Alpha Condé est (re)parti pour un second mandat. Le dernier, comme a tenu à le rappeler le président de la Cour constitutionnelle, Kélèfa Sall, dans un discours où la loi, les opinions personnelles, les exhortations et les mises en garde s’imbriquaient allègrement. Les puristes de la langue française auraient pu d’ailleurs lui lancer à la figure, que préciser qu’il s’agit du dernier était inutile : si un troisième mandat était envisagé ou simplement possible, on aurait parlé de « deuxième » et non de « second ».
Il aura fallu une seconde fois, que le président élu des Guinéens prête serment devant Sall et Cie, le ton grave et la main droite levée. On ne sait pas si le papelard que Sall avait remis au champion du RPG la première fois, le 11 octobre au Palais Mohammed V, était au propre ou simplement un brouillon. Le texte qui était amputé par endroits, a quand même permis d’assister à des joutes verbales – et sur la toile – entre certains de nos théoriciens du droit. En mal de notoriété ou non.
Maintenant que tout cela est derrière nous, tout commence (ou recommence) pour Alpha Condé. D’abord les ennuis.
Quelle que soit l’option qu’il choisira, quel que soit le dosage qu’il fera, la formation du gouvernement que le nouveau Premier ministre sera censé driver fera des vagues. Un peu plus tard, l’effet Kaléta finira par s’estomper et ses compatriotes ne trouveront plus miraculeux, mais plutôt normal de jouir du courant électrique comme les citoyens de maints pays africains. La demande sociale ira crescendo, et l’épidémie d’Ebola ne sera plus là pour servir d’excuse en cas de contre-performances.
Sur le plan politique, laisser en rade son parti au nom d’une dynamique d’ouverture tous azimuts, en se disant que c’est son dernier mandat, pourrait lui aliéner la majorité dans le futur parlement de … 2018.
Il est vrai qu’après la déculottée électorale des présidentielles, l’opposition guinéenne est à terre, à ramasser. Cependant, même si elle semble renouer avec ses déchirements, au terme de la décantation qui s’amorce elle finira bien par se refonder, se reconstruire. On imagine aisément jusqu’où une opposition qui aura pris les leviers de l’assemblée nationale se fera le plaisir d’empoisonner ses dernières années à Sékhoutouréya …
Mais en briguant un mandat à la tête de l’Etat, même quand il soutenait que ce dernier n’existait pas en Guinée, Alpha Condé savait qu’être président d’un pays n’a rien d’une sinécure. A lui d’être à la hauteur de ce qui l’attend. En redonnant un élan et un souffle à un pays ramolli. En remettant au travail les bras engourdis des Guinéens. Alpha devra réaliser le changement qu’il a tant célébré et que ses compatriotes appellent de tous leurs vœux.
Personne ne lui demande de faire des miracles, ou qu’il change du jour au lendemain, comme sous l’effet d’une baguette magique, les conditions de vie de ses administrés. Mieux vaut tard que jamais, dit-on. Les ratés observés, les tâtonnements remarqués, les erreurs de casting, le laxisme coupable, les propos inconsidérés, tout cela et beaucoup d’autres choses peuvent être corrigés.
Avec ce nouveau mandat, le contrat à durée déterminée qui lie le président Alpha Condé aux populations guinéennes est de dix ans. Une décennie peut sembler insuffisante pour quelqu’un qui veut se forger une légende (à l’image d’un Nelson Mandela par exemple). Mais ce n’est pas rien. Ce fut toute la durée du règne de Djoul Karnaïni (Alexandre le grand). Et il n’a pas fallu plus de temps à Napoléon Bonaparte, durant le Premier Empire, pour créer le baccalauréat, la cour des comptes, la banque de France et concevoir le code civil.
Comme pour dire que l’essentiel est de s’y mettre, sans tarder.
Ayant compris qu’il était risqué de faire des promesses de façon inconsidérée, le président américain John Kennedy, dans son discours d’investiture en 1961, l’a si bien dit : « nous ne pourrons pas tout faire dans les cent premiers jours. Ni dans les mille premiers jours, ni pendant toute la durée de notre mandat, ni même peut-être pendant toute notre vie sur cette planète. Mais, commençons » !
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