C’est une mère de famille, une sœur et une politique affligée que Mediaguinee a jointe samedi à New York. Madame Sanoh Doussou Condé, activiste guinéenne en Amérique du Nord, qui a été une proche parmi les proches de feu Kèlèfa Sall, ancien président de la Cour constitutionnelle est aujourd’hui une femme révoltée. Elle dit que la mort de Kèlèfa Sall a été occasionnée par la mouvance qui l’a persécuté, l’opposition qui l’a abandonné à son sort et les magistrats qui l’ont trahi en faisant allégeance à son successeur. Réaction…
Nous l’avons tué…
« Je suis triste, je suis affectée, je suis brisée, c’est mon frère. Monsieur Kèlèfa Sall correspondait chez mon beau-frère à Lille, la petite cité du port, monsieur Mohamed Lamine Sacko, ancien ministre du gouvernement et à l’époque commandant de la marine nationale et aide de camp de feu président Ahmed Sékou Touré. J’ai grandi et trouvé monsieur Kèlèfa Sall là-bas, alors étudiant comme moi. Il était tout le temps en train de lire, finalement on l’appelait intellectuel. Il était tout le temps détaché, en train de lire son bouquin, joyeux, calme et serein, on avait tous peur de lui parce qu’il ne riait pas avec nous. Il était très sérieux. Ce que je retiens de lui, il aimait lire, il aimait apprendre. Nous venons de perdre un grand intellectuel sans ambages, homme de parole, un mari, un père de famille et un frère, il était mon frère, à ce point que pendant ses problèmes, il me contactait. Mes condoléances les plus attristées à toute la République de Guinée, à toute cette jeunesse battante, surtout à elle, parce que nous nous l’avions abandonné. Nous l’avions abandonné et nous l’avions persécuté. Vous allez me demander comment ? Je vais vous expliquer. Monsieur Kèlèfa Sall, nous connaissons que son crime a été de prononcer pendant la prestation de serment de Monsieur Alpha Condé en 2015, comme s’il savait, c’était un grand visionnaire par rapport à ce que nous vivons aujourd’hui, il lui avait demandé que c’est le deuxième et le dernier mandat de monsieur Alpha Condé et qui pensait autrement avec tous ces courtisans qui l’entourent aujourd’hui. Ceci dit, il a tenu parole, il a maintenu sa position, la mouvance l’a persécuté, l’arme au ventre. Nous de l’opposition sociale et politique, tout ce que vous imaginez, nous avions crié sur les toits : ‘’on ne doit pas le toucher, si on le touche nous allons faire ceci, nous allons faire cela’’. Et finalement nous l’avons abandonné. C’est dire que et la mouvance et le manque de la poursuite du combat de tous ceux qui l’ont soutenu, parce qu’il est mort pour nous, il est mort pour la démocratie, il est mort en défendant notre jeune démocratie en disant niet à un troisième mandat, c’est ça la vérité.
‘’C’est moi qui l’ai appelé pour lui dire de refuser d’assister à la passation de service’’
Donc si nous l’avions rassuré que nous étions derrière lui, mais ‘’on va faire ceci on va faire cela’’, d’accord, après qu’il soit démis de ses fonctions et de tous ses droits, ils l’ont humilié, la mouvance l’a humilié, il est resté seul, c’est ça la vérité. Donc aujourd’hui moi je ne condamne pas seulement le président Alpha Condé et ses courtisans, mais je me condamne moi-même et je condamne tous ceux qui ont promis de le supporter dans ses droits, nous avons failli à notre mission. Et je suis persuadée qu’il est mort de déception. Je vais vous dire combien de fois j’ai été cette sœur de Kèlèfa. C’est moi qui l’ai appelé pour lui dire de refuser d’assister à la passation de service, parce que selon moi assister à cela, c’est comme s’il a donné raison au régime Alpha Condé. Donc je lui ai dit : ‘’ne va pas à la passation, tu restes et demeures le président de la Cour constitutionnelle. Si tu fais la passation, tu as donné raison à monsieur Alpha Condé et à tous ceux-là qui sont en train de te harceler, de te brimer, de t’humilier. Il a été humilié, il a été brimé, il a été dépossédé de tous ses droits et ça l’a tué. Nous l’avons tué. Je sais de quoi je parle.
