L’excitation sexuelle nécessite une bonne irrigation sanguine. Hélas le tabac agit de manière négative sur celle-ci de par l’atteinte vasculaire qu’il induit. La plupart des études disponibles montrent un impact négatif sur la phase d’excitation c’est à dire essentiellement l’érection et la lubrification. C’est donc surtout par ce biais que le tabac est nocif pour la sexualité à moyen terme. Cependant on sait maintenant, que de nombreuses substances contenues dans la fumée peuvent aussi avoir un impact plus immédiat avec une diminution significative de la capacité érectile, même avec une seule cigarette.
De plus, le tabagisme a aussi une influence négative sur la fertilité, favorise certaines maladies sexuelles et peut amener à une ménopause précoce.
Effets du tabagisme sur la sexualité
Le lien entre la consommation de tabac à long terme et les troubles de l’excitation (érection, lubrification) est bien connu et démontré (1,2,3). Et bien que les troubles sexuels puissent provenir de causes multiples, le tabac peut et doit être considéré comme un facteur de risque en soi, du moins en ce qui concerne la survenue d’un trouble de l’excitation. En effet, le tabagisme est un facteur de risque cardio-vasculaire reconnu (4,5). Etant donné que les troubles de l’érection ont comme principale cause organique des troubles vasculaires, on comprend que le tabac et la nicotine, de part leur effet délétère sur l’irrigation, auront un impact très négatif sur la sexualité du fumeur. Ce point commun entre les troubles érectiles et les maladies cardio-vasculaires, ainsi que les manifestations souvent plus précoces de l’atteinte des artères péniennes par rapport aux coronaires est à l’origine du concept de « symptôme sentinelle » étant donné que la dysfonction érectile pourrait être un signe avant-coureur de pathologies cardio-vasculaires plus étendues. Le trouble érectile peut ainsi apparaître plusieurs années avant les premiers signes cardiaques. Cet effet délétère du tabagisme sur l’intégrité des vaisseaux semble dépendant de la dose et de la durée de la consommation. Certaines études(6) décrivent une augmentation pouvant aller jusqu’à 40% de troubles érectiles chez les fumeurs réguliers.
Physiologie
Ce sont les vaisseaux sanguins irriguant la verge qui permettent une érection grâce à une accumulation de sang dans les tissus spongieux de l’organe érectile. Si ces artères s’obstruent, l’irrigation des tissus ne se fait plus de manière optimale et les troubles peuvent s’installer. Une perte de 25% d’afflux sanguin influence déjà la qualité de l’érection, alors que pour les artères coronaires il faut généralement plus de 50% pour que la coronaropathie se manifeste cliniquement, par exemple par une angine de poitrine. C’est ainsi que la littérature spécialisée reconnaît actuellement au trouble érectile, quel que soit l’âge, une valeur de dépistage en tant que signe d’appel en faveur d’une atteinte cardio-vasculaire latente. D’ailleurs, les médicaments les plus utilisés pour traiter la dysfonction érectile agissent en permettant un meilleurs afflux sanguin, ce qui souligne l’importance d’une bonne vascularisation comme facteur prépondérant permettant une excitation sexuelle adéquate. Chez la femme, l’atteinte vasculaire pourra aussi l’empêcher d’obtenir une excitation suffisante avec par exemple une sécheresse vaginale.
Une seule prise ponctuelle de nicotine peut affecter l’érection
Parmi les innombrables constituants actifs du tabac, la nicotine, le monoxyde de carbone, certains radicaux libres, entre autres, sont responsables d’une vasoconstriction avec un effet plus immédiat démontré par certaines études récentes.
Une consommation ponctuelle peut donc induire une baisse significative de l’érection, par exemple de l’ordre de plus de 20% de la réponse érectile chez le non fumeur!
Le tabac, un facteur de risque
La prévalence élevée de patients tabagiques parmi les patients présentant une dysfonction érectile, significativement plus élevée que dans la population générale (40% contre 28%) , parle clairement en faveur d’une corrélation nette entre le tabac et les troubles érectiles. Les études épidémiologiques suggèrent que les fumeurs pourraient être 2 fois plus à risque de présenter un trouble érectile que les non fumeurs. Ce taux est évidemment plus élevé si l’on considère aussi d’autres facteurs de risques comme par exemple le diabète.
Le tabac est nocif pour la sexualité
La plupart des études montrent comme on l’a vu une atteinte de la phase d’excitation sexuelle chez l’homme et chez la femme. Cependant l’effet négatif du tabac ne se limite pas aux troubles de l’excitation et de l’érection. Cet effet négatif se manifeste aussi en ce qui concerne la fertilité, laquelle peut être diminuée chez les fumeurs et fumeuses et peut engendrer des complications obstétricales bien connues . Il a en outre un effet anti-oestrogène qui a pour conséquence une ménopause précoce de plusieurs années. Enfin, diverses maladies comme des infections sexuelles ou la maladie de la Peyronie (une déviation du pénis), peuvent être favorisées ou aggravée par le tabac.
Conclusion
Une recommandation médicale claire d’arrêt du tabac peut donc être formulée en considérant l’impact négatif de la consommation de tabac sur la fonction sexuelle. Ceci peut être important pour motiver les consommateurs à arrêter de fumer et recouvrer une vie sexuelle et affective de qualité.
Notons en outre que les troubles sexuels, bien qu’ils ne mettent généralement pas en jeu le pronostic vital, sont des troubles plus fréquents qu’on ne le pense, avec un impact important sur la santé globale de l’individu et doivent donc être pris en charge médicalement de manière adéquate.
Article du Dr Christian Rollini, chef de clinique à la Consultation de Gynécologie Psychosomatique et de Sexologie