La vie politique guinéenne, à jamais orphelin de l’un de ses derniers mohicans, qui, conformément à ses dernières volontés, repose désormais sur les terres de ses ancêtres à Bossou. Dieu sachant bien faire les choses, ses obsèques, chargées d’émotion, ont été l’occasion de réunir en une salle, tout ce que notre pays, compte de politiques. Un moment comme il en est rare, de retrouvailles forcées, pour des adversaires, venus s’abreuver au grand fleuve de la sagesse.
Une image comme il en est rare, Alpha Condé-Cellou Dalein Diallo, réunis par la force du destin, le premier assis, écoutant religieusement le second, rendre hommage à un parcours, à un amour comme jamais de sa patrie, à une intelligence politique, à un humanisme politique ; une image comme il en est rare, tout le bataclan du microcosme politique guinéen, dressé comme un seul homme derrière Alpha Condé, débout devant la dépouille de Jean Marie Soumaoro Doré, couché à jamais ; Oui, celui qui était couché et qui ne se relèvera plus pour continuer à boxer dans le même ring qu’eux, comme il l’a toujours fait et su le faire, sans effusion de sang, celui qui était couché et enveloppé dans le linceul et le tricolore national, Jean Marie Soumaoro Doré, était celui-là même, qui, il y a quatre mois, comme par prémonition, livrait son dernier combat, aux côtés d’Alpha Condé, qu’il avait choisi de soutenir, pour tout ce qui les lia, pour tout le parcours qui a été le leur, eux deux et leurs défunts compagnons de route, Siradjou Diallo et Bah Mamadou, faisant ainsi le deuil de ses ambitions personnelles, faisant le pari de la nation. Oui, j’ai tenu à relever, au-delà de tout, des voix plus sages, ont fini de magnifier le parcours et l’œuvre incommensurable de sagesse et d’intelligence politique de l’homme, j’ai tenu à relever cette capacité de reniement de soi qu’avait cet grand homme pour l’autre, cette capacité de renonciation à ses ambitions personnelles et parfois égoïstes, cette capacité de contenir ses propres ardeurs et pulsions, pour voir la nation en face. Combien en ont-ils été capables? Combien le seront-ils à l’avenir? Pendant cinq ans, ils nous ont servi le même clivage mouvance-opposition, pendant cinq ans, ils se sont défiés, ils se sont étripés, pendant cinq ans, ils ont mis notre pays à feu et à sang, pendant cinq ans, ils se sont nourris du sang humain, du sang du guinéen, leurs consciences en sont pavés. Pendant cinq ans, ils nous ont servi une pratique bestiale de la politique. Pendant ce temps, celui qui s’en est allé à jamais, lui, ayant de tout son vivant, préféré le combat d’idées à celui des biceps, à celui des armes. Une autre image comme il en est rare, celle de deux frères ennemis, réunis par la force du destin, au lendemain d’un vendredi noir pour leur case commune, qui se consume, qui brûle. J’ai vu Cellou et Bah Oury, comme consumé par le remords, assis en face de la dépouille mortelle de feu JMD. A cet instant précis, se sont-ils interrogés un tantinet, de l’intérieur de leur âme, sur le sens de la bataille rangée à issue destructrice pour eux, pour leur case commune, dans laquelle, ils se sont aveuglement engagés ? Se préoccupent-ils, un seul instant, de l’image que le spectacle désolant et honteux de leur querelle de clocher, renvoie au reste de la Guinée, à l’Afrique et au monde entier ? Comment désormais gommer l’image vilaine d’un parti violent ? Comment désormais porter sur sa conscience l’assassinat d’un journaliste ? Comment désormais échapper au châtiment de la justice ? Voici enfin avérés, étalés au grand jour, sur la place publique, des soupçons qui ont longtemps pesés sur des militants de leur parti. Oui, sans rémission, il n’y a aucune échappatoire, puisque celles auxquelles ils ont toujours rejeté la faute, les forces de l’ordre, n’y étaient point. C’est donc sans ambiguïté, de l’intérieur de la foule de militants de l’UFDG, l’esprit chauffé à blanc, comme à l’accoutumée, qu’est partie la balle assassine, qui a foudroyé El Hadj Mohamed Koula Diallo, brutalement arraché à sa famille, à sa femme, à son unique fillette, à la presse guinéenne, à son pays. Oui, Ibrahima Sory Traoré, son employeur, a raison d’être inconsolable. Il a eu cette phrase samedi, assis l’âme dégoulinante de colère, à l’ombre du manguier, dans la concession mortuaire : « Celui qui a systématiquement couvert toutes les assemblées hebdomadaires de l’UFDG, c’est comme ça qu’ils l’ont récompensé ? En le zigouillant ? Repose en paix El Hadj, tu resteras à jamais sur leur conscience !