Le conteur danois Andersen raconte dans l’une de ses œuvres, l’histoire d’un monarque qui aimait par-dessus tout être bien habillé.
Un jour, deux fripons se présentèrent à lui comme étant des tisserands capable de lui confectionner un vêtement qui aurait la particularité de ne pas pouvoir être vu par les personnes sottes.
L’empereur pensa que ce serait un habit exceptionnel et qu’il pourrait ainsi repérer dans son entourage – et au-delà – les sots.
Les fripouilles se mirent au « travail ».
Quelques jours plus tard, curieux, il vint voir où en était le tissage. Il ne vit rien car il n’y avait rien. Troublé, il décida de n’en parler à personne : les sujets ne voudraient pas d’un empereur sot.
Il envoya plusieurs ministres et conseillers vérifier l’avancement des « travaux ». Ils ne virent rien mais se gardèrent de l’avouer, de crainte d’apparaître comme des imbéciles.
Le jour où les escrocs décidèrent que l’habit est achevé, ils aidèrent l’empereur à l’enfiler. Ainsi « vêtu », et accompagné de ses ministres, le souverain se présenta au peuple qui, lui aussi, prétendit voir et admirer le vêtement.
Seul un petit garçon osa dire la vérité en s’exclamant : « Mais, le roi est nu » !
L’audition du ministre d’Etat Tibou Kamara, à titre de témoin, dans l’affaire du 28 septembre 2009 fait grand bruit dans la cité.
L’intéressé est disposé, en tant que citoyen, à répondre à toute sollicitation de la justice de son pays. Il l’a affirmé sans ambages dans un communiqué diffusé le samedi 4 août.
Ce qui n’a pas empêché le président de l’Association des magistrats de Guinée (AMG), un certain Mohamed Ali Thiam, de publier le lendemain sur certains sites, à titre personnel, une lettre assurément ouverte à tous les amalgames. Il faut oser croire que ces derniers tiennent plus de la méprise que d’une volonté d’accabler à tout prix pour des motifs inavouables.
Indignation sélective
Tibou Kamara est ainsi présenté comme quelqu’un qui toiserait la justice, fort de sa position dans les hautes sphères du pouvoir. En citant à foison des extraits de ladite publication et à grand renfort de textes de loi, Thiam n’aura pas réussi pourtant à mettre en évidence le moindre signe de mépris. D’ailleurs, quand on a, tant soit peu, la lecture lucide, on comprend aisément que cette sortie de l’ancien journaliste ne visait pas le système judiciaire, mais faisait plutôt allusion à des intrigues de palais et aux agissements de certains politiques avec qui il a des démêlés. Quand on y parle, par exemple, de « procureurs improvisés », il va sans dire qu’il ne s’agit pas de véritables magistrats du parquet (ou même du siège).
Il est tout à fait compréhensible – et louable – que le président de l’Association des magistrats monte au créneau chaque fois qu’il estime que l’image de la corporation, de la justice en général, est ternie par des attitudes dédaigneuses ou des propos de nature à jeter l’opprobre sur elle. Du genre de ceux proférés récemment par un responsable de parti à l’encontre de la plus haute juridiction du pays. La Cour constitutionnelle ferait dans l’escroquerie et ses magistrats n’hésiteraient pas à tremper dans des combines dans le but de se remplir les poches.
Apparemment, le sieur Thiam n’a pas jugé ces outrages dignes de susciter un quelconque effet de manches ou mouvement de menton de sa part. On attend encore, il est vrai sans beaucoup d’illusions, une réaction du président de l’Association des magistrats. Ne serait-ce que sous la forme d’une lettre bien « fermée » adressée à qui de droit.
Intrigues de palais
Toute cette agitation aura quand même eu un mérite. Celui de ramener au-devant de l’actualité l’épineuse question du massacre du 28 septembre 2009.
Près de huit ans après, le procès que le gouvernement s’est engagé à organiser se fait encore attendre. L’instruction semble sans fin, tandis que les victimes et les organisations de défense des droits de l’homme sont à bout de patience.
Pendant ce temps, le ministre de la Justice continue, quand il ne fait pas dans le mélange des genres (et donc des rôles), d’égrener un chapelet de promesses jamais tenues, de justice toujours injuste, de liberté toujours prohibitive et d’équité toujours discriminatoire. Le show ne fait plus recette, mais c’est tout ce qui lui reste,
Résultats des courses ? La tenue du procès à la fin de cette année, comme il le laisse entendre, apparaît à peine plus probable qu’un choix de Dadis Camara pour le prochain prix Nobel de la paix.
Maintenant que la date de l’audition est connue, le ministre d’Etat Tibou Kamara devra, en tant que témoin, se présenter devant les juges ce jeudi.
Mais après il ne devrait pas pour autant baisser la garde, car sur d’autres terrains, y compris dans le cercle même du président Alpha Condé, des fronts déjà ouverts l’attendent, avec de vrais ennemis et de faux amis qui ne rêvent que d’une chose : brandir son scalp en guise de trophée.
Parmi lesquels d’aucuns rangeraient volontiers le ministre de la Justice, Me Cheick Sacko, avec lequel il a des relations exécrables, bien avant son retour d’exil.
Dans ses fonctions de conseiller personnel, il aura à cœur de continuer de marquer des points auprès du chef de l’Etat. En travaillant avec d’autres, comme cela a été le cas jusque-là, à la décrispation politique et à l’apaisement social (accord politique, remous sociaux, etc.).
Toutes chose qui font dire à certains, que si le roi n’est pas nu, c’est grâce, entre autres, à quelques éléments de son entourage qui ont compris que des conseils avisés et des constats sans complaisance, lui feront plus de bien que des louanges intéressées et trompeuses.
Jusqu’à preuve du contraire…
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