Le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), Cellou Dalein Diallo était l’invité de la radio Espace FM le lundi 14 mars 2016. Lors de son intervention, Cellou Dalein a fait des révélations sur la gestion du pays par l’actuel pouvoir.
«Pourquoi nous sommes dans cette crise économique? Je vais vous dire, il y avait une mauvaise gestion. Les recettes minières n’ont pas baissé en 2015. En 2014, elles ont augmenté par rapport à 2013. En 2015, elles ont augmenté par rapport à 2014 pour atteindre 1 558 milliards en 2015 contre 1 350 milliards en 2014. Non seulement l’Etat a utilisé toutes ces recettes parce qu’il y a eu au total 9 000 milliards de recettes budgétaires sans compter les dons au titre d’Ebola, sans compter les financements extérieurs des projets et des programmes. Les recettes ont atteint 8 900 milliards. Le gouvernement a dépensé tout cet argent. Comment?
« Ensuite, l’Etat s’est endetté. Il a fait jouer la planche à billets au niveau de la BCRG à hauteur de 1 860 milliards. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le FMI et la BM lors de la revue de la Facilité élargie du crédit. Ensuite, au même moment, en 2014 et 2015, je vous ai dit qu’ils ont attribué près de deux milliards de dollars de marchés de gré à gré au clan. Cinq entreprises. Je les ai citées ici. Ces entreprises de marché de gré à gré avec des prix unitaires qui n’ont rien à voir avec la réalité économique. Les gens cachaient ça. Dans les BTP, dans l’énergie, fondamentalement. Ils les ont cachées parce que les dépenses n’étaient pas inscrites au budget. Ils ont demandé à ces bénéficiaires de ces marchés de s’endetter auprès des banques à l’intérieur comme à l’extérieur. La BCRG, en violation flagrante de ses statuts, a délivré des garanties. Le gouvernement, à la 5ème revue avec le FMI et la BM qui a eu lieu en février 2015, le gouvernement a menti. Ils ont dit qu’ils n’ont pas fait de garantie. Le FMI vient de se rendre compte. Je peux vous montrer des documents et à cet égard que le gouvernement avait menti. Ils ont pu décaisser près de 600 millions de dollars. Aujourd’hui, la règle au niveau du FMI, parce qu’il a écrit, est que vous remboursiez les montants que vous avez décaissés à la suite de fausses informations que vous avez communiquées. Alors, le FMI dit soit vous remboursez soit vous plaidez coupable. Et aujourd’hui, le FMI va se réunir pour examiner la lettre d’excuse du gouvernement. Ils plaident coupables. Ils ont écrit : nous avons menti, nous n’avons pas déclaré cette garantie. On avait délivré à la BIDC (Banque d’Investissement et de Développement de la Cédéao) en faveur de l’entreprise EBOMAF pour 65 millions de dollars. On a attribué à cette entreprise le marché de Kissidougou-Kankan pour un prix au kilomètre de 1 500 000 euros. Alors que le prix normal, c’est entre 300 et 400 euros.
« Un Etat, il y a la loi. D’abord, il y a la loi. Le code des marchés est une loi de la république qui dit que toute commande publique supérieure à 20 millions GNF doit faire l’objet d’un appel à la concurrence. Mais un Etat responsable fait d’abord les études.
«Sur Kankan-Mandiana-Sankarani, on a donné un marché de gré à gré à un autre Guinéen, Kaba Guiter. Mais c’est à 350 000 euros le kilomètre. Mais, l’autre, le même contrat, dans la même zone, alors que l’autre route était déjà bitumée, c’est une forte réhabilitation bien entendue et fortement dégradée. Mais l’autre Mandiana – Kankan n’a jamais été bitumée. Là-bas, le prix au kilomètre, c’est 350 000 euros, et l’autre c’est 1 500 000 euros. Et le gouvernement se permet de délivrer une garantie auprès d’une institution financière étrangère pour qu’il préfinance ce projet alors que dans l’engagement, dans le cadre de la FEC, il s’est engagé à ne pas contracter ou garantir des prêts non concessionnels. Un prêt est dû concessionnel lorsqu’il y a des dons à hauteur de 35%. Comment on détermine çà? C’est trop technique.
« Ce prêt de la BIDC ne comportait que 3% de don alors qu’il faut 35% pour que l’Etat contracte un nouvel emprunt. Après le point d’achèvement, il ne faut pas que l’Etat continue de s’endetter. Aujourd’hui, on est déjà à 1,780 milliards dollars d’endettement après avoir reçu l’annulation de près de deux tiers de la dette guinéenne.
« L’endettement de l’Etat au niveau de la Banque centrale c’était 1860 milliards GNF. C’est-à-dire qu’en 2015, l’Etat a fait usage de la planche à billet à hauteur de 1860 milliards GNF. La dette extérieure actuelle de la Guinée c’est 1 milliard 800 millions de dollars. Depuis le point d’achèvement de l’initiative PPTE, près de 800 millions de dollars de nouvelles dettes. Maintenant comment s’en sortir ? Aujourd’hui (14 mars 2016, ndlr), le Fonds monétaire se retrouve pour examiner le programme avec le gouvernement qui a plaidé coupable pour le mensonge, pour avoir dissimilé une information capitale. Parce qu’ils ont dit que les fonctionnaires qui s’occupent de la dette, de la coordination des administrations économiques et financières étaient trop absorbés par la lutte contre Ebola si bien qu’ils ont oublié de donner cette information. Parce que la 5ème revue a eu lieu en février 2015. C’est à cette occasion que la mission du FMI et de la Banque mondiale a interrogé le gouvernement s’il y avait eu des emprunts contractés ou garantis par la Banque centrale, des emprunts non concessionnels. Ils ont dit qu’il n’y en avait pas eu. Alors qu’en septembre déjà, ils avaient délivré une garantie auprès de la BIDC pour justement s’engager à payer, en cas de défaillance de l’entreprise Ebomaf, un emprunt de 65 millions de dollars. Donc en pareille circonstance, le pays en question rembourse les décaissements ou alors plaide coupable. Le FMI peut faire ce qu’on appelle une dérogation, accepter que les arguments développés par le pays, puisqu’actuellement tout ce qui arrive dans notre pays c’est à cause d’Ebola, peut-être que l’impact sur le niveau de vie de la population va être vraiment catastrophique, le FMI pourrait accepter l’excuse du gouvernement pour ce gros mensonge. Mais la mauvaise gouvernance va continuer. Le clan, les amis du président vont continuer à être servis. J’ai appris récemment, c’est à confirmer, qu’ils veulent céder aussi, dans un cadre de gré à gré, la Sotelgui, société des télécommunications de la Guinée, à un autre ami qui aurait financé sa campagne. Parce qu’aujourd’hui Sotelgui est un produit qui se vend très bien. »
Propos transcris par BAH Alhassane