« Je suis Guinéen, administrateur, commis de l’Etat. Et je pense que servir son pays, être utile à son pays, ça ne peut être qu’un sentiment de fierté…»
Guinéenews© reçoit pour vous cette semaine Malick Sankhon, directeur général de la caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Par le passé, il a été ancien directeur du protocole d’Etat, administrateur général des grands projets, secrétaire général du ministère du tourisme puis gouverneur de Conakry pendant le règne de feu général Lansana Conté.
Au cours de cet entretien exclusif, nous avons abordé des questions techniques liées aux reformes engagées à la direction générale de la CNSS et les résultats obtenus jusque-là , une entité qu’il dirige depuis plus de 4 ans mais aussi celles politiques, étant lui-même président de la cause commune (LCC), un parti dilué aujourd’hui dans le RPG-arc-en-ciel d’Alpha Condé. Lisez !
Guinéenews© : Depuis plusieurs années, vous êtes Directeur Général de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) Quel bilan faites – vous des réformes que vous avez menées jusque là ?
Malick Sankhon : A mon avis, le bilan des années passées à la Direction Générale de la CNSS est positif. Je voudrais d’abord vous remercier de l’opportunité que vous m’offrez. Et pour répondre à votre question, il faut noter que dès ma prise de fonction, en 2011, j’ai mis en place des commissions de travail dont l’une était chargée de réfléchir sur le cadre juridique et institutionnel de la CNSS. J’ai engagé des reformes qui ont donné des résultats qui sont aujourd’hui palpables.
La revalorisation des prestations, la création des agences de proximité à Conakry, la restauration des agences et antennes préfectorales, la poursuite de l’informatisation de l’ensemble des services techniques de la CNSS, l’identification biométrique des assurés actifs et des retraités, la mise en place d’un centre de diagnostic au siège de la CNSS et qui est devenu un pôle d’attraction des populations guinéennes qui viennent pour diagnostiquer leur pathologie. Très prochainement, l’hôpital international indo-guinéen, bâti sur le site de l’ex hôtel Ibis Gbessia, sera une fierté nationale, et contribuera à réduire les évacuations sanitaires.
Tous ces résultats obtenus ont été rendus possibles grâce à l’instauration d’une forme de gestion axée sur le résultat où le directeur et ses collaborateurs définissent ensemble les termes d’un contrat d’objectif et des moyens de sa mise en œuvre.
Je suis très satisfait des résultats obtenus dans la qualification du personnel. Plusieurs agents de la CNSS ont suivi des formations dans plusieurs spécialités comme la sécurité sociale, la gestion, la comptabilité etc.
Concernant les formations diplômâtes, pendant vingt trois ans, de 1986 à 2009 ,seulement sept (7) cadres ont bénéficié de formation en sécurité sociale en Côte d’Ivoire et en France ; tandis qu’en 6 ans d’exercice (2010-2016) de la direction générale actuelle dix sept (17) cadres hommes et femmes ont reçu des formations dans les écoles spécialisées de sécurité sociale (l’IM2S de Côte d’Ivoire, l’EN3S de Saint Etienne en France, le CRADAT au Cameroun).
Enfin, l’investissement avec les fonds additionnels a permis la construction de l’hôtel de Boké et la prise de participation au capital de la NSIA.
Guinéenews© : Dans la réalisation de ces activités, quelles ont été les contraintes majeures auxquelles vous avez été confronté dans l’accomplissement de la mission de la CNSS ?
Malick Sankhon : Les contraintes auxquelles j’ai été confronté sont liées à la mobilisation des ressources dues à la réticence de certains employeurs à s’acquitter de leurs obligations sociales ; et l’élargissement de la couverture aux groupes difficiles à couvrir comme les travailleurs du secteur informel et les indépendants.
Mais pour la mobilisation des ressources, la redynamisation du service en charge du recouvrement contentieux grâce à la bonne collaboration des auxiliaires de justice, des améliorations sont constatées.
Guinéenews© : Apparemment, bon nombre de Guinéens ignorent le fonctionnement de la CNSS dans le cadre de la couverture médicale des travailleurs guinéens. En quelques mots, pourriez-vous nous dire comment fonctionne-t-elle ?
Malick Sankhon : La Couverture médicale des travailleurs salariés des secteurs privé et parapublic se situe au niveau de la branche de l’assurance maladie qui alloue des prestations en espèces (paiement d’indemnités journalières) ou en nature (remboursement des frais médicaux : honoraires du médecin, médicaments, hospitalisation).
Les frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation sont remboursés par la Caisse dans la limite des tarifs conventionnels et de responsabilité, à concurrence de soixante dix pour cent (70%) des frais engagés. Le ticket modérateur, la partie non remboursée, les trente pour cent (30%) restant sont à la charge de l’assuré et constituent sa participation à ses soins.
La particularité de ce système d’assurance maladie est d’être fondée sur le principe de l’assurance remboursement : l’assuré choisit son médecin, qu’il paie, comme les médicaments, avant de se faire rembourser.
