Avec une tactique en dessous de la moyenne, des joueurs à court de forme, d’aucuns qui manquent carrément de niveau, la récente défaite du Syli national à Monastir face à la Tunisie au compte de son premier match éliminatoire au mondial 2018, est, somme toute logique. Lappé Bangoura qui passait son premier vrai test à la tête du Syli national, est passé à côté de son sujet.
Face à la RDC, le sélectionneur national devra se réinventer et son équipe devra montrer un tout autre visage, si elle ambitionne de se remettre dans le sens de la marche après sa déroute en Tunisie. Pour débriefer ce premier match du Syli dans le groupe A des éliminatoires de la Coupe du Monde 2018, zone Afrique, nous nous sommes entretenus à Paris avec Antonio Souaré, à la fois président du Horoya AC et de la ligue professionnelle.
Guineenews© : Vous venez de rentrer de la Tunisie où le Syli national a perdu son premier match éliminatoire à la Coupe du Monde 2018, une grosse déception ?
Antonio Souaré: Oui, je pense qu’il y avait de la place pour faire un bon résultat vu le contenu du match. Je crois que certains détails ont manqué. Ce sont ces détails qui nous font toujours perdre nos matches, soit à la dernière minute ou à des moments où on ne s’attend pas. Ce match là était équilibré en première mi-temps. Nous avons eu nos chances.
En deuxième mi-temps, l’équipe est passée à côté. Il y a beaucoup de choses à rectifier techniquement. Le constat général, c’est que les joueurs n’avaient pas les compétitions dans les pieds. Il y a beaucoup d’entre eux qui ne jouent pas en club. Nous avons perdu les duels au milieu de terrain. Il y a eu trop de conservation de ballon. Au lieu de jouer sur les ailes, on a trop joué au centre. Je cois que la sérénité a manqué surtout sur le deuxième but parce qu’on ne devait pas du tout le prendre. Le premier but idem.
Qu’à cela ne tienne, je pense qu’on a encore notre chance. Mais il faut préparer l’équipe techniquement, physiquement et tactiquement sur le terrain. On a cinq matches encore à jouer. Si nous voulons nous qualifier, la condition sine qua non, c’est de gagner tous les matches à domicile. Ensuite, il faudra chercher une victoire et un nul à l’extérieur. Cela est possible parce qu’on a des joueurs qui sont capables de le faire. Mais, il faut un travail au point de vue mental, physique et surtout le replacement sur le terrain. Contre la Tunisie, on a vu que les joueurs sur lesquels on comptait n’avaient pas les compétitions dans les pieds. Et cela a beaucoup joué sur l’équipe.
Quelque soit la valeur d’un joueur, quelque soit son talent, s’il ne joue pas régulièrement, il ne pourra pas apporter grand chose à son équipe ».
Guineenews© : Vous avez dit des joueurs qui ne jouent pas dans leurs clubs respectifs, aussi certains n’ont pas le niveau. Ce sont des choix discutables du coach?
Antonio Souaré: Oui mais moi je pense, comme c’est le début des championnats, il y a encore beaucoup de joueurs qui ne jouent pas régulièrement dans leurs clubs. Si nous voulons être réguliers, il faudra faire des matches amicaux avant les matches éliminatoires. J’en parlais ce matin, le prochain match, c’est le 13 novembre contre la RDC à Conakry. Et c’est dans un mois. C’est le moment de préparer ce match, faire un ou deux matches amicaux. Et cela est possible. Si l’on s’y prend à temps, on peut jouer contre une équipe d’un pays voisin comme le Mali, le Sénégal ou la Côte d’Ivoire.
Quelque soit la valeur d’un joueur, quelque soit son talent, s’il ne joue pas régulièrement, il ne pourra pas apporter grand chose à son équipe. On a vu le match contre la Tunisie, il était très tactique en deuxième mi-temps. Et c’est là où on a perdu. A ce niveau, l’entraîneur (Lappé Bangoura, ndlr) doit revoir son carnet. On ne devait pas du tout prendre le deuxième but. Quand vous bénéficiez d’un corner, il y a toujours des hommes au milieu de terrain pour défendre et bloquer les contres attaques en cas de perte de balle.
