Notre cocoteraie est en convulsion depuis le départ du Faama pour la java outre atlantique. Les opposés renouent avec leur carnaval des mi- semaines au son d’un vieux disque rayé, dont seuls semblent se délecter encore ceux qui n’ont connu que l’ère du couper-décaler. Au même moment à Boké, Kamsar et Sangarédi on se contorsionne au son d’anciennes désillusions et de nouvelles promesses.
« Une pour chaque jour et le dimanche pour la plus méritante » disait Demi-dieu à ses cinq femmes, au moment où il s’engageait à prendre une sixième épouse. Ah, la belle Binta ! Jeune à la peau de soie et au sourire enjôleur. Cette rebelle renvoyée de la ville par sa tante est promise en mariage au riche planteur Alcaly qui vivait pourtant paisiblement auprès de ses compagnes. Mais comme l’homme africain est un conquérant intrépide et un permanant aventurier, Alcaly était prêt à tout pour conquérir sa muse. Cela au prix de la paix et de l’harmonie de son foyer. Mais quand la passion éveille les sens, la raison est une bien embarrassante chose dont on peut se passer. Bon, les vieux connaissent l’histoire et je ne la raconte qu’aux jeunes.
Depuis l’annonce des fiançailles orientales au son de 20 milliards de dollars, les ventres gargouillent et l’on affute les couteaux. Notre Faama est un conquérant infatigable qui nous a appris à rêver et aussi à rêvasser. Déjà nous avions sorti nos calculettes pour savoir combien chacun offrirait de pagnes, de bijoux ou d’objets de valeur à son épouse et à ses nombreuses maîtresses. Mais il aura fallu que des canailles gâchent la fête en réclamant tels des forcenés l’eau et l’électricité. Ne pouvez-vous pas faire moins de bruits, quand on sait que notre bien-aimé Faama est parti au loin pour vendre… la destination Guinée. Ces jeunes qui ne connaissent de la vie qu’à demander, réclamer et s’asseoir ensuite sur leurs droits ; à se trémousser au son du ‘’couper-décaleur’’ de nos rêves exaspèrent en fin de compte. Qu’est-ce qu’ils ont tous à casser et brûler tout ce qui se dresse sur leur route ?
Mais on connait le visage des aigris qui les excitent. Oui, ces pseudos patriotes qui réclament le départ de notre Faama le jour et tombent dans ses fleurs la nuit. Sortez des bois, et venez prendre au grand jour ces milliards qui vous font saliver. Depuis qu’il a décidé d’octroyer cinq cent barils de miel par mois à son respectueux jeune frère, chef de file des opposés, les autres aussi se bandent les bras et rêvent d’ameuter la ville. Peine perdue. Notre Faama sait quel moustique est capable de l’empêcher de dormir la nuit. Et il ne va plus céder devant les tentatives de barbouillage de ses nombreux acquis. Le Faama travaillera lundi et mardi. Ils peuvent défiler mercredi et jeudi et laisseront vendredi et dimanche à ceux qui semblent encore craindre Dieu dans ce pays. Samedi, on sait qu’ils écumeront les cérémonies de mariage, les boîtes de nuits, les restaurants huppés, les hôtels et motels pour les débrouillards, et les plages marocaines pour les plus téméraires. Qu’elle est belle cette ‘’démons-cratie’’.
On vous a vus à la messe d’hier, main dans la main mais vous écrasant les pieds. On sait pour vos rivalités internes et vos agendas cachés. Mais bientôt les masques vont tomber. Ceux qui font semblant de supporter notre Faama et en même temps roulent pour le camp adverse. On sait que votre entreprise de troisième mi-temps vise uniquement à protéger vos privilèges, vos petites conquêtes et votre bedaine de l’éclatement certain d’une disgrâce. Mais Faama n’est pas aveugle, il est intelligent et patient. Il vous réserve le même sort qu’à ceux qui osent affirmer leur intention de venir danser avec lui en 2020. Ce bal des anciens n’est réservé qu’aux jeunes et fringants élèves qui ont appris leur cours, et aiment leur patrie.
D’ailleurs chaque fois que les opposés s’agitent et programment un nouveau carnaval bariolé, notre bien-aimé Faama leur laisse un coin de la piste où ils pensent pouvoir soulever plus de poussières que lui. Hum ! ce qu’ils ignorent, c’est que notre stratège fait arroser le terrain la veille et nombreux sont ceux qui viennent à l’arrosoir la nuit, tombant même dans les fleurs épineuses. Ceux-là, tout le monde les voit le lendemain crier plus fort que tous les excités politiques de nos marigots. C’est ça la politique. Et notre Faama prend cependant du bon temps dans les plus beaux endroits de la terre, et nous les fait voir à la télévision de la Colline aux Caméléons. Comme pour dire que le rêve est permis et qu’on peut toujours rêver.
Mais je suis en colère contre les auteurs des rumeurs qui pullulent dans la cité telles des anophèles sous nos tas d’immondices. Ils alimentent la tension et se comportent comme les fabricants de cercueil qui ne peuvent vendre que lorsqu’il y a des cadavres. Mais tous ensemble, ils seront surpris. Malgré leur mensonge qui montre pour vraie l’histoire du vol d’une mallette. Notre Faama, lui, peut s’acheter toutes les mallettes du monde s’il le souhaite vraiment. D’ailleurs il continuera de survoler peinard tant que le sport favori ici sera de soulever la poussière. Nul ne voit plus rien de loin et les méchantes langues disent qu’il n’y a pas de perspectives. On s’en fout de vos perspectives. La seule qui compte est une fin de séjour dorée pour notre bien-aimé Faama au palais. Et ne comptez surtout pas sur un petit sergent pour venir troubler l’eau.
En vrai sage africain, Faama ne prend pas part aux agitations des enfants ni aux querelles opposant des épouses jalouses. Il leur laisse le choix de s’entendre pour cultiver la paix, ou des contorsions et dandinements comme à Kamsar, Boké et Kolaboui. Dans ce cas il les privera de popote.
Comme le dit un dicton africain, le bruit des vagues n’empêche pas le poissons de dormir.
Mohamed Mara