Dans un entretien réalisé par notre rédaction ce samedi 26 mai 2018, Asmaou Diallo, présidente de l’Association des Victimes, Parents et Amis du massacre enregistré au stade du 28 septembre en 2009, parle de la mise en place du comité de pilotage pour la tenue du procès sur ces évènements.
Elle a aussi parlé de la nomination de Kassory Fofona, au poste de Premier ministre.
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Mosaiqueguinee.com : dites-nous où en est-on avec la mise en place du comité promis par le gouvernement pour la tenue du procès ?
Asmaou Diallo : c’est un comité de pilotage qui avait été annoncé pour l’organisation du procès du 28 septembre. Et actuellement, tout le monde sait que le gouvernement n’a pas encore mis en place ce comité. 0n attend de voir si toutefois le gouvernement qui sera mis en place va commencer à travailler sur ce programme. On n’a pas parlé avec le ministre de la Justice sortant qui devait présider ce comité, et ceux des institutions qui devaient être membres de ce comité. Notamment ceux du Haut Commissariat des Droits de l’Homme, l’Union Européenne, l’Ambassade des Etats-Unis, la police et la gendarmerie au niveau du gouvernement.
Au niveau de la société civile, c’est une personne qui va être sollicitée, mais pour l’instant les plateformes de la société civile n’ont pas encore désigné une personne. Et c’est une inquiétude pour nous. Nous ne voulons pas que la personne qui doit être désignée suscite la contestation au sein de la société civile. Quand le gouvernement sera mis en place, on va savoir si le ministère de la justice va prendre immédiatement ce problème en main, on ne le sait pas d’abord.
L’arrivée de Kassory Fofana à la primature vous inspire-t-elle la confiance pour la tenue d’un procès ?
Je ne peux rien vous dire par rapport à l’arrivée d’Ibrahima Kassory Fofana, ce sont les actes qui comptent chez moi. Il était avec le gouvernement sortant, mais il n’avait pas une responsabilité élargie, donc je ne peux pas le juger. Il vient de prendre fonction, on saura ce qu’il peut faire pour la justice et le développement du pays, on saura s’il est libre ou pas. Kassory Fofana doit avoir une totale liberté d’exercer ses décisions. Bref, il doit aider le peuple de Guinée à avancer et on va le suivre.
Ne craignez-vous pas que le gouvernement ne prenne pas l’affaire du 28 septembre comme une priorité ?
Je suis d’avis qu’il y a des crises que le pays traverse. Mais qu’est ce qui a causé ces crises ? C’est parce que le passé n’a pas été soigné. Mais je pense que si on arrive vraiment à prendre le cas du 28 septembre, un dossier qui est déjà sur la table, on comprendra que la Guinée a la volonté de lutter contre l’impunité. Pour nous les victimes, il faut que ce procès ait lieu, c’est nous qui souffrons et il faut que l’Etat permette cela. La justice aussi doit être forte pour en faire une priorité.
Dites-nous quels sont vos rapports avec la Cour Pénale Internationale qui est très proche du dossier ?
La CPI est toujours présente en Guinée pour suivre les actions de la justice guinéenne, par rapport au dossier du 28 septembre. Depuis ces évènements douloureux, on a eu 15 délégations de la CPI , et 15 visites de la CPI en Guinée. A chaque fois qu’elle arrive, elle trouve que vraiment le dossier avance, même si ça n’avance pas comme nous les victimes nous le souhaitons.
Il y a quand même des bonnes traces qui ont permis la clôture de l’instruction. Après la clôture de cette instruction, la CPI est venue pour l’étape de la mise en place du comité de pilotage pour l’organisation du procès. On estime que la participation de la CPI et celle des Nations –Unis, de la FIDH, OGDH, et les autres qui nous accompagnent, a beaucoup porté fruit. Maintenant, quand le comité de pilotage va siéger, il va nous dire la date d’ouverture du procès.
Pensez-vous qu’il faut ouvrir ce procès en Guinée ou à la Cour Pénale Internationale ?
Nous les victimes, nous souhaitons que ce procès se passe en Guinée. Parce que les ténors sont là, et les actes criminels se sont passés en Guinée. Si les Guinéens arrivent à suivre ce procès, ils seront édifiés, et on pourra éradiquer l’impunité en Guinée. Et si on envoie ce procès à la CPI, on ne pourra pas faire participer tout le monde. C’est seulement les grandes personnalités impliquées dans les crimes qui seront jugés et les autres seront libres. Toutefois, si la Guinée montre un manque de volonté total, là on sera obligé de demander à la CPI de prendre le dossier.
Parlez-nous de l’assistance dont bénéficient les victimes en Guinée ?
Nous souffrons énormément, en Guinée on a eu au début une aide avec la fondation BEA DIALLO , il a financé 20 élèves pour leur écolage au cours d’une année. Mais ça s’est arrêté là. Après cela, Cellou Dalein Diallo a mis sa fondation en place et cette fondation avait commencé à collaborer, mais j’avoue que ça ne continuait pas. L’aide de la fondation Cellou Dalein nous demandait d’envoyer des gens malades pour des soins. Parce que notre fonds de torture de Genève du Haut-Commissariat des Nations Unis était épuisé, on n’avait pas les moyens de continuer les soins pour les femmes victimes.
On a donc envoyé des femmes au niveau de cette fondation de Cellou Dalein, mais cela aussi s’est arrêté. En 2013, lorsqu’on a eu un financement du Haut-Commissariat des Nations -Unis pour l’écolage des enfants qui ne pouvaient pas atteindre l’année, la fondation de Cellou Dalein a payé la scolarité de 6 enfants pour combler. C’est seulement ce que la fondation Cellou Dalein a apporté.
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Interview réalisée par Saidou Barry