La médecine du travail désigne dans certains pays, à la fois une spécialité médicale qui concerne la prévention des atteintes à la santé des travailleurs (accidents du travail, maladies professionnelles) et les Services de médecine du travail (ou de santé au travail), au sein desquels s’exerce cette spécialité. Dans d’autres pays, la médecine du travail désigne simplement l’exercice professionnel d’un médecin spécialisé en santé au travail. Le BDG reçoit dans ce numéro Dr Magassouba.
Bonjour Docteur Magassouba. Quel rôle joue le médecin du travail dans notre contexte national ?
Pour comprendre le rôle du médecin du travail, la compréhension de son univers de travail s’avère nécessaire. Cet univers est l’entreprise ! Il existe des définitions variées de l’entreprise. Dans la plupart des cas, l’entreprise est un agent économique chargé de produire et de vendre en réalisant des profits ; C’est une organisation dont la sophistication dépend le plus souvent de sa taille.
L’entreprise est dotée d’un statut juridique adapté à ses objectifs ; deux notions permettent de définir l’entreprise comme un groupement organisé de femmes et d’hommes qui, ensemble, mettent en place et font vivre un système de production de biens ou de services, en vue de créer un pool de richesses permettant de dégager les profits nécessaires à l’existence des membres du groupe et du système.
Les entreprises sont le terrain des actions de prévention médicale et technique de l’équipe de santé au travail.
Bien connaitre les entreprises surveillées, représente, pour les intervenants dans le champ de la santé au travail, un préalable indispensable pour mener à bien les actions. L’organisation et le fonctionnement constituent les deux paramètres essentiels qui conditionnent la vie, le développement, la survie ou, à défaut le déclin de l’entreprise. C’est dans ce cadre qu’intervient le médecin du travail. Les services de santé au travail sont assurés par un ou plusieurs médecins qui prennent le nom de médecin du travail et dont le rôle exclusivement préventif consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d’hygiène du travail, les risques de contagion et l’état de santé des travailleurs.
Cette mission est basée sur une relation de confiance essentiellement caractérisée par le secret professionnel, l’indépendance du médecin, sa compétence et le respect du droit.
Qui instaure la médecine du travail dans les entreprises ?
La médecine du travail a comme but général d’« éviter toute altération de la santé des travailleurs, du fait de leur travail ». Les « clients », pour reprendre un terme à la mode, ne devraient pas être les employeurs, mais les travailleurs car, ce sont les employeurs qui exposent leurs travailleurs à des risques de santé, aux fins de productivité, et donc de rentabilité ; il est donc bien normal qu’ils paient en retour pour en limiter les effets.
Comment s’exerce le rôle préventif du médecin du travail ?
On procède aux examens médicaux nécessaires, notamment à l’examen médical d’aptitude ; On contribue ensuite à éviter toute altération de la santé des salariés du fait de leur travail ; On surveille les conditions d’hygiène dans les lieux de travail ; On surveille les risques de contamination ; On surveille l’état de santé des salariés.
Les composantes de ce rôle préventif sont donc :
-les conseils ;
-la surveillance des conditions générales d’hygiène dans l’entreprise ;
-la protection des salariés contre les accidents et contre l’ensemble des nuisances qui menacent leur santé ;
-la surveillance de l’adaptation du poste de travail à l’état de santé du salarié ;
-l’amélioration des conditions de travail, notamment en ce qui concerne les constructions et aménagements nouveaux, ainsi que l’adaptation des techniques de travail à l’aptitude physique du salarié ;
-l’élimination des produits dangereux et l’étude des rythmes du travail. Etc.
Je vous passe de nombreux détails assez complexes pour tenir ici.
Fort de votre expérience dans le milieu médical professionnel, quels sont les différents risques auxquels nos travailleurs sont souvent confrontés ?
