Le cabinet-conseil urbaniste singapourien Surbana Jurong Planning Group a été présenté par son représentant Afrique le 8 mars 2016 dans la salle Phénix de l’hôtel Palm Camayenne de Conakry. Spécialisé dans l’aménagement de territoire, il va transformer et moderniser les espaces urbains de la capitale guinéenne et du domaine de Kasson’ya.
Surbana Jurong Planning Group est un consultant singapourien leader au plan international en matière d’aménagement de territoire. Il a été choisi pour concevoir un nouveau schéma directeur de la capitale Conakry et d’un espace de 16 000 hectares situé à Kasson’ya, une zone à cheval sur Matoto et Coyah. Son représentant Afrique Louis Tayy a présenté le cabinet-conseil urbaniste le 8 mars 2016 dans la salle Phénix de l’hôtel Palm Camayenne de Conakry. C’était sur invitation du ministre d’État président du Conseil présidentiel des investissements et des partenariats public-privé (CPI-PPP), Ibrahima Kassory Fofana, lancée pendant son séjour à Singapour les 18 et 19 décembre 2015, fasciné qu’il était par le développement fulgurant de cette île sur tous les plans, et notamment urbanistique. L’objectif de la présentation était de partager avec le gouvernement et des hommes d’affaires chinois et guinéens l’expérience du cabinet-conseil qui a aménagé et modernisé Singapour ainsi que plusieurs villes dans le monde.
La cérémonie a été co-organisée par le CPI-PPP et le consortium SMB-WAP (Société minière de Boké-Winning Africa Port) présidée par Fadi Wazni, le directeur général d’UMS (United Mining Supply).
Le ministre d’État a remercié le Chinois Sun Xiushun, président de Winning International Group, pour avoir facilité la venue du cabinet-conseil Surbana Jurong en Guinée. La présentation ayant coïncidé avec l’arrivée en Guinée du président Paul Kagamé, Don Kass a fait savoir que c’est ce consultant singapourien qui a tracé les nouveaux plans de la capitale rwandaise. Kigali est depuis quelques années une ville en pleine mutation architecturale et urbanistique et sera à terme le Singapour africain.
Surbana Jurong Planning Group compte 4 200 employés. Il est un des plus gros planificateurs urbains d’Asie. Il vise à atteindre 9 000 employés pour devenir le leader en Asie.
Le représentant Afrique Louis Tayyh a charmé l’auditoire par sa présentation hautement professionnelle, à la fois pédagogique et humoristique. Il a narré la Success Story de Singapour. Devenue indépendante en 1960, donc après la Guinée, l’île a été confrontée à un problème de surpopulation et à un manque de services sociaux de base après le départ des Britanniques. Sur les 50 dernières années, le cabinet-conseil Surbana Jurong Planning Group a joué un rôle majeur dans son urbanisation. Il l’a fait passer d’un petit avant-poste colonial sous-développé et sans ressources naturelles en une métropole moderne et brillante, grâce à l’homme providentiel Lee Kuan Yew, Premier ministre de 1959 à 1990. Patriote, autoritaire et éclairé, ce diplômé de Cambridge a donné à l’île une des économies les plus florissantes de toute la planète, avec notamment une croissance industrielle de 23 % entre 1968 et 1978.
LA SUCCESS STORY DE L’ÎLE DE SINGAPOUR
Le gouvernement singapourien a d’abord dû créer un centre d’affaires. La première difficulté a été l’acquisition des terres. Celles-ci appartenaient à des personnes physiques ou morales privées. Le gouvernement a fait passer des lois – impopulaires à l’époque – pour acquérir les terres au centre-ville et sur tout le territoire, avec bien évidemment les dédommagements légaux. En 1960 il possédait seulement 40 % des terres. Aujourd’hui il en a 90 %.
La première clé de la Success Story de Singapour a été l’acquisition des terres et leur mise en valeur. Ainsi, tout État qui veut moderniser ses villes doit d’abord acquérir beaucoup de terres. C’est un exercice difficile pour lui et douloureux pour les citoyens mais nécessaire pour toute la communauté.
