« Que les Africains ouvrent les yeux sur les réalités du monde. Ils verront que les puissances industrielles, confrontées à d’intenses difficultés sociales avec leurs millions de chômeurs, ont déjà fort à faire pour réduire la pauvreté chez elles et qu’en toute logique elles ne peuvent situer au premier rang de leurs préoccupations l’éradication de la misère dans des contrées lointaines. Il nous faut donc, dans le cadre de la politique économique mondiale, nous convaincre que notre continent possède des atouts, et que nous sommes les seuls à pouvoir créer – avec ou sans aide extérieur – notre propre richesse par le développement, développement conçu en fonction de nos besoins. Lorsqu’ils se battent pour entrer dans le club des pauvres, convaincus qu’ils n’ont rien, attendant leur salut de l’étranger et acceptant d’être à la traîne des puissances extérieures, les africains se condamnent d’avance à n’être que des observateurs passifs de leur destin, alors qu’ils peuvent conduire par eux-mêmes le changement et réaliser leur propre développement. N’est-ce pas trahir les objectifs de l’indépendance que d’agir ainsi ? N’est-ce pas se soumettre d’emblée au bon vouloir de l’extérieur ? N’est-ce pas renier sa foi dans les destinées de l’Afrique ?
Dans l’histoire des temps modernes, la véritable indépendance des peuples colonisés s’est toujours marquée par une rupture déchirante des liens de domination entre les colonisés et les puissances colonisatrices. Toujours, il a fallu secouer la tutelle du Père, dissiper « son odeur », le remettre à sa place véritable, celle d’un interlocuteur à qui l’on s’adresse d’égal à égal, sans plus. »
Edem Kodjo (Ancien Secrétaire général de l’OUA)