Présumée disparue depuis le 30 août dernier, l’opposante rwandaise Diane Rwigara n’avait en réalité jamais quitté son domicile de Kigali. Faute d’avoir répondu à une convocation dans la matinée, elle était entendue ce lundi 4 septembre au soir par la police de Kigali.
Qu’est devenue l’opposante rwandaise Diane Rwigara ? Depuis le 30 août, son sort prête à controverse. Selon l’un de ses frères, Aristide, qui vit aux États-Unis, très vite relayé par plusieurs médias internationaux, elle aurait été kidnappée par les forces de sécurité du régime de Kigali, qui la garderaient depuis au secret, ainsi que sa sœur, deux de ses frères et sa mère. Pourtant, selon le porte-parole de la police rwandaise, Theos Badege, qui a donné aussitôt aux médias intéressés par ce dossier les informations sur leur cas, les Rwigara se trouveraient paisiblement chez eux. D’ores et déjà, au moins deux pétitions circulent sur Internet pour exiger leur libération. Leurs auteurs, manifestement, n’ont pas creusé très loin avant de les rédiger…
Candidate invalidée à la présidentielle
L’affaire débute mardi 29 août à Kigali. Dans la soirée, des enquêteurs de la police rwandaise débarquent au domicile de la famille Rwigara, à Kiyovu, pour y effectuer une perquisition. C’est là que vivent Diane, sa sœur Anne, leurs deux frères Arioste et Aristiote, ainsi que leur mère Adeline. Depuis le 3 mai, Diane n’est pas n’importe qui. A cette date, elle annonçait en effet son intention de défier dans les urnes le président sortant, Paul Kagame, lors de l’élection présidentielle qui s’est tenue le 4 août. Mais deux mois plus tard, la Commission électorale nationale rejette une fraction des 600 signatures requises – malgré le dépôt de signatures supplémentaires par la jeune femme, suite à cette décision – et invalide sa candidature. Fin de l’Acte I.
Diane, 35 ans, est la fille d’un homme d’affaires rwandais régulièrement qualifié de « financier du FPR », Assinapol Rwigara. Celui-ci a trouvé la mort en février 2015, dans un accident de la route, après que sa Mercedes a percuté un poids lourd. Une version que Diane et certains membres de sa famille contestent depuis lors. Selon eux, il s’agirait d’un assassinat déguisé, maquillé en accident par le régime.
Diane Rwigara ressurgit deux ans plus tard, en se portant candidate à la présidentielle. Femme, jeune, adepte d’une critique radicale contre le régime de Paul Kagame, elle séduit aussitôt médias et ONG internationales, qui en font leur nouvelle égérie. Sa candidature annulée, l’élection de Paul Kagame entérinée, on aurait pu croire l’histoire close. Loin s’en faut.
Une perquisition pour deux affaires
Le 29 août, les policiers rwandais ratissent l’appartement familial. Deux procédures distinctes sont à l’origine de cette intrusion. La première vise exclusivement Diane Rwigara. Elle porte sur une accusation de fraude portant sur le recueil de ses signatures. « Elle a notamment présenté les signatures de personnes absentes du pays ou décédées », affirme une source officielle rwandaise. La seconde, pendante depuis 2012, concerne l’entreprise familiale – qui œuvre notamment dans l’immobilier et les cigarettes -, désormais gérée par sa sœur Anne et visée par des soupçons de fraude fiscale.
À la suite de la perquisition, les policiers procèdent à la saisie de sommes en liquide (130 000 dollars), d’ordinateurs et de téléphones portables. Les quatre frères et sœurs et leur mère sont ensuite conduites au commissariat, avant d’être relâchés. « Ils sont repartis chez eux, mais devaient se présenter dans nos locaux vendredi 1er septembre », indique à Jeune Afrique le porte-parole de la police, Theos Badege. Dès le lendemain matin, un frère Rwigara vivant au États-Unis ameute les médias internationaux. Selon lui, les cinq membres de sa famille ont disparu sans laisser de trace et se trouveraient en danger de mort. En Europe, en Afrique ou en Amérique du Nord, de nombreux détracteurs du régime battent le tambour, exigeant la libération des Rwigara.
Diane, sa sœur, ses frères et leur maman se trouvent à leur domicile. C’est là que je les ai vus vendredi dernier.
Jeudi soir 31 août, pourtant, Anne Rwigara est revenue au commissariat pour demander deux choses aux policiers : obtenir une partie des sommes d’argent liquide saisies, pour subvenir à leurs besoins quotidiens, et solliciter un report de la convocation, le temps que leur avocat prenne connaissance des charges. La demande est acceptée. Et un journaliste du site rwandais Taarifa, Magnus Mazimpaka, a eu ce soir-là l’occasion de s’entretenir avec une Anne peu loquace dans les locaux de la police.
Entre-temps, l’avocat Janvier Rwagatare a été saisi par la famille. « Vendredi [1er septembre], je me suis rendu à la police avec Anne pour demander officiellement un report de leur convocation », relate-t-il à JA. Plus étonnant, il affirme sans hésiter que « [ses] clients ne sont pas en détention ». Et de confirmer, lundi 4 août, quelques minutes avant d’entrer dans le bureau des policiers, qui avaient fixé une nouvelle audition le matin même, à 9 heures : « Diane, sa sœur, ses frères et leur maman se trouvent à leur domicile. C’est là que je les ai vus vendredi dernier. »
En fin de journée, ce lundi 4 septembre, Jeune Afrique recevait d’ailleurs de Kigali des photos de la « disparue » Diane Rwigara, prise depuis la propriété familiale par des journalistes ayant pu enfin accéder aux lieux, en présence de la police. L’opposante, qui n’avait pas déféré à sa convocation, a ensuite été conduite au commissariat pour interrogatoire, ainsi que sa mère et sa sœur. Les trois femmes en sont ressorties libres et ont pu regagner leur domicile dans la soirée.
Reste à comprendre pourquoi la famille s’est abstenue, depuis une semaine, de démentir la thèse de sa disparition…