L’élection présidentielle au Gabon-pays de l’Afrique centrale- qui a validé la victoire sur le fil du rasoir du président sortant est suivie de près en Guinée. Les partisans du pouvoir et ceux de l’opposition ne cachent pas leurs positions. Ali Bongo Ondimba et Jean Ping (49, 80% contre 48,23% selon les résultats provisoires) ont bien des soutiens en Guinée.
Abdoulaye, marchant, coincé entre son comptoir et ses pièces, était un peu anxieux dans la journée d’hier. Vieux téléphone en main, connecté à internet, le jeune traque les infos sur le Gabon. A première rencontre, il parle de la situation inquiétante au Gabon : « Je soutiens [Ali] Bongo parce qu’il est musulman. Il aime les musulmans. Mais cette fois-ci, c’est difficile pour lui de s’en sortir ».
Mamadou, son bonnet torpedo vissé sur la tête, ne cache pas son dédain pour Ping Jean qui « ne peut rien faire pour le Gabon. Bongo lui est jeune. »
Comme piqué, il se rappelle de 2010 quand Ping, alors président de la Commission de l’Union africaine, est venu calmer le jeu en Guinée après la victoire d’Alpha Condé à la présidentielle face à son leader Cellou Dalein Diallo. « Il saura si être victime de vol est facile à digérer », lâche-t-il.
Non loin de cette rue mouvementée de Madina, partagée entre boue et insalubrité, d’autres jeunes suivent également la situation au pays de Bongo père.
Mohamed est un partisan d’Alpha Condé qui « vote » Bongo parce que selon lui Ping a été complice de la mort de Kadhafi [Guide libyen]. « Ping, poursuit-il, n’a qu’à aller voir ailleurs. C’est fini, Bongo a gagné. Ils ont laissé les Blancs tuer Kadhafi. Ceux qui réclament aujourd’hui un recomptage des voix bureau par bureau au Gabon ont refusé la même chose en Côte d’Ivoire à la demande de Laurent Gbagbo. » Son ami, Laye, qui l’écoutait avec un regard fixé sur un téléviseur, mieux informé, lui rétorque au visage : «s’il y a un Africain qui a défendu Kadhafi c’est Ping. Mais qu’est-ce qu’il pouvait faire face à une coalition mondiale ? Moi, je n’ai pas de choix à faire entre Ping et Bongo. Ils sont tous des intellectuels et aiment tous les deux mon président [Alpha Condé]. Bongo est le fils de l’ami du président et Ping est son ami. Moi, je souhaite la paix dans ce pays. »
Le débat Bongo-Ping est aussi très en vogue chez les intellectuels qui se relaient sur les réseaux sociaux. Pro-opposition et pouvoir se livrent à un échange houleux sur l’élection au Gabon.
« Bongo est un bon héritier [de son père]. Voler une élection c’est dans le sang. Donc dire que Bongo a volé une élection n’est pas une nouveauté. Ils [les Bongo] ont régné dans le vol. Et Ping ne doit pas se laisser faire. C’est lui qui a gagné. Le monde entier est témoin. Ce qui se passe à Libreville, c’est du jamais vu. Un candidat battu se démerde à remonter la pente en manipulant les chiffres dans son fief [Haut-Ogooué]. Pis, le président de la Cénap [commission électorale] refuse le recomptage des voix. Quelle honte pour l’Afrique! Autre chose, si tu as gagné une élection, tu acceptes le recomptage des voix. C’est comme un arbitre qui siffle un but et interdit le replay », lâche Mori, cet inconditionnel d’Alpha Condé, assis dans son kiosque de transfert d’argent à Conakry.
Par Mamadou Savané
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