Guineenews© : Vous militez pour une équipe à ossature locale, pourtant dans ce match contre la Tunisie, on a vu que les jeunes locaux n’avaient pas le niveau. Et cela pose problème.
Antonio Souaré: Les joueurs qui étaient là n’avaient pas la compétition dans les pieds comme Diata, cependant vous savez bien comment il a joué au dernier CHAN. En attaque, il n’y avait presque pas de local. Au milieu de terrain, vous aviez Naby Keita et Sadio Diallo sur lesquels je comptais beaucoup mais ils n’ont pas produit le football auquel on attendait. Ils conservaient tellement le ballon alors qu’à ce niveau c’est mieux de jouer à une touche de balle. Il faut jouer sur les ailes, écarter le jeu. Notre défense en première mi-temps, le back gauche jouait beaucoup plus dans l’axe de telle façon que l’ailier tunisien avait tout le temps de prendre le ballon et venir sur la défense. Tout cela est à rectifier.
Le football moderne aujourd’hui, il faut jouer sur les côtés. Dès que le gardien a le ballon, il joue sur les latéraux qui remontent vers le milieu. Aux joueurs du milieu de distribuer le ballon.
Guineenews© : Et si on regarde la charnière centrale, on constate de gros souci à ce niveau aussi.
Antonio Souaré: Oui. Fodé Camara, je le connais bien. Sékou Condé moins parce que c’est la deuxième fois que je le vois jouer. Contre la Tunisie, la charnière centrale n’a pas gagné les duels. Fodé Camara qui joue bien de la tête, hésitait, il n’a pas pris des ballons qu’il a l’habitude de prendre. De par le passé, je l’ai vu souvent prendre ce genre de ballons. On avait donc un souci très sérieux au niveau de la charnière centrale. Les latéraux ont mieux joué que les centraux. Ça, il faut le reconnaître.
Guineenews© : Quelle est la responsabilité du coach dans cette défaite?
Antonio Souaré: Vous savez le coach, il devait changer un peu plus tôt sa tactique. Moi, j’ai pensé qu’il fallait jouer sur le schéma de Conakry, c’est à dire mettre un autre joueur à la place de Diata comme il n’avait pas la compétition dans les jambes. Il était lent et il lui faut du temps pour reprendre.
En plus, il fallait continuer à passer sur les côtés. En première mi-temps, Lass Bangoura a énormément mis en difficulté son défenseur. En deuxième mi-temps, on a toujours voulu passer par le milieu. Aujourd’hui, il faut se dire la vérité le Syli national n’a pas de buteur. Il faut trouver un avant-centre. Il faudra faire peut-être confiance à des joueurs qui n’ont pas encore été sélectionnés. Il faut continuer à chercher. Mais aujourd’hui, il faut que le Syli national gagne 4 matches sur les 5 qui lui restent.
«Aujourd’hui, le football est sans sentiment, c’est-à-dire vous êtes en forme vous jouer et si vous ne l’êtes pas, vous ne jouez pas »
Guineenews© : Ce match contre la Tunisie, c’était le premier vrai test de Lappé Bangoura, quelle est la note que vous lui donnée?
Antonio Souaré: Je lui donne la moyenne. Je ne peux dire que je lui donne 11/20. Je pense que 5/10, c’est la note qu’il mérite. En première mi-temps, il a contenu l’équipe mais en deuxième mi-temps, les remplacements sont venus en retard surtout il y a eu une faute technique: changer un joueur au moment où vous avez un coup de pied contre vous. Et c’est sur cette action qu’on prend le premier but. Il fallait attendre l’exécution de ce coup de pied avant de procéder à tout changement.
