AFRIQUE POLITIQUE
Gabon : arrestation de Brice Laccruche Alihanga, l’ex-tout-puissant directeur de cabinet d’Ali Bongo
Le Franco-Gabonais a été interpellé dans le cadre d’une vaste opération anticorruption, de même que les ministres de l’énergie et du pétrole, considérés comme ses proches.
Partager sur FacebookEnvoyer par e-mailPartager sur WhatsappPlus d’optionsLe président gabonais, Ali Bongo, et son ancien directeur de cabinet, Brice Laccruche Alihanga, à Libreville, le 25 février 2019. – / AFP
La vaste opération anticorruption lancée récemment au Gabon contre l’entourage du Franco-Gabonais Brice Laccruche Alihanga a rattrapé l’ancien tout-puissant directeur de cabinet du président Ali Bongo Ondimba, interpellé mardi 3 décembre.
Celui qui, il y a encore quelques semaines, avait considérablement irrité une bonne partie des caciques du pouvoir en menant, en l’absence de M. Bongo, convalescent après un accident vasculaire cérébral (AVC), une tonitruante « tournée républicaine » dans tout le pays, avait été écarté de la présidence début novembre, après une manifeste amélioration de la santé et une reprise en main du pouvoir par le chef de l’Etat ou son entourage proche, selon les analystes.
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Invisible depuis, à la tête d’un ministère sans réel pouvoir et après qu’une bonne dizaine de personnalités proches de lui ont été arrêtées, longuement interrogées par les enquêteurs puis, pour treize d’entre elles, incarcérées, M. Laccruche Alihanga « a été interpellé ce matin à son domicile », de même que deux ministres considérés comme ses proches et, comme lui, limogés du gouvernement lundi soir, a déclaré à l’AFP, mardi, le procureur André Patrick Roponat. Il s’agit de Tony Ondo Mba, ex-ministre de l’énergie, et Noël Mboumba, ex-ministre du pétrole.
« Les trois hommes ont été abondamment cités par des personnes actuellement en détention dans des faits de détournements de deniers publics, de concussion et de blanchiment de capitaux », a ajouté le magistrat. C’est « une plainte de l’agence judiciaire, qui est une agence de l’Etat, qui a conduit à ces interpellations », a tenu à préciser le procureur.
Son frère « est toujours en garde à vue »
Directeur de cabinet depuis plus de deux ans, M. Laccruche Alihanga, 39 ans, était devenu l’homme fort du pouvoir depuis que M. Bongo, chef de l’Etat depuis dix ans, avait été affaibli par un AVC en octobre 2018, avant d’être longtemps en convalescence à l’étranger, puis au Gabon.
M. Laccruche Alihanga avait été limogé à la surprise générale début novembre de son poste de directeur de cabinet du président, avant d’être nommé dans la foulée à la tête d’un mystérieux ministère « chargé du suivi de la stratégie des investissements humains et des objectifs de développement durable ». Il a perdu son portefeuille dans un remaniement, lundi soir, qui a remis en selle des ministres eux-mêmes limogés lors des incessantes refontes du gouvernement survenues lorsque M. Laccruche Alihanga dirigeait le cabinet d’Ali Bongo.
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De nombreuses personnalités proches de M. Laccruche Alihanga ont été la cible, ces dernières semaines, d’une vaste opération anticorruption qui a déjà conduit une dizaine d’entre elles en détention préventive. M. Laccruche Alihanga « est actuellement entendu » par les enquêteurs, a précisé le procureur.
« En tout, et sans compter les interpellations de ce matin, il y a bien eu treize personnes placées sous mandat de dépôt » depuis le début de l’opération anticorruption, a ajouté le magistrat. « Deux sont en liberté provisoire, six ont été mises hors de cause » et le propre frère de l’ex-directeur de cabinet, Grégory Laccruche, maire d’Akanda, une commune limitrophe de Libreville, « est toujours en garde à vue », selon M. Roponat.
Des proches placés à des postes clés
Depuis quelques semaines, alors que M. Bongo, après sa longue absence de la scène politique, multipliait les apparitions, certaines voix au sein de la majorité présidentielle, longtemps restées muettes, avaient commencé à critiquer l’ascension fulgurante de M. Laccruche Alihanga, ainsi que le placement de ses proches à des postes clés. Lundi soir, le premier ministre Julien Nkoghe Bekale a souligné au nom du chef de l’Etat, en annonçant son nouveau gouvernement, l’importance de s’entourer d’« hommes et de femmes alliant compétence, expérience, intégrité et loyauté ».
Selon le journal pro-gouvernemental L’Union, le ministre déchu de l’énergie, Tony Ondo Mba, avait été employé par la Dupont Consulting Company, une entreprise privée administrée par Gregory Laccruche et visée par l’opération anticorruption lancée mi-novembre. Cette vaste enquête a conduit à l’incarcération notamment de Patrichi Tanasa, administrateur-directeur général de l’entreprise publique Gabon Oil Company (GOC), également proche de M. Laccruche. Selon L’Union, en deux ans, 85 milliards de francs CFA (129 millions d’euros) se sont « volatilisés ».
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Ike Ngouoni, porte-parole de la présidence et considéré comme le bras droit de M. Laccruche, a été placé en détention provisoire depuis vendredi pour des accusations sans rapport avec l’affaire liant GOC à Dupont Consulting Company, affirme son avocate, Carole Moussavou. Plusieurs responsables des renseignements et de l’appareil sécuritaire, proches de M. Laccruche, ont également été remplacés ces dernières semaines. Des avocats des mis en cause ont dénoncé une « vendetta politique », le premier ministre rétorquant qu’il ne s’agissait « ni d’une chasse aux sorcières, ni d’un règlement de comptes ».