Ibrahima Chérif Bah, ancien Gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) de 1996-2004, accusé d’avoir viré plusieurs millions de dollars au compte d’une société, est convoqué par l’inspection générale d’Etat, pour le confronter aux faits à lui reproché. Voici un article publié le 02 avril 11, quand dans son mémo, celui qui est aussi accusé d’avoir participé au détournement des 8 tonnes d’or laissés par la régime de Sékou Touré à la Banque Centrale de la République de Guinée, tentait de se cacher derrière le cadavre de feu Général Lansana Conté. A l’inspection générale d’Etat de s’en servir…
Le premier gouvernement issu de la Première Election Démocratique de la Guinée, par soucis de transparence dans la gestion du désormais ‘’DOSSIER CREANCES DE L’ETAT’’ a rendu publique une première liste des hauts cadres débiteurs de l’Etat Guinéen.
En attendant que la justice guinéenne ne tranche, toutes ces personnalités, à mon humble avis, ne sont que des présumées débiteuses. Qu’à cela ne tienne, dès le lendemain de la publication de cette liste, les personnes concernées se sont empressées de réagir qui pour tenter de se blanchir, qui pour tenter de se justifier. Leurs réactions, du moins épidermiques, suscitent au sein de l’opinion nationale et internationale, diverses interprétations. Ce qui est tout à fait logique dans un état démocratique. Car c’est la diversité d’opinions qui fait la force principale de la démocratie. Cependant, il y a lieu de préciser que tant c’est le Droit élémentaire d’un accusé de se défendre, il faut aussi reconnaître à l’état son Devoir absolu de réclamer son dû. C’est aussi simple que ça.
Dans ce magma de réactions des personnes citées, un dénominateur commun s’impose : Personne d’entre elles n’a reconnu devoir à l’état guinéen. Chacune d’elles tire le drap sur elle. Du coup, le peuple de Guinée se retrouve face une sorte de matrice à fabrique de mensonges et de contrevérités. Arrêtons-nous un peu sur le cas de M. Ibrahima Chérif Bah, ancien gouverneur de la Banque Centrale de Guinée.
Dans un Mémorandum adressé à ses compatriotes, l’ancien gouverneur de la BCRG dit avoir l’habitude d’observer une obligation de réserve étant donné certaines hautes fonctions stratégiques qu’il a occupées. Et, qu’il ne parlait ou n’écrivait que quand on le lui demandait. Mais, à bien le comprendre, cette fois, même si on ne lui a pas demandé, il s’adresse à ses compatriotes à travers les médias écrits car la publication de listes des débiteurs de l’état Guinéen l’en oblige.
Dans cette obligation, cet intellectuel rompu et rodé des institutions financières de la Guinée, parlant des 10 millions de dollar que l’état Guinée lui réclame, entame ainsi sa défense écrite: « Il s’agit du transfert de 10 millions de dollar effectué il y a quatorze ans quand j’étais gouverneur de la Banque Centrale. J’ai toujours expliqué et je le répète encore que j’ai exécuté une Instruction Stratégique du Premier Magistrat de la Nation et tous les documents sont à la BCRG dans des archives bien conservées. Ce n’est nullement une opération cachée car pour faire un tel transfert, la chaîne administrative de décision à la BCRG peut impliquer jusqu’à 5 cadres et agents. Cependant, je dois tout de suite préciser que ni mon adjoint à l’époque, ni les autres cadres et agents y compris celui qui gère les codes secrets de la transaction ne sont responsables puisqu’ils ont exécuté mes instructions dont la source légitime est d’un plus haut niveau. »
Ce premier paragraphe de la défense de M. Ibrahima Chérif Bah porte à croire que l’ancien gouverneur de la BCRG est entrain de glisser sur la peau de sa propre banane. Dans un premier temps, il reconnaît implicitement le montant de 10 millions de dollar, mais aussi et surtout il se rappelle qu’il y a effectivement eu un transfert de ce montant. Et pire, l’ancien gouverneur de la Banque Centrale avoue avoir exécuté Une Instruction Stratégique du Premier Magistrat de la Nation, en la personne du feu Général Lansana Conté. A ce niveau précis, par oubli ou par stratégie de défense, M. Ibrahima Chérif Bah ne dit pas du compte de la Banque Centrale de Guinée où ce montant a été transféré, et à quelles