L’île de Singapour fait 710 kilomètres carrés pour 5,4 millions d’habitants qui occupent seulement 19 % du territoire. Elle manque cruellement de terres. La Guinée s’étend sur plus de 250 mille kilomètres carrés pour une population juste deux fois supérieure et les terres habitables ne finissent pas. Singapour n’a pas de matières premières, la Guinée en regorge de toutes sortes. La terre est si précieuse à Singapour que ses gouvernements successifs ont dû mettre en place des systèmes innovants pour continuer son urbanisation. Le premier concept structurel de planification a été élaboré en 1971. Et le schéma directeur a été revu tous les cinq ans pour l’adapter aux nouvelles exigences et contraintes.
La deuxième clé du succès de l’île est la longévité politique. Une personne, en l’occurrence le Premier ministre Lee Kuan Yew, dictateur éclairé, a décidé d’imprimer un dynamisme au pays avec une vision claire et sur le long terme. La planification du développement ne produit ses résultats que sur au moins deux générations. On n’atteint pas les objectifs d’urbanisation sans une bonne planification. Il faut anticiper, voir plus loin.
Donc il y a deux concepts clés : un bon schéma directeur et des terres à disposition.
Beaucoup de gouvernements africains se plaignent de ne pas avoir un budget suffisant pour l’urbanisation, a noté l’ingénieur-conseil singapourien Louis Tayyh. Cependant, ex nihilo nihil fit (de rien, rien ne se crée). Il faut créer un capital pour catalyser la croissance économique. Tout pays rêve d’accueillir des investissements étrangers importants, mais il lui faut au préalable des infrastructures de base : routes, aéroports, hôtels, logements, etc.
Quand un pays commence à zéro son développement, il lui est plus facile de réaliser une croissance à deux chiffres. Avec l’accroissement du PIB, l’État perçoit plus de taxes et accroît son budget national de développement. Mais la croissance baissera avec le temps et avec le développement. En fait, elle obéit à une courbe logarithmique. Ainsi, la Chine, qui a réalisé une croissance à deux chiffres pendant les deux premières décennies qui ont suivi la chute du Mur de Berlin et l’effondrement du communisme, est aujourd’hui satisfaite avec une croissance de 6 %.
Puisque le développement ne doit pas se faire aux dépens de l’environnement, l’urbanisation doit préserver et aménager des espaces verts.
Les transports sont également importants. Il faut développer les transports urbains rapides (bus, trams, trains, métro) et rapidement accessibles à tous les habitants. Un gouvernement ne peut pas construire suffisamment de routes pour toutes les voitures, celles-ci devenant de plus en plus nombreuses. À Singapour, outre les terres qu’il a acquises, l’État a décidé que tout ce qui est au- dessous de 30 mètres de la surface lui appartient. Cela lui a permis de creuser des tunnels pour développer les différents types de transports urbains.
La principale difficulté de tout plan directeur est sa mise en œuvre. Il ne peut être implémenté que par une mise en synergie de différents départements. Mais bien souvent dans les pays en développement, les ministères se parlent peu, la coordination de l’action gouvernementale n’est pas efficace, selon Louis Tayyh. Pour lui, il faut surtout bien coordonner les politiques institutionnelle, infrastructurelle, sociale et éducationnelle si on veut mettre en œuvre le futur schéma directeur de Conakry et Kasson’ya.
Le gouvernement doit avoir deux qualités essentielles : la bonne gouvernance (qui bannit et punit sévèrement la corruption) et le pragmatisme stratégique, c’est-à-dire une vision claire et réaliste à court, moyen et long termes.