‘’Kèlèfa Sall a été fui, nous l’avons fui’’
Moi je suis différente de ceux-là qui parlent pour faire plaisir, je parle entre Dieu et moi, parce que je sais que je suis mortelle. Ceux qui l’ont humilié-là, le pouvoir d’Alpha Condé, ils le rejoindront un à un un jour, y compris moi. Nous qui l’avons abandonné-là sans poursuivre notre combat, nous le rejoindrons et le procès divin aura lieu. Lui, monsieur Kèlèfa Sall a été fui, nous l’avons fui, c’est ça la vérité.
Au mois de février dernier, il était aux États-Unis, il est venu voir sa famille à Philadelphie. Il m’a appelée. Dès qu’il est arrivé de Conakry, il me disait qu’il venait en vacances. J’ai dit : ‘’ oui, madame est à Philadelphie ! » Il me répond : ‘’oui’’. Ceci dit, dès qu’il est arrivé il m’a appelée, je l’ai rappelé, on parlait tous les jours. Je dis : ‘’bon, Tièba, laisse-moi venir te rencontrer’’. Je dis : ‘’je vais venir il y a longtemps on ne s’est pas vus’’. Il me dit : ‘’oui, j’arrive à New-York. Une fois à New-York, mes enfants vont me faire promener-là, je vais te rencontrer’’. On parlait tous les soirs. Et j’ai passé son numéro à beaucoup de jeunes comme le jeune coordinateur du FNDC des États-Unis, monsieur Souleymane Condé qui peut témoigner. Il parlait avec lui, beaucoup de gens, je les ai appelés de partout, je leur ai dit : ‘’Me Kèlèfa Sall est là pour qu’il sache que nous le soutenons malgré les mensonges et la distance’’. Il est venu à New-York effectivement, il dit : ‘’il faut que je vienne voir mon beau [le mari de Doussou]’’. Il est arrivé, ça s’est passé comme cela. J’ai vu quelqu’un de très simple, c’était incroyable. On a parlé la semaine dernière, j’ai parlé avec Kèlèfa le lundi dernier. Je l’ai appelé sur son viber, on avons rigolé. Il me dit : ‘’tu fais quoi ? Je dis : ‘’mais incroyable, tu as peur parce qu’on commence à kidnapper les gens maintenant ? On vient de kidnapper Kaba Baro [un influent homme de l’ombre du régime], ils sont allés dévaliser leur Libanais richissime-là, on risque de donner ta photo à ces gens-là [les bandits]’’. Il a rigolé, on a rigolé : Il m’a dit : ‘’inin Allah tè ?’’ J’ai dit : ‘’issi, idâyen’’. C’est un homme gai, chaque fois que moi j’étais sur les nerfs, quand je lui dis : ‘’mais il faut réagir, ils sont en train de mentir sur toi’’. Il dit : ‘’est-ce que tu crois en Dieu Doussou ?’’ J’ai dit oui. Il dit : ‘’laisse Dieu faire les choses’’. C’est dire que puisque ça leur plaît de tuer, la mort va quitter notre camp pour aller dans leur camp. Le bal est ouvert. Monsieur Kèlèfa, notre héros national est tombé un samedi. Je demande aux Guinéens de suivre maintenant le reste. La surprise sera légendaire. Ils paieront, inch’Allah ils paieront.
‘’Nous l’avons tous trahi, il n’a pas besoin d’hommage et de machin national, ça suffit ! C’est notre héros, il est mort l’arme à la main’’
Je remercie tout le monde. J’adresse mes condoléances à la jeunesse guinéenne, à toutes ces personnes qui ont aimé et respecté Kèlèfa Sall, surtout à sa famille éplorée, parce que même les magistrats l’ont trahi. Personne ne l’a aidé. Monsieur Kèlèfa Sall a été un monument pour l’organisation structurelle des magistrats guinéens. Son apport à la justice est immense. Il a été trahi par les magistrats qui ont préféré aller celui-là qui a été nommé par M. Kèlèfa Sall. Je demanderais à la famille de M. Kèlèfa, qu’elle refuse tous ces défilés moribonds de ceux-là qui l’ont trahi. Parce qu’ils vont commencer à défiler, à aller faire des images lâches, pourtant ils l’ont tous trahi, pourtant ils l’ont amené à la mort. Que sa famille refuse ça. Nous l’avons tous trahi, il n’a pas besoin d’hommage et de machin national, ça suffit. C’est notre héros, il est mort l’arme à la main et la lutte continue. »