Qui du militant ou du parti trouve son intérêt dans une consultation électorale ? La question mérite d’être posée au moment où la Guinée s’apprête à organiser les élections locales. Jusqu’à présent, l’image répandue est celle que des formations politiques investissent pour faire élire leurs candidats et naturellement tirer profit du positionnement de ces derniers et faire valoir leur ligne politique. C’est l’avantage qu’on a d’être majoritaire à l’Assemblée nationale ou dans un conseil communal.
Les individus travaillent pour le parti, et le parti travaille à consolider la position de ses militants. On peut être un grand rassembleur sans le sou; la formation politique à laquelle on appartient met les moyens pour donner un coup de pouce à ce type de leader d’opinion. Naturellement, dans ce genre de rapport le parti dicte sa loi en choisissant «ses» candidats. La Guinée a expérimenté cette forme à un moment ou à un autre de son histoire politique. A l’approche des communales, tout porte à croire que les individus s’évertuent à sortir de l’emprise des partis pour faire valoir leur notoriété. Tant pis si le parti ne veut pas d’eux ! Ou ils migrent vers d’autres cieux, ou ils investissent carrément pour assurer leur carrière politique. Les incessants appels à l’acceptation des candidatures indépendantes illustrent cet état d’esprit des hommes et des femmes sûrs d’eux-mêmes, disposant d’un capital social ou d’un capital économique. Dans tous les cas, leur point fort est leur capital que les partis s’évertuent désormais à rechercher. Plus on a des militants capables, plus on est assuré de faire le carton plein au cours des consultations électorales.
Un militant populaire c’est bien, mais un militant fortuné c’est mieux; et comme on est rarement fortuné et impopulaire, le choix est tout indiqué. Les formations politiques guinéennes sont en passe de faire de la célèbre formule de John Kennedy leur devise : «Avant de demander ce que le parti a fait pour vous, demandez-vous ce que vous avez fait pour votre parti.» Ainsi, il faut investir ou s’investir dans certaines formations politiques avant de compter sur elles. Au-delà des cotisations, certains futurs candidats vont ainsi devoir contribuer à la campagne électorale, à leur campagne électorale.
Si l’on arrive à éviter que cette tendance n’aboutisse à une ploutocratie, elle aboutira néanmoins à coup sûr à un affaiblissement de la sacro-sainte discipline, qui, comme dans les armées, fait la force des partis. Dans ce «qui paie gagne» annonciateur du déclin du soleil des partis-providence, il n’est pas certain que c’est la nation qui va en tirer profit. Après le multipartisme intégral, il ne manquerait plus que l’individualisme politique intégral. La démocratie va-t-elle y gagner ? C’est à voir !
Aboun Maco