Ignorance non, insouciance peut-être. Selon une étude inédite, dévoilée ce lundi par la Ligue contre le cancer, les adolescents redoutent le cancer et connaissent bien les facteurs de risque. Même si l’information peut encore être améliorée. Retour sur ce sondage d’Opinionway qui, à l’occasion de la semaine nationale de lutte contre le cancer, dévoile la vision du cancer des 15-18 ans*.
Une maladie qui fait peur
L’enseignement premier de ce sondage, c’est que les adolescents connaissent le cancer… et le craignent. Trois jeunes interviewés sur quatre (74 %) ont peur de cette maladie, que ça soit pour eux (48 %), pour leurs parents (68 %), ou pour des amis (29 %). Une angoisse étonnante quand on sait que l’âge médian de la survenue d’un cancer est 69 ans.
Des facteurs de risque bien identifiés…
« Je ne pensais pas que les jeunes avaient une vision aussi claire du cancer et de ses facteurs de risque », souligne Emmanuel Jammes, membre de la Ligue contre le cancer. Selon cette étude inédite, les adolescents ont bien compris les effets délétères du tabac et de l’alcool. En effet, 94 % des interviewés identifient le tabac comme cause de cancer et 80 % l’alcool. « Malgré la consommation élevée de tabac, les jeunes ont conscience de la dangerosité du produit, ce qui n’était pas le cas il y a 20 ans et qui prouve que la lutte contre le tabagisme porte ses fruits », souligne Emmanuel Jammes. Et les ados sont plus enclins que les adultes à lier alcool et cancer. « Parmi les facteurs de risque les plus importants, les ados citent en 5e position l’alcool… alors que les adultes l’évoquent en 10e position. »
En revanche, une mauvaise alimentation (67 %) et le manque d’activité physique (48 %) sont des causes minorées par ces ados.
…Mais quelques approximations
Mais l’étude révèle que deux facteurs de risque sont largement surestimés. L’hérédité d’abord : pour 76 % des interviewés, c’est un facteur important. « Alors que dans la réalité, l’hérédité joue dans 5 % des cancers », conteste Emmanuel Jammes. « C’est un peu inquiétant car ça peut déresponsabiliser : on ne peut rien y faire », s’inquiète Marie-Aude, qui a vaincu la maladie à 22 ans et aujourd’hui présidente de l’association Jeunes Solidarité Cancer.
« Dans tous les sondages sur la perception du cancer, on voit que les causes exogènes sont exagérées, nuance Emmanuel Jammes. Comme pour dire, mon cancer du poumon, c’est à cause de la pollution, pas parce que je fume. C’est plus facile de se dire que c’est la faute des autres ! » Mais pour lui, la déformation peut venir aussi des focus médiatiques. « Il y a eu uneffet Angelina Jolie. La star a en effet expliqué qu’elle était porteuse d’un gène qui augmentait le risque de cancer du sein. Mais ce gène est très rare. »
Autre facteur largement surestimé : la radioactivité, qui arrive en 2e cause avec 93 %. « Dans les médias, les jeunes entendent parler de Tchernobyl, de Fukushima, voient des images spectaculaires à la télévision qui nourrissent le fantasme. Certes, la radioactivité est fort dangereuse, mais ces adolescents ont peu de chance d’y être confrontés directement. »
Mieux connaître pour mieux réagir
Les adolescents se sentent à 53 % mal informés. Un chiffre qui cache des disparités entre ceux qui connaissent les mots chimiothérapie et ablation du sein et ceux pour qui le cancer reste un concept global et flou. « Les jeunes ont conscience des risques uniquement s’ils ont un proche qui est touché par la maladie », assure Marie-Aude, également présidente de Jeunes solidarité cancer.
Or, une meilleure information pour tous rimerait avec moins d’angoisse. Et sans doute moins de clichés et de paroles déplacées. « Quand ça nous tombe dessus, on panique alors que si on connaissait mieux ces cancers, on aurait sans doute moins peur », souligne Mathilde, 18 ans. « Quand je suis tombée malade, des proches m’ont dit : « Tu vas mourir », raconte Marie-Aude. Si mes amis avaient été mieux informés, cela aurait pu les aider, car il y a un côté anxiogène à côtoyer une malade. A l’association, on reçoit des ados démunis quand ils voient leur frère ou sœur dépérir. S’ils connaissaient les traitements, s’ils savaient que la santé peut revenir, ils vivraient mieux cette situation. »
Un enjeu de prévention
Mais l’enjeu concerne également la prévention. « C’est important de bien connaître les facteurs de risque pour se protéger le plus tôt possible, reprend Emmanuel Jammes. Car 40 % des cancers sont évitables et une bonne hygiène de vie peut éviter la survenue de la maladie, même si c’est dans 30 ans ! » Est-ce qu’une meilleure information simplifierait la prévention chez ces jeunes qui parfois multiplient les facteurs de risques : tabac, alcool, cannabis, parfois obésité ? Pas sûr. Aujourd’hui,on compte 40 % de fumeurs réguliers chez les 16-25 ans. L’étude révèle que la quasi-totalité des interviewés savent que le cancer peut toucher à tout âge. Mais Colin, 19 ans, nuance : « Le cancer, on en parle rarement entre nous. Le risque paraît beaucoup plus diffus et moins immédiat que pour les MST par exemple ».
« Les adolescents savent quels comportements éviter, mais pensent que le cancer ne les touchera pas », reconnaît Mathilde, 18 ans. « Moi je n’aurais jamais cru tomber malade !, renchérit Marie-Aude. C’est normal que les adolescents se sentent tout-puissants. La maladie leur fait peur, mais elle s’inscrit dans l’avenir. »