Elections américainesSi Hillary Clinton gagne, elle ne sera pas la première femme présidente. Edith Wilson l’a été avant elle
Une histoire d’amour, de l’ambition, des larmes et de l’abnégation… La vie d’Edith Wilson aurait tout pour inspirer le scénario d’un biopic. Cette femme de poigne, dont l’histoire a à peine retenu le nom, a occupé dans le plus grand secret le fauteuil présidentiel, après l’accident vasculaire cérébral de son mari, Woodrow Wilson.
Tout commence en mars 1915. Edith Galt, 41 ans, vient de perdre son mari qu’elle connaissait depuis l’adolescence. En rendant visite à son amie, Helen Bones, cousine du président, à la Maison-Blanche, elle se perd dans les couloirs et tombe malencontreusement dans les bras du président Wilson. Coup de foudre. Woodrow Wilson, qui se remettait difficilement de la disparition brutale d’Ellen, sa première épouse, un an auparavant, retrouve subitement goût à la vie. Au premier regard, il tombe fou amoureux de cette élégante au caractère bien trempé.
Amoureux en cachette
Tous les deux entament une relation épistolaire dans le plus grand secret. Wilson envoie à sa muse plus de 250 lettres d’amour en l’espace de quelques mois. Personne dans l’entourage du président n’est au courant, les deux amoureux se retrouvent en cachette, parfois tard dans la nuit et toujours à l’abri de regards.
Cette relation réussit au président. Woodrow Wilson est un autre homme, il reprend goût à la vie. Il est en adoration devant cette femme au point de lui demander régulièrement son avis sur certaines affaires d’Etat, lui demande d’affiner ses discours. Il écrit par exemple: «J’ai travaillé pour toi tard dans la soirée pour revoir la réponse à l’Allemagne et j’espère que je suis arrivé maintenant au plus proche de ce que ma chérie exige de moi par la force de son grand amour.» Pire: entre deux lettres enflammées, il glisse des documents officiels, des codes secrets et des notes confidentielles. «J’aime la façon dont tu mets ta main chérie dans la mienne, tandis que, de l’autre, tu tournes les pages de l’Histoire», écrit-elle à son tour. Il la demande en mariage deux mois après leur rencontre et convole en justes noces sept mois plus tard. Le 18 décembre 1915, Edith Wilson devient la First Lady officielle. Reconduit pour un second mandat en 1916, Wilson n’hésite pas à mettre son épouse en avant. Tandis que le président engage son pays dans la Première Guerre mondiale, Edith ne se contente pas de jouer les potiches. Elle devient infirmière pour la Croix-Rouge, montre son engagement auprès des soldats. Par respect pour le peuple qui subit de nombreuses privations, elle annule les grandes réceptions et autres cocktails prévus à la Maison-Blanche, élève elle-même des moutons et vend leur laine au bénéfice d’associations.
Un AVC en fin de mandat
1918. Fin de la guerre. Woodrow Wilson est lessivé. Malgré son immense fatigue, pour parvenir à un consensus politique pour le vote du Traité de Versailles, il entame un marathon en Europe et à travers les Etats-Unis, mais y laisse sa santé. Quelques jours à peine après leur retour à la Maison-Blanche, Edith retrouve son mari inanimé, victime d’une violente attaque cérébrale. Il reste paralysé, physiquement et intellectuellement diminué.
A l’époque, la Constitution américaine ne prévoit rien dans le cas où un président se retrouverait dans l’incapacité d’exercer ses fonctions. Le vice-président. Thomas R. Marshall, refuse d’enfiler le costume de président des Etats-Unis. Pour ne pas bouleverser la nation, et contre l’avis de l’entourage du président, Edith décide de cacher l’état de santé réel de son époux. Dès lors, elle devient le seul et unique filtre des informations qui remontent jusqu’au président, confiné dans la pénombre d’une chambre. Elle intercepte les dossiers, lui fait signer des documents lorsqu’il est à peu près en état de tenir une plume. «La seule décision qui m’appartenait vraiment était de déterminer ce qui était important et ce qui ne l’était pas», expliquera-t-elle dans ses mémoires.
Mais l’information commence à fuiter. Des voix s’élèvent pour dénoncer un «gouvernement de jupon». Peu importe: Warren G. Harding est élu en 1921 et les Wilson quittent la Maison-Blanche. En 1967, un amendement empêchera qu’une telle prise de pouvoir ne se reproduise.
Pour en savoir plus: «First Ladies. A la conquête de la Maison-Blanche» de Nicole Bacharan et Dominique Simonnet