Il faut cependant reconnaitre que la gestion de la branche de l’assurance maladie est aussi une spécificité de la CNSS dans la sous région.
Guinéenews© : Quels sont les grands défis à relever de nos jours et surtout les perspectives pour une CNSS plus performante et productive au service des travailleurs guinéens ?
Malick Sankhon : Parmi les défis à relever, on peut citer entre autres :
L’extension de la couverture sociale au secteur informel et aux groupes difficiles à couvrir comme les indépendants, les travailleurs migrants et le personnel domestique ;
La mobilisation des ressources suffisantes permettant de relever davantage le niveau des prestations sociales ;
La mise en place au sein du régime général d’un régime complémentaire pour les cadres et assimilés ;
La construction de polycliniques modernes pour une couverture sanitaire adéquate des populations guinéennes.
Guinéenews© : Parmi vos réalisations, la construction de l’hôtel Rio Nunez à Boké a surpris plus d’un, étant donné que la vocation de la CNSS n’est pas d’investir dans l’immobilier mais plutôt c’est de construire de grands hôpitaux et autres centres de santé afin de limiter le flux des évacuations sanitaires massives des Guinéens vers les hôpitaux et autres cliniques à l’étranger. Or, celles-ci coûtent beaucoup plus cher à l’Etat guinéen. Quel est le plan que vous avez mis en place pour renverser une telle tendance ?
Malick Sankhon : La législation qui porte création des institutions et organismes de sécurité sociale a enjoint les décideurs desdites institutions de diversifier les ressources en investissant avec les fonds additionnels. Les institutions ne doivent pas compter que sur les seules ressources de cotisations qui peuvent se raréfier. A titre d’exemple, notre système de retraite est financé par répartition. Il est fondé sur la solidarité entre les actifs et les inactifs. Dans une période donnée, ceux qui travaillent financent par leurs cotisations les retraites de ceux qui ne travaillent plus, mais qui ont financé du temps de leur activité la génération précédente de retraités. En guinée, le rapport actifs/inactifs était de 3 actifs par retraité dans le régime général en 2010, une étude récente réalisée à la CNSS en 2016, a révélé qu’il est actuellement de 2,24. Cette décroissance de ratio nous indique que notre système de retraite va connaître une véritable impasse si nous ne prenons pas de mesures pour préserver l’équilibre financier de la branche. Il est donc nécessaire d’explorer d’autres pistes de financement.
Guinéenews© : Si nos informations sont bonnes, il semblerait que la direction générale de la CNSS a mis cet hôtel construit à Boké en vente. Qu’en dites-vous ?
Malick Sankhon : La vente est une option. Nous avions des partenaires qui étaient décidés à prendre cet hôtel en exploitation au moment où l’épidémie de la fièvre hémorragique à virus Ébola est venue mettre en veilleuse toute l’économie guinéenne.
Mais la relance s’installe peu à peu et les perspectives d’investissements miniers à Boké nous rassurent d’un meilleur avenir pour cet hôtel qui ne tardera pas à donner les fruits escomptés, dans l’intérêt des assurés.
Guinéenews© : Etant un homme politique, l’on ne saurait terminer cette interview technique sans aborder les questions politiques. Hier, vous étiez avec Lansana Conté et aujourd’hui vous êtes avec Alpha Conté. Quel sentiment vous anime-t-il pour avoir servi les deux anciens et farouches adversaires d’hier mais dans des circonstances différentes ?
Malick Sankhon : Je suis Guinéen, administrateur, commis de l’Etat. Et je pense que servir son pays, être utile à son pays, ça ne peut être qu’un sentiment de fierté.
Guinéenews© : Que regrettez vous après avoir été l’un des fidèles collaborateurs de feu Lansana Conté à un moment donné de l’histoire, car vous qui étiez son directeur de protocole, donc très proche de lui ?
Malick Sankhon : Je n’ai pas été que directeur du protocole de feu général Lansana Conté, paix à son âme. Je fus administrateur général des grands projets, secrétaire général du ministère du tourisme puis gouverneur de Conakry.
Et pour avoir été directeur du protocole de feu Général Lansana Conté, je me suis imposé une règle, le droit de réserve.
Guinéenews© : Les ambitions de Malick Sankhon avant ou et après Alpha Condé ?
Malick Sankhon : Mes ambitions ? Sont-elles nombreuses vous pensez ? Je n’en ai qu’une : servir mon pays.
Guinéenews© : La cause commune (LCC) s’est diluée dans le RPG-arc- en –ciel ainsi que d’autres petits partis politiques. Comment se porte cette alliance quand on sait qu’il ya des dissensions à l’interne du parti au pouvoir.
Malick Sankhon : Le RPG-arc-en-ciel se porte bien. Nous avons remporté les législatives en 2013 ; notre candidat a été réélu en 2015 et nous préparons les élections communales et communautaires.
Au sein du parti, la liberté d’expression est un droit sacré. Certes, des points de vue peuvent souvent être divergents mais nous parvenons toujours à un consensus et qui reste la position du parti.
Interview réalisée par Sekou Sanoh avec la collaboration de Youssouf Boundou Sylla pour Guinéenews©