fins (Stratégiques) ce montant a quitté notre Banque Centrale pour une autre destination jusqu’ici inconnue. Il n’apporte aucune précision sur la destination des 10 millions de dollar. Seule la justice peut éclairer le peuple de Guinée sur cette destination. Car pour le principal accusé, jusqu’à preuve du contraire, c’est Une Instruction Stratégique du Premier Magistrat de la Nation qu’il a exécutée. Apparemment, M. Bah est un véritable connaisseur des dossiers et des modes de défense en Guinée. Car l’histoire enseigne que tous les cadres guinéens impliqués dans des détournements sous le régime de Lansana Conté, ont tous opté pour même stratégie, après le décès de ce dernier : C’est le mort qui m’a instruit d’exécuter cette décision. C’est sans compter que cette défense n’est valable que pour d’indélicats cadres Guinéens. Ne dit-on pas que les hommes passent mais les Etats demeurent ? Alors M. Chérif Bah, cet argument tient peu ou prou la route. Il vous revient, en votre qualité d’exécutant de cette décision, c’est à dire le signataire de cette décision, de prouver le caractère stratégique de l’Instruction que vous avez exécutée. Ou tout au moins de prouver, par la signature du feu Président de la République le Général Lansana Conté, que c’est un ordre écrit que vous avez exécuté. C’est aussi simple que ça non ?
Dans un second temps, toujours dans le dossier des 10 millions de dollars, l’ex gouverneur de la BCRG ne limite pas seulement à sa seule défense, de passage il tente de disculper ces anciens collaborateurs. Pour lui, sans coup férir, ni son adjoint à l’époque, ni les autres cadres et agents y compris celui qui gère les codes secrets de transactions, ne sont responsables de ce curieux transfert. La raison est bien simple d’après l’ancien patron de la BCRG : « Ils ont exécuté mes instructions dont la source légitime est d’un plus haut niveau. » C’est bien juste et beau d’assumer une telle responsabilité.
Analysons bien ce passage. Ces messieurs que M. Ibrahima Chérif Bah tente de dédouaner ont sûrement la preuve écrite des injonctions reçues de leur chef hiérarchique. C’est-à-dire de l’ex gouverneur de la BCRG. C’est élémentaire. Vouloir les inquiéter juridiquement, ils fourniront, j’en suis persuadé, la preuve écrite de M. Ibrahima Chérif Bah. Donc, il faut assumer de leur avoir instruit. Parce qu’ayant lui-même reçu des instructions Stratégiques. Sauf que cette fois-ci, il n’y aura aucune preuve écrite du Général défunt !
A l’image de ce qui suit, et en attendant d’autres explications beaucoup plus détaillées et précises sur l’utilisation des 10 millions de dollar, il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que M. Ibrahima Chérif Bah, ancien gouverneur de la Banque Centrale de Guinée, est et demeure le seul et unique débiteur de l’état Guinéen dans ce dossier. Et donc, il doit au peuple de Guinée, à tous les enfants de Guinée, une rondelette somme de 10 millions de dollar.
Le second paragraphe de l’ex patron de la BCRG est consacré à l’audit de son institution. C’est logique et normal que la Banque Centrale soit la première institution à avoir été soumise à un Audit International indépendant par des auditeurs sélectionnés par le FMI et la Banque Mondiale. Et si M. Chérif affirme que son Ministre de l’Economie et des Finances de l’époque l’a beaucoup aidé pour convaincre le chef de l’état d’accepter qu’une institution souveraine relevant directement de son autorité soit auditée internationalement, il oublie que ces institutions de Bretton Woods, précisément le FMI est la Banque des Banques Centrales. Ce qui revient à dire que c’est à prendre ou à laisser. Ces institutions, qui sont une sorte de banque mère pour les autres banques centrales, ont le droit de regard sur la gestion des Banques Centrales. Ici, loin de moi l’idée de contrarier l’ex patron de la BCRG sur les audits de sa gestion, mais pendant leur long règne à la BCRG, l’opacité du système était telle que l’opinion nationale guinéenne aura du mal à croire aujourd’hui à leur bonne foi. Les rapports circonstanciés dont évoque M. Ibrahima Chérif Bah ne peuvent qu’engager leurs auteurs. Car les résultats ont toujours été catastrophiques.
