Cercle vicieux
Il est quinquagénaire. Fumeur invétéré, il grille cigarette sur cigarette depuis 40 ans . Il ne conçoit pas la vie sans tabac. Pour lui, le plaisir de fumer est plus cher que tout. Sevrage ? Cette idée n’a jamais effleuré son esprit. Pourtant à maintes reprises il a fait des descentes aux enfers. Des périodes continues d’hospitalisation, il les a connues. Des moments entre la vie et la mort aussi. Bref, c’est un survivant qui persiste et signe. Mais pour combien de temps ? Là est la question. Pour lui la cigarette est signe de liberté. Mais quelle liberté ? Celle de faire de sa vie comme bon lui semble. De profiter de l’instant présent où il communique avec sa clope. Celle aussi de se sentir comme un roi durant ce laps de temps… Cet instant d’évasion. Un téméraire diriez-vous ? Plutôt un esprit tordu. Combien sont-ils à être dans la même situation ? Pris entre le marteau et l’enclume. Que le tabac a pourri leur vie et celle de leur environnement immédiat. Abdi, c’est bien de lui qu’il s’agit, n’est pas un cas isolé. Loin de là. L’addiction au tabac est un cercle vicieux qu’on ne peut sortir facilement. De la première bouffée de cigarette, qui intervient souvent durant l’adolescence, à l’accoutumance qui s’installe dans la durée, on est ensuite pris dans un sacré engrenage. Si ailleurs dans le monde développé les campagnes et les lois draconiennes qui ont été mises en place, ont drastiquement freiné, sinon réduit le tabagisme, notre continent paie le plus lourd tribut. Et notre pays ne fait pas exception à la règle.
En cette journée du 31 mai où l’OMS célèbre la journée mondiale sans tabac, qu’en est-il de Djibouti et la lutte contre le tabagisme? Sans exagérer, on peut dire que cette guerre est perdue d’avance. Tellement que le tabagisme se propage au sein de notre société de manière fulgurante. Mais d’abord, avons-nous livré bataille ? Personnellement je ne le pense pas. Dans les lieux publics, les transports en commun, et même dans les lieux de travail, le tabagisme est omniprésent. Il semble que nous autres non fumeurs composant quotidiennement avec cette atmosphère enfumée. Cahin caha. Dans l’indifférence totale des consommateurs de ce produit nuisible qui, sans gêne, nous exposent à leurs pratiques mortifères. Pourtant, en 2007 une loi a été promulguée. Celle-ci interdisait entre autres de fumer dans lieux affectés à un usage collectif et de faire une publicité pour le tabac. Cette loi est-elle tombée en désuétude. Allez savoir !
La lutte contre le tabagisme n’est pas seulement du ressort du ministère de la santé. Au contraire, ce sont les efforts conjugués de tout un chacun qui vont donner des fruits.
S’il y a de cela quelques années, un véritable programme de lutte contre le tabac existait, et grâce notamment au combat d’une femme qui s’appelait Samira Ali Hugo, qui était sur tous les fronts dans la lutte contre le tabagisme, de nos jours, il semble que la question n’est plus d’actualité. Alors pour sauver nos jeunes contre ce fléau, à l’occasion de cette journée mondiale sans tabac, faisons un vœu : celui de voir tous les djiboutiens unis pour mener un combat commun contre l’usage du tabac sous toutes ses formes.
Kenedid Ibrahim