son score final par la récupération de l’électorat de Lansana Kouyaté via une alliance scellée sur la pression de la communauté mandingue.
En 2015, il réédite son exploit grâce à une combinaison de deux facteurs importants : Premièrement, il y a son bilan économique. Héritant d’une économie exsangue, le Président Condé a réussi malgré le ralentissement des activités économiques par l’épidémie d’Ebola, à engager les finances publiques dans une voie de normalisation, ce qui lui a valu l’appui des institutions financières internationales. Aussi, à son actif, la réalisation d’importantes infrastructures hôtelières et hydro électrique comme le barrage de Kaléta.
Deuxièmement il avait face à lui une opposition divisée par un conflit de leadership. L’idée d’une candidature unique qui aurait pu le déranger dans sa zone de confort n’a pas prospéré, faute d’entente sur les modalités de désignation d’un candidat unique. Enfin, le recours abusif à des manifestations aux allures insurrectionnelles dans une partie de Conakry, a contribué à faire substituer à l’image d’homme modéré qu’était celle du chef de fil de l’opposition, l’image d’un radical peu rassurant, ayant des difficultés à convaincre ceux et celles qui sont en dehors de son cercle, et prêt à en découdre à tout prix avec le pouvoir en place.
Le président Condé aura-t-il les coudées franches pour engager, sans préoccupations électoralistes, d’autres réformes audacieuses dans les cinq prochaines années, sachant qu’il ne lui reste que ce seul mandat ? En tout état de cause, s’il souhaite se réserver une place de bâtisseur dans l’histoire, il doit assurer la prospérité des guinéens par la création d’emplois et investir massivement dans l’éducation des jeunes. Cela suppose la réconciliation des guinéens plus que jamais divisés par une longue histoire d’humiliations subies et de rancœurs accumulées dans un Etat équitable et démocratique.
Youssouf S.