En date du 9 Novembre 2017, le ministère de la justice a annoncé la clôture des enquêtes sur les crimes contre l’humanité de Septembre 2009. Le « pool des juges » aurait communiqué le dossier de l’instruction au procureur de la République. Toutefois, le même communiqué indique que la clôture de l’instruction interviendra après les réquisitions du procureur de la république. En outre le ministère de la justice a annoncé la mise sur pied d’un « comité de pilotage en vue de la préparation matérielle du procès à venir. »
L’annonce du ministère soulève des questions alarmantes. La fin de la clôture de l’instruction qui est sujette aux réquisitions du procureur de la République n’est assortie d’aucune date de début ni d’aucun délai. L’annonce de la mise sur pied du comité de pilotage montre qu’après plus de six ans d’enquêtes, aucune préparation matérielle pour l’organisation des procès n’a été faite. Elle contredit les déclarations antérieures du ministre de la justice qui, en défiance au bon sens, avaient soutenu que la Guinée est prête à organiser les procès. Une autre source d’inquiétude est le caractère vague de l’annonce qui ne donne pas la composition du comité, les critères pour en faire partie, les détails impartis à l’accomplissement des objectifs, ni le calendrier d’exécution.
Depuis sa nomination en Janvier 2014, Mr. Sako a été consistant dans l’application de la politique de déni de justice définie par son patron. Cheik Sako et Alpha Condé opèrent en duo cynique : Cheik Sako fait dans les fausses promesses et Alpha Condé sème la confusion. Cette énième annonce lapidaire du ministre sur l’imminence des procès sur les crimes contre l’humanité s’inscrit dans cette logique.
Dans un discours en langue soussou à Kassa le 25 Octobre 2014, le président guinéen a demandé « aux blancs » d’abandonner l’affaire du 28 Septembre. La déclaration confirme en soi la perception que la seule crainte de Mr. Alpa Condé est de déplaire « aux blancs ». Il faut une piètre et dangereuse compréhension de son rôle de chef d’état, pour que Mr. Condé en arrive à supplier des « blancs » d’abandonner un processus de justice sur des massacres qui ont eu lieu dans le pays dont il a la charge suprême. Ses suppliques constituent une trahison de son serment de défense de la constitution. C’est en même temps, une abdication honteuse, non seulement de ses prérogatives de chef d’état, mais de toute notion de souveraineté de la Guinée. La déclaration disqualifie moralement le chef d’état guinéen, et elle constitue une preuve suffisante du manque de volonté de son administration d’organiser les procès.
En anticipation aux « progrès » que le ministre de la justice a annoncés, le président guinéen récidive et sème des doutes supplémentaires sur le processus judiciaire. À une question de Jeune Afrique sur le retard des procès, Mr. Alpha Condé a déclaré : « j’assume la responsabilité en tant que chef de l’État. Tout comme j’assume la responsabilité des massacres du camp Boiro en 1985, en 2007 et en 2009, dont mes militants ont été victimes et dont personne ne parle ». Il ajouta que ce « qui préoccupe les guinéens, ce n’est pas le 28 septembre, c’est l’eau, l’électricité, les transports ».
Il serait fastidieux de disséquer ces propos. Mais, Mr. Alpha Condé y montre sa propension à l’amalgame et sa mémoire sélective. Il mentionne le camp Boiro pour ne citer que les repressions lors du putsch manqué de 1985. Il se garde de faire mention des crimes commis par le PDG dans ce camp de l’horreur. En parlant de crimes impunis à l’encontre de militants de son parti, en 2006 et en 2007, Mr. Alpha Condé veut se décharger de sa responsabilité sur les centaines de personnes assassinées depuis son accession à la présidence, ainsi que de sa complicité de fait avec les accusés des crimes contre l’humanité de 2009.
En affirmant qu’il « assume la responsabilité des massacres », Mr. Condé conforte et enhardit les criminels encore une fois. Par aveuglément ou par calcul politicien, le président guinéen veut-il se substituer aux accusés, comparaitre à leur place, dédommager les survivants et payer de sa personne les viols et les assassinats ? Quelle idée de la justice sous-tend cette déclaration vide de sens ? Dans quelle école a-t-il acquis ses diplômes de droit pour croire pouvoir se substituer aux accusés – de surcroit sur des crimes imprescriptibles contre l’humanité ?
Le duo Cheick Sako et Alpha Condé se joue des souffrances des victimes et de leurs familles. Cette disposition d’esprit a fait dire à Alpha Condé que les guinéens ne sont pas préoccupés par l’affaire du 28 septembre 2009. En fait, Alpha Condé trahit sa volonté d’user de toutes les manœuvres politiciennes disponibles pour se pérenniser au pouvoir, y compris en ravalant des crimes contre l’humanité en fait banal et en usant de la misère économique du peuple comme alibi de « complicité ».
Mr. Sako, son pool de juges, ainsi que tous les magistrats impliqués dans l’obstruction du processus judiciaire de l’affaire du 28 Septembre devraient comprendre que Mr. Alpha Condé les a engagés dans une diversion dangereuse. Les crimes du 28 Septembre 2009 ne resteront pas impunis. Les procès peuvent bien être retardés par des manœuvres. Mais ils auront lieu et les responsables des obstructions, au même titre que les inculpés, y répondront de leurs crimes.
Les associations de victimes qui ont exigé un début des procès en 2018, doivent se rendre à l’évidence que le duo Alpha Condé et Cheik Sako a prouvé suffisamment n’avoir aucune volonté de mettre fin au déni de justice. Mais leurs manœuvres doivent être un facteur d’encouragement – à toutes les organisations des droits de l’homme et celles des victimes – pour orienter les efforts communs vers une dessaisie du dossier de la Guinée et à son transfert à la CPI.
Le Collectif Contre l’impunité en Guinée et Pottal-Fii-Bhantal réitèrent encore une fois leur disponibilité à participer à ces efforts. Nous invitons tous les citoyens épris de justice à faire de même.
Le Bureau du Collectif Contre l’impunité en Guinée et la Commission centrale de Pottal-Fii-Bhantal Fouta-Djallon.