Dossier – Refus de visa Schengen aux Guinéens : ces statistiques qui font froid dans le dos
Au fil des ans, l’obtention d’un visa de manière générale, et plus singulièrement celui de l’espace Schengen devient un véritable casse-tête chinois pour de nombreux guinéens, qui caressent le rêve de se rendre en Europe pour diverses raisons. Pas seulement pour céder au miroir aux alouettes. Ainsi, des statistiques fournies à par le service des communications de Schengenvisainfo.com font état de 14 235 demandes de visas refusées à des Guinéens en 2018 contre 18 325 en 2017.
Votre quotidien électronique a tenté de comprendre ce qui motiverait ces nombreux refus de ce sésame à la plupart de nos compatriotes, par des ambassades de l’espace Schengen, au moment où la question de l’immigration irrégulière agite les débats au sein de l’Union européenne.
Le durcissement des conditions de délivrance de visas par les pays membres de l’espace Schengen, devenu de nos jours une réalité, n’affecte pas que de potentiels demandeurs d’asile. C’est du moins ce que notre reporter a permis de découvrir dans cette immersion dans l’univers « impitoyable » des visas.
Dorénavant, les victimes de refus de visa se comptent toutes les corporations, à savoir des étudiants, des hommes d’affaires, des touristes ordinaires, des artistes et même des malades.
Comme pour dire que le fait de disposer de dossiers complets et bien ficelés ne vous met pas à l’abri d’un refus de visa.
Et pour contourner ces consulats prompts à ne pas délivrer le visa à de nombreux demandeurs guinéens, certains candidats au départ ne se triturent plus les méninges. Sachant que tous les chemins mènent à Rome, comme le dit le proverbe, ils empruntent le chemin du désert, pour affronter ensuite la méditerranée. Avec tous les risques que cela comporte.
Ces statistiques officielles hallucinantes
Selon les dernières statistiques fournies à Guinéenews par Granit Sadiku, éditeur et gestionnaire des communications de Schengenvisainfo.com, 14 235 demandes de visas de Guinéens ont été refusées en 2018 contre 18 325 en 2017. En 2016, 14 045 demandes de visa ont été rejetées contre 6 110 en 2015. Entre 2009 et 2014, en moyenne, 6000 demandes de visa par an n’ont pas été acceptées dans les ambassades des pays de l’Union Européenne accrédités à Conakry.
Ces chiffres qui suivent une courbe ascendante, montrent clairement comment les Guinéens seraient de plus en plus lésés dans ce processus de délivrance de visa, en Afrique subsaharienne. Surtout pour ceux qui veulent se rendre en France, en Belgique, en Italie, en Allemagne, particulièrement. Et, parfois, cela s’applique quelle que soit la raison de la demande.
Du côté du consulat belge, 1 125 demandes de visa ont été rejetées en 2018 contre 900 et 925 en 2017 et 2016, respectivement. En ce qui concerne la France, 6 935 demandes de visa ont été refusées en 2018 contre 4 295 en 2017. En 2017, l’Italie a refusé, quant à elle, 7 820 demandes de visa contre 1 570 en 2018.
Le fort taux de jeunes guinéens qui échouent sur les côtes méditerranéennes, en tentant la traversée et ceux qui parviennent à franchir le cordon de fer, au péril de leurs vies, en quête de « l’Eldorado », a écorné l’image de la Guinée aux yeux de l’Union Européenne. Cela est évident et se ressent sur la restriction observée dans l’octroi des visas à nos compatriotes dans les consulats.
Car il faut le souligner, notre pays est en tête des nationalités des plus grands demandeurs d’asile dans les pays de l’Europe, après l’Afghanistan qui est pourtant en guerre depuis plusieurs années. A cela, il faut ajouter aussi ces personnes ayant bénéficié de visa pour se rendre en Europe, mais qui ne respectent pas les délais de séjour. Du coup, au terme de leur séjour, se retrouvent sans ressources, avant de faire recours aux services sociaux des pays qui les accueillent.
« En 2018, les citoyens de cet Etat d’Afrique de Ouest (Guinée), ancienne colonie française se sont hissés au deuxième rang de la demande d’asile en France, derrière l’Afghanistan, avec 8 433 demandes de protection. Les Guinéens représentent aussi la première nationalité parmi les mineurs non accompagnés, soit près du tiers d’entre eux, avec 5 227 mesures de protection en 2018. En France, cette communauté pèse encore peu, avec 45 000 ressortissants détenteurs de titre de séjour. C’est désormais la première nationalité détectée aux frontières terrestres », rapporte la commissaire Audrey Roux, chef du pôle national d’analyse migratoire à la direction centrale de la police aux frontières.