L’identification de tous les dangers existant dans l’entreprise impose de connaître les différents facteurs de risques auxquels les travailleurs sont susceptibles d’être exposés ; les risques professionnels peuvent être classés selon qu’ils sont :
– mécaniques : heurts par les parties mobiles en mouvement des machines, écrasement par des chutes d’objets ou des véhicules, coupures et perforations par les outils de travail, projections de particules solides (copeaux de métal, de bois, de roche) ou de matière incandescente, contraintes posturales et visuelles contraignantes et gestes répétitifs …
– physiques : vibrations produites par les engins, niveau sonore trop élevé, température trop forte ou trop basse, intempéries pour les travaux extérieurs (humidité, vent…), niveau d’éclairement, qualité de l’air sur le lieu de travail (poussières …), courant électrique, incendie et explosion …
– chimiques : exposition à des substances chimiques par inhalation, ingestion ou contact cutané, produits gazeux, liquides ou solides, cancérigènes, mutagènes, toxiques, corrosifs, irritants, allergisants…
– biologiques : exposition à des agents infectieux (bactériens, parasitaires, viraux, fongiques) et allergisants par piqûre, morsure, inhalation, voie cutanéo-muqueuse …
– radiologiques : existence de radiations ionisantes et radioéléments, de rayonnements laser, de radiations UV et IR, rayonnements électromagnétiques divers…
– psychologiques : agression physique ou verbale sur le lieu de travail par un client /élève/patient, harcèlement moral ou sexuel par un supérieur hiérarchique, stress managérial, charges mentales excessives (travail permanent sur écran …) … etc.
Dans l’étude de poste, quel est le rôle d’un médecin du travail dans l’aménagement d’un poste ?
L’objectif de l’aménagement du poste de travail est de permettre le maintien dans l’emploi du salarié, tout en compensant son handicap par l’adaptation de l’outil et l’organisation de travail. Lorsqu’un salarié est déclaré temporairement inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, quelle qu’en soit la cause, l’employeur est tenu de lui proposer un emploi approprié à ses capacités, au besoin par la mise en œuvre de mesures, comme l’aménagement du poste ou du temps de travail. À défaut, il devra être à même de justifier son refus.
Que ce soit à l’issue d’une période de suspension (suite à un accident ou à une maladie) ou que ce soit à l’occasion d’une visite périodique, c’est le médecin du travail qui a seul la compétence pour rendre un avis d’aptitude, ou d’inaptitude totale ou encore d’inaptitude partielle à l’emploi.
Le médecin du travail peut demander un aménagement du poste (adapter des techniques et des rythmes de travail pour éviter des gestes et postures difficiles, améliorer l’éclairage, etc.), ou des horaires de travail (instaurer un temps partiel thérapeutique, etc.).
Il est également habilité à proposer des mesures individuelles de mutation ou de transformation de poste qui lui paraissent justifiées par des considérations relatives à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique ou mental du salarié.
Quelle est la place de l’éthique et de la déontologie en ‘’santé au travail’’ ?
L’éthique tient une place aussi importante dans l’exercice de la médecine du travail que dans les autres spécialités médicales.
Elle a pour principal objet les attitudes et comportements du médecin face à son patient et plus particulièrement les règles de conduite <<morale>> qu’il doit alors respecter. Cependant, il n’y a pas de morale sans contraintes et obligations.
C’est pourquoi les règles de conduites des médecins sont définies dans le code de déontologie qui en constitue le cadre formalisé. Au plan national et international, des recommandations ont été rassemblées dans le code d’éthique pour les professionnels de la santé au travail.
La santé au travail peut-elle être considérée comme un levier de croissance d’une entreprise ?
La santé au travail ne doit plus être uniquement vue sous l’angle réglementaire mais considérée comme un axe d’amélioration de la performance globale de l’entreprise, comme le disait un personnage important de la vie politique.
Alors la santé au travail permet de Préserver les savoir-faire, de valoriser les compétences ; Réduire les coûts d’absentéisme, d’inaptitude, et les coûts d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, améliore le dialogue social, diminue le temps consacré à la gestion des conflits, donne du sens au travail ; l’envie de venir travailler motive le salarié
La santé au travail améliore la vie privée et la vie professionnelle ; ce qui favorise l’engagement des collaborateurs dans le projet d’entreprise permettant de la pérenniser. Du coup, l’image vis-à-vis des clients et des fournisseurs est au beau fixe.
Merci de nous délivrer votre mot de la fin
Au terme de cet entretien, je vous remercie de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer à travers votre organe pour parler d’un thème aussi important que la santé au travail qui représente un défi ; d’où la nécessité pour les décideurs de créer un cadre de concertation de tous les acteurs impliqués, afin d’harmoniser l’exercice de la santé au travail et améliorer le cadre juridique et institutionnel. Nous invitons toutes les entreprises publiques et privées à rendre accessible la santé au travail dans leurs entreprises, pour garantir les meilleures conditions de travail, gage de croissance et de pérennité pour toute entreprise.
En savoir plus sur http://mediaguinee.org/2017/11/08/espace-sante-la-sante-au-travail-par-mohamed-lamine-magassouba/#5KSr1GjWsuUVvpuV.99