Je vais tremper ma plume dans le vitriol pour crier haro sur les travers de mes contemporains. Et ce n’est ni parce que je suis aigre, encore moins amer; c’est simplement parce qu’il faut se dire la vérité, les yeux rouges dans les yeux rouges.
En Guinée, tout le monde fait des affaires désormais. Guinée-Bissau aussi, mais là-bas c’est à cause de parce que les salaires, ça ne suit pas. Ici, c’est les gens eux-mêmes qui suivent plus. Si tout le monde fait son business, on a comme l’impression que l’homme le plus honnête est un mort-né. Débrouiller, c’est pas voler, disent les Ivoiriens; chacun veut donc voler de ses propres ailes. Seule la loi du marché régente cette horde de hors-la-loi, dans un monde de roublards à la petite semelle. Tout le monde doit gagner son pain ou son poulet grillé quand les deals sont cools, mais faut pas non plus prendre des vessies pour des lanternes.
Que chacun veuille ouvrir son télé-centre, pourquoi pas? Mais, quand tout le monde veut s’improviser entrepreneur privé, alors là, je dis stop car ça me pousse des furoncles! Un sac poussiéreux sous l’aisselle, quelques coupures de journaux pour le gonfler, un stylo qui a craché toute son encre dans la poche et voila notre escroc d’affaires à pied d’oeuvre. Amusez-vous à lui refiler un marché de construction et vous allez comprendre. A l’entendre, c’est lui et son cousin qui ont construit Fayçal. En réalité, ils ne savent même pas faire pousser une petite mosquée de quartier.
La moitié des escrocs du pays, c’est des pseudo-entrepreneurs. L’autre moitié, c’est des organisateurs de spectacles qui ne sauraient même pas animer un bal poussière ou un show de la rue. N’importe quel MC Tartampion de la FM, qui a usé ses fonds de jean au bord de la lagune Ébrié, revient frimer en Guinée et s’improvise organisateur de spectacles. Dans le lot, il n’y a pas un qui peut traiter avec Ibro Diabaté mais ils prétendent tous avoir refusé un contrat avec Youssou N’Dour, voire avec Papa et maman Wemba réunis.
Pour l’instant, ils vous annoncent les tueuses du Mapouka ou autres rendez-vous de la fesse facile. Si ça marche, tant mieux pour tout le monde; mais si ça capote, tant pis pour la poche du mélomane. On a vu des spectacles foirer en dernière minute et gâcher des soirées d’amoureux. Ces promoteurs bidons connaissent le showbiz comme moi je pourrais être entraîneur du Syli national. Et encore, avec le Syli, c’est facile : on les bat toujours, de toute façon. Certains de ces organisateurs façon-façon utilisent des sonos du genre qu’on a volé à la case Belle-Vue. Avec du matos comme ça, Bob Marley il chanterait devant vous, on croirait Abass Cissoko.
Ça, c’est quand l’artiste il vient. En général, il ne vient même pas; soit parce qu’il n’a jamais été contacté, soit parce qu’il a refusé d’être embarqué dans un avion cargo. On annonce le show à grands renforts de matraquage médiatique et puis, terminé.
Le spectacle n’a jamais lieu. On le programme, puis on le renvoie pour le reprogrammer et le renvoyer au cercle vicieux.
Organiser un show, c’est pas prendre un micro et « tchacher » comme un hâbleur. Ça demande de l’expérience. Moi, par exemple, même si j’ai bu un coup de trop, je ne vais jamais prétendre faire venir Rihanna au stade de Nongo. Franchement, qui va croire que la mutante de la musique pop va venir à Nongo? C’est comme si on dit que les avions de la Base militaire vont participer au pilonnage aérien de Alep. Assad va mourir de rire.
Abou Maco