Je pense que c’est notre devoir à nous tous de donner les conseils nécessaires et être autour de cette équipe, trouver des hommes. Et mentalement, il faut que les joueurs répondent. Toute la semaine, j’étais confiant parce qu’il y avait une bonne ambiance dans le groupe. Mais, il y a eu une certaine fébrilité dans le match.
Et un grand joueur s’attend à un public hostile. J’étais très content au lendemain du match quand j’ai lu leur journal, ils ont fait la remontrance à leur public qui a sifflé notre hymne national. Ça ne se fait pas. Je n’ai jamais vu les Guinéens sifflé l’hymne national d’un autre pays. Le Journal tunisien Le Matin a fustigé le comportement anti-sportif de ce public.
Ce n’est qu’un premier match. Il ne faut pas que les gens se découragent. Tout ce qui a été raté dans ce match peut être corrigé lors du prochain match. On a un mois pour préparer ce match contre la RDC. Préparons- le. Et il faut qu’on soit régulier et il faut que les joueurs jouent régulièrement ensemble. C’est important, Tanou. C’est le début de l’année. Les Tunisiens ont commencé leur championnat depuis le mois d’août. Nous on n’a pas commencé encore. Ceux qui jouent en Europe ont commencé mais malheureusement très peu d’entre eux jouent régulièrement et indiscutablement dans leurs clubs.
Guineenews© : À ce niveau, le sélectionneur national prend l’entière responsabilité quand il fait appel à un joueur qui ne joue pas ou qui joue en national ou en 5eme division.
Antonio Souaré: Moi je crois qu’on doit avoir du respect pour notre championnat. Un joueur de CFA en France ne peut pas jouer devant un joueur de Ligue 1 en Guinée. Aujourd’hui, le football est sans sentiment, c’est-à-dire vous êtes en forme vous jouez et si vous ne l’êtes pas, vous ne jouez pas. Il faut qu’on arrive à ce niveau sinon, on ne s’en sortira pas. Toutes les grandes équipes au monde fonctionnent comme ça. Les sentiments sont mis à côté. Ce n’est pas parce que vous avez du talent, mais si vous ne mouillez pas le maillot, si vous n’êtes pas en forme, vous ne devez pas jouez.
Guineenews© : Mais le souci aussi, c’est qu’au plan local, il n’y a qu’un seul club qui pourrait fournir des joueurs à l’équipe nationale.
Antonio Souaré: Sincèrement on la volonté de mieux organiser ce championnat, ce qui va retarder d’ailleurs son démarrage pour la nouvelle saison. Au niveau de la Ligue, le calendrier était déjà prêt et on devait commencer le championnat le 15 octobre mais nous avons renvoyé ça vers le 10 novembre parce qu’au jour où je vous parle la Fédération n’a pas encore organisé la montée des clubs en Ligue 2. Et la Ligue 2, c’est une partie de la Ligue Pro. Ils ne sont que dix clubs pour l’instant, il manque quatre. Il faut que les quatre clubs montent pour qu’on puisse organiser le championnat professionnel. Mais à mon avis, il ne faut pas lancer le championnat professionnel sans celui amateur. Il faut qu’on programme la national au même titre que la Ligue 1 et la Ligue 2.
Faire en sorte que ça soit un championnat intégral avec des matches qui se jouent en aller et retour parce que c’est là la pépinière de la Ligue 1 et la Ligue 2. C’est là où on va prendre nos U17 et U19. Il faut qu’on organise aussi un championnat des juniors, un championnat des U17 et un championnat des minimes parce que tant qu’on n’arrive pas à ça, notre football ne sera pas stable. Et il faut que tous les Guinéens le comprennent. J’ai visité la Tunisie l’autre jour, tous les dimanches, il y a les matches des minimes, des U17 et des juniors. Nous aussi, on est capable de le faire, il suffit juste qu’on s’organise. Si on n’organise pas notre national, les U17 et les autres catégories, notre football n’ira pas loin.