Les professionnels de l’information du monde et leurs partenaires bilatéraux et multilatéraux, célèbrent le 3 mai de chaque année la journée internationale de la liberté de la presse.
Ils mettent cette journée à profit en vue de jauger le niveau d’ancrage juridique et institutionnel de la liberté de la presse dans le seul but de procéder à des réajustements si nécessaires quant à la protection de la liberté de la presse et d’expression dans le monde.
Le thème retenu pour cette année 2018 est ‘’Media, Justice et Etat de droit, les Contrepoids du pouvoir’’. Ce thème est assez évocateur de l’ampleur et de la profondeur de la tâche des professionnels de l’information du monde dans la promotion et la défense de la démocratie et de l’Etat de droit. Mais qu’en est-il en Guinée, au regard de la portée de cette trilogie ?
Certes, aucun journaliste n’est en prison en Guinée, aucun journaliste, même le plus maladroit, n’est encore inquiété, ni emprisonné, bénéficie même de la clémence des pouvoirs publics et du secteur privé. Même quand ces derniers sont injustement mis en cause dans certains dossiers. Cependant, la précarité, dans laquelle baignent ces entreprises de presse, les rend vulnérables en les transformant en des proies faciles pour les prédateurs de la liberté de la presse, notamment les cadres corrompus et opérateurs économiques indélicats.
Ainsi cet environnement ne contribue à l’émergence d’entreprises de presse économiquement et financièrement viables tout en fragilisant leur rôle de sentinelle de la démocratie et de l’Etat de droit. Cet environnement est divers et varié suivant la diversité du secteur de l’information du pays.
Par exemple, la presse écrite est confrontée au manque de messagerie de la presse, d’imprimerie, souffre de la cherté des intrants entrant dans la fabrication du journal, du manque d’annonceurs ainsi que de l’arrivée massive de jeunes journalistes fraichement sortis des universités publiques, privées et de journalistes peu responsables et corrompus, prosaïquement appelés journalistes alimentaires..
Quant à l’audiovisuel privé ; en plus de ces maux suscités, il ploie sous le poids du laxisme des acteurs de ce secteur et de la frivolité du cadre réglementaire régissant le domaine, sur fond de concurrence déloyale longtemps, restée impunie,.
L’explosion de sites internet d’informations générales, empire cette situation, loin d’être reluisante.
Quant à la justice, elle se débat dans d’inextricables difficultés liées à l’inadéquation entre les besoins du secteur et les ressources disponibles.
Certes, l’Etat et son partenaire bilatéral en l’occurrence l’Union Européenne, à travers le Projet d’Appui à la Reforme de la Justice (PARJU), ont amélioré les conditions de vie et de travail des magistrats. Mais le manque d’audace du pouvoir judiciaire dans la prise d’initiative dans le strict respect de la Constitution et des Lois du pays, compromet dangereusement, l’efficacité des acteurs de cette institution.
De même la structuration des partis politiques sur la base régionaliste et ethnique fausse leur rôle d’acteurs majeurs dans la structuration et la professionnalisation du débat politique, débridé par la méconnaissance de la Constitution et des Lois du pays par les responsables de ces formations politiques de même que les citoyens par le manque d’éducation civique au sein des états majors de ces partis politiques.
La société civile guinéenne ; quant à elle, elle est engluée dans ses dissensions internes, effluves de conflits d’intérêt, loin des préoccupations des citoyens devenus amnésiques.
Rien de cela n’aurait été possible sans la faiblesse des instances de l’Etat qui est le terreau fertile à l’effritement de ces contrepoids du pouvoir, car comme le rappelait le Général Charles De gaule ‘’ la faiblesse de l’Etat est une menace pour la stabilité et l’unité du pays’’.
Au regard du postulat suscité, les efforts louables du Gouvernement et de ses divers partenaires au développement ont été consentis pour hisser notre pays au diapason des pays épris de paix, de justice et prospère, mais la violation récurrente de la Constitution, des Lois, des Pactes et Traités internationaux dont notre pays est Etat partie par les autorités de la troisième de la République, les acteurs politiques et sociaux du pays, anémie la Démocratie et l’Etat de droit en Guinée.
Par conséquent, en Guinée, aucun pouvoir n’arrête l’autre. Souvent l’exécutif et le législatif se coalisent contre le pouvoir judiciaire. La mise en place du fameux comité de suivi en est l’illustration la plus parfaite. Alors que les Lois ne devraient pas être la toile d’Araignée qui n’arrêterait que les faibles comme le conseillait Socrate, philosophe grec de l’Antiquité. En tout état de cause, la force doit rester à la Loi.
La Guinée est ainsi loin du compte, l’introspection devrait être menée pour que ces entités suscitées jouent pleinement leur partition dans le meilleur ancrage juridique et institutionnel de la Démocratie et de l’Etat de droit, toujours en chantier en Guinée et c’est à juste raison que Blaise Pascal disait que ‘’l’Homme, c’est la pensée’’. ‘’Media, Justice et l’Etat de droit’’ sont-ils les contrepoids du pouvoir en Guinée ?
Avec la volonté politique affichée ces derniers temps par le Président de la République, la détermination d’une frange de la société civile et la participation active du Ministre d’Etat, Ministre Conseiller Personnel du Chef de l’Etat, Tibou Kamara, dans la résolution des crises, augurent de lendemains meilleurs quant à l’atteinte de tel objectif, de voir les média, la Justice et les citoyens devenir un jour les contrepoids du pouvoir en Guinée.
La dégringolade de notre pays de la 100e à la 104e place selon le dernier classement 2018 de l’ONG internationale ‘’Reporters Sans Frontières’’ sur l’état de la liberté de la presse dans le monde, est assez illustrative de cette triste réalité et interpelle tous, décideurs, partenaires au développement et médias.
Moussa Iboun CONTE