Le troisième paragraphe de M. Chérif Bah est tout aussi comique qu’une scène de théâtre. « Toutes les années que je suis resté à la BCRG, personne ne m’a demandé quelque chose à propos de ce dossier. Cinq ans après mon départ, aucune interrogation. Il a fallu la disparition de Président Conté (Que son âme repose en paix) pour que l’on me pose des questions sur ce transfert… »
C’est à dormir débout. Qui ignore le système de gestion des affaires de l’état sous le régime de Lansana Conté ? Y avait-il un ministre ou un cadre indépendant qui pouvait poser une question aux hommes aussi puissants de l’époque qu’un Gouverneur de la Banque Centrale de Guinée sur sa gestion? Les équipes gouvernementales de l’époque ressemblaient à ceci : « Les oiseaux de mêmes espèces volent ensemble… » Tu es dans le système, tu te tais, et tu t’enrichis, ou tu pars. Donc, M. Chérif Bah, franchement toutes les années que vous êtes resté à la BCRG, personne ne pouvait vous poser la moindre question sur ce dossier. Car tous ceux qui devraient le faire étaient de l’autre côté, dans l’opposition démocratique, stupéfaits de la gestion calamiteuse de la chose publique.
Pour ce qui est des DADIS SHOWS, il est déshonorant pour la Guinée et les Guinéens de les évoquer dans un dossier aussi important que celui des 10 millions de dollar. Moussa Dadis Camara, avec sa compréhension des choses, amusait plus la galerie qu’il ne cherchait à connaître les tenants et aboutissants des dossiers de détournement des deniers publics. Il a été tellement enivré par le pouvoir qu’il se fût substitué à tout même à la JUSTICE. Pire encore, les dossiers et secrets d’état se sont retrouvés sur la place publique. Donc vouloir parler de ces DADIS SHOWS, c’est comme si vous nous livrez un ‘’CHERIF SWHOW.’’
Le quatrième point de votre défense M. Bah est centré sur le dossier des 6,050 milliards de FG.
Dans cet autre dossier, l’ex gouverneur de la BCRG rappelle : « Il est également indiqué dans la liste des débiteurs que je suis solidairement avec personne que moi-même responsable de 6,050 milliards de FG à cause d’une société GLOBAL RESSOURCES. Ceci m’a beaucoup surpris car je ne connais ni cette société ni rencontré un de ses mandataires à aucun moment. Je n’ai aussi jamais reçu ou donné instruction pour faire un payement quelconque en faveur de cette entité… »
C’est toujours la même chanson. « Je ne connais pas… » Néanmoins, pour aider les auditeurs, l’ancien patron de la BCRG les renvoie tout de même : « Je renvoie les auteurs de cette liste à revoir les dossiers de base de la BCRG et à indiquer avec précision qui a fait cela… » Cela revient à conclure que M. Ibrahima Chérif Bah nie en bloc cette autre accusation. Mais les chiffres et les archives étant têtus, les enquêteurs ou auditeurs de l’état sauront comment s’y prendre.
Avant de terminer ce paragraphe, l’ex gouverneur de la BCRG oriente les auditeurs sur un autre gros morceau : « Ceci m’amène d’ailleurs à me demander ou à demander aux auditeurs si les fameux bons BCRG ont été recouvrés et que sont devenues les tonnes d’or fin que j’ai laissé à la banque quand j’ai quitté en Mars 2004 ? »
Merci M. Bah pour cette pertinente question. Mais pour l’instant, le bon sens commande de ne pas mettre les charrues devant les bœufs. Pour le bonheur des pauvres populations guinéennes, toute la lumière sera faite sur ces différents détournements. Le chef de l’état, le Pr. Alpha Condé a d’ailleurs crée un département charger d’auditer l’administration publique guinéenne, et certaines sociétés mixtes. Les cadres de ce département, en toute indépendance, feront le travail qui est le leur pour que la VÉRITÉ triomphe.
En attendant d’autres explications plus plausibles, à la lecture du Mémorandum de M. Ibrahima Chérif Bah, l’on se rend aisément à l’évidence qu’il tente, comme nombre de cadres guinéens impliqués dans des scandales financiers, à se cacher derrière le cadavre du général Lansana Conté. A-t-il réellement convaincu. Sûrement pas !
Mamadou SACKO