Le système singapourien est basé sur une éthique confucianiste : le bien-être collectif doit primer le bien-être individuel. Dans le système occidental, et notamment américain, s’est le contraire, d’après Louis Tayyh. Dans les pays en développement, le gouvernement doit prendre des décisions très courageuses, impopulaires s’il le faut, pourvu qu’il cherche à atteindre des objectifs qui impacteront positivement la vie de l’ensemble de la population. C’est grâce à une politique courageuse de ses dirigeants que l’île de Singapour a changé de visage si rapidement et compte aujourd’hui 7 000 multinationales et 100 000 PME.
Le gouvernement chinois s’est inspiré du modèle singapourien. « Singapour, miroir de la Chine », disent les économistes. Donc la Guinée peut faire autant, sans toutefois faire du copier-coller. Elle doit adapter le modèle singapourien à son système politique et à ses réalités économiques, sociales et culturelles, a conseillé Louis Tayyh.
LA MÉTHODE DE SURBANA ET SES EMPREINTES DANS LE MONDE
Le cabinet-conseil singapourien Surbana Jurong Planning Group trace des plans de ville, conçoit et fait le design de projets spécifiques et assure la maintenance des infrastructures. La planification vise à entrer avec assurance dans le futur, créer une nouvelle image, être compétitif au plan international, satisfaire les besoins de la croissance démographique, sauvegarder l’héritage culturel et l’environnement et assurer le développement en plusieurs phases.
Lorsque le cabinet-conseil Surbana arrive dans un pays, il prévoit et organise le transfert de compétences. Il a réalisé le plan directeur de Kigali et le gouvernement rwandais se montre très rigoureux dans sa mise en œuvre. Il en est de même pour Mumbai et Pradesh, en Inde, pour Libreville, Kinshasa, le nord du Ghana et des dizaines d’autres villes à travers le monde. Il a fait sortir de terre l’éco-ville chinoise Tianjin.
Le cabinet envisage un plan vert pour Conakry. Sa vision pour la capitale guinéenne est : comment doit-elle être en 2040, soit dans un quart de siècle ? Cette vision doit être claire et partagée par les décideurs, les partenaires et les populations. Il faut un nouveau modèle, susceptible à la fois de moderniser la ville mais aussi de créer des emplois et des opportunités d’affaires, a dit Louis Tayyh.
Il y aura une exploitation intégrée des données. La capitale sera repositionnée en fonction de sa situation géographique, de ses atouts et de ses handicaps. De grandes lignes directrices seront fixées pour le développement du pays. Le nouveau schéma directeur sera détaillé parcelle par parcelle afin que chaque propriétaire sache ce qu’il peut faire et ce qu’il ne peut pas faire en termes d’architecture et d’aménagement.
On procédera à la mise en œuvre du plan directeur, au marketing et à l’implémentation de projets spécifiques. Des espaces clés, comme un quartier d’affaires, des cités de différents standings ou des espaces de loisirs, seront aménagés. Le lancement officiel du schéma directeur sera fait et tout le monde pourra le voir sur une plateforme web et étudier les opportunités qu’il offre dans tous les domaines.
Le cabinet-conseil singapourien procèdera au renforcement des capacités locales sur une période d’appropriation définie. Un système de gestion foncière et de gestion intégrée des permis de construire sera mise en place et fonctionnera en ligne. Le bureau du projet sera installé à Conakry avec un comité de pilotage qui va élaborer la stratégie et valider les axes du projet.
Le processus se déroulera sur 24 mois, les 16 premiers pour la mise en place du schéma directeur et les 8 autres pour l’accompagnement technique.
L’île de Singapour s’est fortement développée en 40 ans. Si elle a réussi cet exploit, la Guinée aussi peut le faire. La Banque mondiale a d’ailleurs exhorté les pays les moins avancés à s’inspirer du modèle singapourien, comme l’avait fait le président chinois Deng Xiaoping pour développer de manière fulgurante son pays, en faire la deuxième économie mondiale, en passe d’être la première dans les années à venir.
Avec son expertise en aménagement de territoire reconnue à travers le monde et avec une volonté politique sincère et courageuse de l’État guinéen, Conakry et Kasson’ya connaîtront dans les 25 prochaines années une urbanisation répondant aux normes internationales.
El Béchir