Des chercheurs américains ont mis au point un test sanguin qui permet de dépister et localiser certains cancers aux stades les plus précoces.
Détecter le cancer avant qu’il ne fasse des dégâts. Avant même qu’il ne se manifeste. Les chercheurs travaillent depuis plusieurs années à repérer dans le sang des patients les tout premiers indices de présence de la maladie. Dans le cancer, ce sont des mutations génétiques qui provoquent la croissance de cellules tumorales : c’est précisément l’ADN de ces tumeurs qui se retrouve dans la circulation sangine et qui peut être exploité à des fins diagnostiques et thérapeutiques.
Un nouveau test sanguin du nom de CancerSeek, développé en collaboration avec une équipe de chercheurs de l’Université Johns Hopkins à Baltimore, aux États-Unis, a permis de repérer de façon précoce les huit cancers les plus fréquents dans 70% des cas en moyenne, donnant l’espoir de dépister la maladie avant même l’apparition de symptômes et d’améliorer dans certains cas les chances de guérison. L’étude, publiée jeudi 18 janvier dans Science, a porté sur plus d’un millier de patients dont la tumeur ne s’était pas encore propagée. Ces résultats pourraient placer l’équipe de Baltimore en tête dans la compétition en cours pour commercialiser un test sanguin universel de dépistage du cancer.
Meilleure précision du nouveau test
La science utilise déjà les informations contenues dans l’ADN tumoral accessible grâce à une simple prise de sang. Les chercheurs de Johns Hopkins et d’autres centres de recherche ont, par exemple, déjà mis au point des « biopsies » de cellules cancéreuses circulantes et peuvent déterminer comment un patient répondra aux différents traitements. Mais la détection de bribes d’ADN portant la signature d’un cancer naissant reste difficile.
Les chercheurs de Baltimore ont concentré leurs efforts sur les seize gènes qui mutent le plus souvent dans différents types de tumeur et les ont séquencé en partie. Ils ont ajouté huit bio-marqueurs de protéines caractéristiques de ces cancers. Cette combinaison a nettement accru la sensibilité du test et a même permis de déterminer quel tissu de l’organisme était affecté. Il a pu réduire à deux sites possibles l’origine du cancer chez environ 80% des patients. Dans les échantillons de sang des 1.005 patients de l’étude atteints d’un des huit types de cancer les plus communs n’ayant pas encore fait de métastases, le taux de détection a varié de 33% à 98% selon les tumeurs. La sensibilité a été de 69% et plus pour les cancers de l’ovaire, du foie, de l’estomac, du pancréas et de l’oesophage qui sont tous difficiles à détecter précocement.
Autre bon point pour le test : il a rarement trouvé un cancer qui n’existait pas avec seulement sept fausses détections sur 812 réelles, soit moins d’un pour cent dans le groupe témoin de personnes en bonne santé. Confondre le cancer avec une autre maladie, avec l’utilisation de ce test, est rare mais n’est pas impossible. Anirban Maitra, un cancérologue du Centre du cancer Anderson à Houston (Texas), souligne que les protéines liées aux différents cancers utilisées sont des marqueurs de tissus endommagés. Ainsi des personnes sans cancer mais souffrant de maladies inflammatoires comme l’arthrite pourraient être testées faussement positives.
Surdiagnostics favorisés
Si CancerSeek est indéniablement une avancée dans la lutte contre le cancer, il pourrait pousser au surdiagnostic et donc à des traitements inutiles sur des tumeurs dont l’évolution est incertaine et qui n’auraient peut-être jamais porté préjudice au patient. Pour le Dr Papadopoulos, qui a mené l’étude sur le nouveau test sanguin, cela ne devrait pas être un problème puisque chaque cas est évalué par une équipe médicale. « La question n’est pas le surdiagnostic mais le surtraitement », juge-t-il. Une question bien plus délicate qu’il n’y paraît tant surdiagnostic et surtraitement sont intrinsèquement liés.