Jeune Afrique: Vous lorsqu’on vous qualifie de dictateur ? Vous dites: « J’en suis fier ». Fier de quoi au juste ?
Yahya Jammeh: Du fait que personne ne meure de faim en Gambie et que tout le monde puisse bénéficier gratuitement d’une éducation. Lorsque j’ai pris le pouvoir, ce pays était l’un des plus pauvres du monde, il ne l’est plus. Il y a une opposition, un Parlement, un système de santé fiable … Appelez-moi dictateur si vous le voulez,mais je ne suis qu’un dictateur du développement. Je n’y peux rien si les occidentaux sont habitués à ce que les chefs d’Etats africains ne soient que des bénis-oui, sans plus d’indépendance que Mickey –Mousse. Moi, je ne suis pas un suiveur. Je dirige.
Jeune Afrique: Mais la Gambie est toujours l’un des pays les plus pauvres de la planète, classé 175e sur 188 en 2015 selon l’indice de développement humain du Pnud ?
Yahya Jammeh: J’ai un problème avec les institutions de Breton –Woods. Ma croissance, ma prospérité économique, c’est moi qui les définis. Je regarde combien de personnes ne pouvaient s’offrir un déjeuner ou une bicyclette hier et combien le peuvent aujourd’hui. Cela me suffit.
A quoi sert –il d’avoir un taux de croissance à deux chiffres quand la moitié des écoles sont vides parce que les enfants sont obligés de travailler ?
A quoi cela sert –il d’avoir des millions en banque lorsque des millions de gens peinent à se nourrir ? Vous pouvez me qualifier de socialiste, mais moi, j’appelle ça être humain.
Jeune Afrique: A propos d’humanité, vous êtes connu pour vos déclarations très virulentes contre les homosexuels –
Yayah Jammeh: Mais l’homosexualité n’est pas humain, elle va contre la loi de Dieu ! Il a créé Adam et Eve. Pas Adam et Adam ou Eve et Eve ! Ban-ki-moon veut nous faire la leçon. Eh bien qu’il vienne ici, et o verra ce que je lui répondrai ! En plus, il est raciste. Il a écarté tous les Africains des postes à responsabilités à l’ONU.
J.A.: Comprenez-vous que ce genre de déclaration nuise à votre image et à celle de la Gambie ?
Y.J.: Je n’ai pas d’amis en Occident et je n’en veux pas. Les occidentaux me détestent parce que je ne me ridiculise pas à dire que je suis ce que je ne suis pas, mais je m’en fiche
J.A.: Est-ce pour cela que vous ne portez jamais de costume ni de cravate ?
Y.J.: Avez-vous déjà vu un homme politique blanc porter un boubou en France ? J’ajoute que quand ils viennent chez nous, on leur fait des cadeaux.
Ils nous remercient, ils sourient, mais on ne les voit jamais les porter sur des photos. Je suis sûr qu’ils les jettent à peine montés dans l’avion.
J.A: Avez –vous des amis sur le continent ?
Y.J.: J’aime parler avec Robert Mugabe (président du Zimbabwé ) . Nous n’étions pas proches au début, mais maintenant nous le sommes. C’est la même chose avec Alpha Condé (chef de l’Etat guinéen). J’ai été ami aussi avec Mathieu Kérékou et avec Omar Bongo Ondimba (ex –présidents aujourd’hui décédés du Bénin et du Gabon) Des amis, en fait j’en ai eu et j’en ai plein.
J.A: On vous voit pourtant assez peu dans les sommets régionaux?
Y.J: C’est parce que je ne suis jamais invité. J’y dirais la vérité et ils ne veulent pas l’entendre. Et puis, on ne peut pas travailler avec des gens qui prennent leurs ordres en Occident. Regardez ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire. Il y a eu une rébellion contre Laurent Gbagbo. La Cedeao voulait envoyer sa propre force mais les Français ont fait leur Marcoussis (accords visant à mettre fin à la guerre civile ivoirienne en 2003), et, pour la première fois dans l’histoire de l’Afrique, des rebelles ont rejoint la table des négociations au même titre qu’un gouvernement élu , et ont eu le poste de Premier ministre.
On connait la fin de l’histoire. Les français ont mis leurs marionnettes au pouvoir et ont décidé d’envoyer l’autre partie à la CPI.
Que pensez-vous de Yahya Jammeh?