Dans une récente sortie médiatique inédite, commanditée pour conforter votre position dans la course au palais de la Colombe, vous aviez soutenu avoir été, sous le magistère de feu Lansana Conté, le champion de la lutte contre la corruption et qu’à aucun moment, vous n’aviez été mêlés de près ou de loin à un quelconque scandale économique ou financier que ce soit.
Cet exercice de communication lamentable et totalement raté, aurait pu passer dans l’opinion, comme lettre à la poste, sans susciter de réaction aucune, si le cynisme qu’il emprunte n’était pas aussi bouleversant ou si encore l’évidence du mensonge qu’il accouche n’était pas aussi sidérant que révoltant.
Devant les risques potentiels et réels de doute que de telles élucubrations pourraient semer dans l’opinion publique nationale et causer du tort à la vérité de l’histoire; j’ai cru qu’il était alors grand temps, par devoir de mémoire, de lever un coin de voile sur un épisode de notre passé afin d’éclairer la religion des gens, sur un homme qui aura symbolisé les crimes économiques qui ont caractérisé la gouvernance Conté pour qu’à travers ceci, le défi que vous aviez lancé à tout le monde d’apporter la preuve du contraire de vos propos soit relevé.
Monsieur Kassory Fofana,
Il y a près de deux décennies avant aujourd’hui, en 1999, pour être plus précis; la corruption, le détournement de deniers publics ainsi que plusieurs autres malversations économiques gangrenaient dans la plus haute administration publique. Pour tenter d’assainir les comptes de l’État, le Chef de l’État d’alors, feu Lansana Conté commanditait un rapport d’audit des finances publiques, rapport dit d’Hervé, réalisé par une commission dirigée par l’ancien Ministre de la Sécurité Hervé Vincent Bangoura.
Ce rapport a incriminé la gestion des finances publiques et mettait au grand jour, plusieurs crimes et délits économiques commis dans la passation des marchés publics qui vous impliquaient ainsi que plusieurs de vos proches. Des pots de vins, des commissions et rétro-commissions sont entre autres les principaux chefs d’accusation de malversations économiques savamment orchestrées. Plusieurs marchés et sociétés publics et mixtes sont épinglés comme FRIGUIA, ANAIM, ENCO5, ACGP, IMPÔT, affaire TIMBRES FISCAUX, SGS pour ne citer que ceux-là.
Seul dossier de scandale économique pendant les 24 années de règne de Lansana Conté, à connaitre une suite judiciaire, le procès ouvert a dû rapidement être interrompu, devant l’ampleur des révélations des noms des responsables comme vous Kassory Fofana, Facinet Fofana…
L’autre fait aura été, lorsqu’il s’est agi de la couverture médiatique de ces affaires, la presse qui a couvert ces événements, a fait les frais d’une véritable chasse aux sorcières contraire à toutes les règles de la liberté de la presse. Le journal »L’Indépendant » a subi, pour avoir publié le rapport Hervé dans l’un de ses numéros, des représailles sans précédent dans l’histoire de la presse guinéenne. Le journal a vu, sans aucune forme d’explication, ses locaux cadenacés et plusieurs de ses responsables poursuivis et emprisonnés sous les soins du Ministre de l’Économie et des Finances, Ibrahima Kassory Fofana. Le journaliste Saliou Samb auteur de la publication du rapport a été enlevé, séquestré et expulsé nuitamment sur Accra(Ghana). Pire, l’ancien ministre Hervé a même été violemment interpellé à son domicile par les sbires de Sékou Koureissy Condé alors Ministre de la sécurité agissant sous les ordres du tout puissant dignitaire que vous étiez à l’époque déjà.
Monsieur Kassory Fofana,
Certes les guinéens sont tolérants par rapport à certaines délinquances qui ont caractérisé la gestion de beaucoup de cadres, mais ils ne sont pas amnésiques et au point d’oublier le passif de votre exercice. Ne poussez pas l’indécence verbale à son comble en insultant l’intelligence de l’opinion. Dans votre quête et conquête forcées de la primature aux allures de campagne électorale, tentez de vous acheter une nouvelle virginité ailleurs, pas sur le terrain de la lutte contre la corruption, puisque les casseroles que vous y traînez feront beaucoup de bruit.
En attendant votre prochaine sortie sur ce terrain pour que je publie les documents y afférant et étayant tous mes propos, exercez-vous à changer de discours dans le débat national.
Par Kalil Camara, juriste