Contacté à plusieurs reprises par Guinéenews pour connaître ce qui motiverait le nombre élevé de refus de visa aux Guinéens, observé ces dernières années, le conseiller politique de l’Ambassade de France en Guinée, Jean-François Robert n’a voulu faire aucun commentaire. Idem qu’au niveau des consulats des ambassades d’Allemagne et d’Italie accréditées en Guinée.
Mais sur le plan général, M. Granit explique ce refus selon sa compréhension, par le manque suffisant de ressources financières pour subvenir aux besoins du demandeur dans les pays hôtes, le manque de liens solides des candidats dans les pays de résidence, etc.
« Une demande de visa peut être refusée parce que le consul ne dispose pas de toutes les informations nécessaires pour déterminer si le demandeur est habilité à recevoir un visa ou pas ; car, à ses yeux, le demandeur ne remplit pas les conditions de visa pour lesquelles il a demandé, ou parce que les informations examinées indiquent que le demandeur échoue dans la réponse du consul. L’autre raison est le manque de ressources économiques et financières », indique le gestionnaire des communications de Schengenvisainfo à Guinéenews
Y-a-t-il un lien entre le flux élevé de refus de visa et l’immigration clandestine ?
Avec le taux assez élevé de refus de visa souvent sans raison valable dont sont victimes de nombreux guinéens, certains candidats finissent par choisir l’option de la méditerranée, bien que risquée et mortifère. En effet, tous les demandeurs de visa ne sont pas de vulgaires migrants à la recherche d’une vie meilleure à l’étranger. Parmi eux, il y a des personnes qui y vont par exemple pour rejoindre leurs conjoints. Mais par manque de visa, après plusieurs tentatives infructueuses, quand bien même qu’elles remplissent les conditions. Elles se livrent donc à ce périlleux voyage via la Méditerranée.
D’autres personnes qui font la demande de visa, voudraient simplement aller poursuivre des études approfondies, en vue de parfaire leurs connaissances et revenir servir leur pays qui en a tant besoin.
« Ces dispositions de refus de visa ne sont certes pas à la base de ces flux migratoires par la mer, mais elles sont la conséquence pour beaucoup d’entre eux. Elles poussent d’autres à ne même pas tenter une demande de visa, mais plutôt à se lancer directement dans cette aventure où parfois on n’a même pas besoin de passeport, jusqu’à la destination finale, peut être une carte d’identité et surtout de l’argent, peuvent suffire. Ce ne sont pas les plus pauvres qui se lancent dans ce voyage par la mer, car son financement dépasserait parfois de loin le coût d’une demande de visa, plus le billet d’avion business classe et les frais de séjour demandés par les différents consulats », révèle un expert en Immigration, qui a requis l’anonymat.
Et d’après toujours cet expert qui s’est confié à notre reporter, « une personne qui entre irrégulièrement dans ces pays occidentaux, a plus de chance de s’y éterniser, à moins qu’on ne la rapatrie, qu’une autre qui entre régulièrement avec des motifs valables, pour pouvoir y retourner plus tard pour d’autres motifs. »
Un haut cadre de l’administration guinéenne qui a aussi préférer garder l’anonymat, a fait savoir que ‘’plusieurs raisons expliquent ce taux élevé de refus de visa aux Guinéens et à leurs autorités’’. Il cite entre autres « les factures impayées des hôpitaux dans les pays hôtes; le dépassement du délai de séjour dans l’espace Schengen ; la non-maîtrise de la procédure de demande de visa ; la non-sécurisation des documents guinéens qui fait que beaucoup de gens se réclament comme étant des citoyens guinéens à l’étranger, alors qu’en réalité, ils ne le seraient pas. »
Que faire pour inverser la tendance ?
Face à ces refus de visas devenus récurrents, certains observateurs recommandent simplement que la Guinée applique la réciprocité. Mais cette réponse au coup pour coup, serait-elle la solution ? D’autres n’y croient pas trop.
L’idéal serait que les autorités guinéennes et ces pays cités plus haut, mettent un accent particulier sur le pan portant sur l’octroi des visas aux Guinéens, dans le cadre de leur coopération bilatérale. Les autres pays le font et pourquoi pas le nôtre. C’est le cas du Sénégal par exemple où l’aspect de délivrance de visas aux Sénégalais est régulièrement l’objet de discussions entre Dakar et Paris, afin que cela se fasse dans les règles de l’art.
Il est à espérer que l’Etat guinéen trouvera des solutions idoines pour abréger la souffrance de ces milliers de Guinéens qui tentent soit pour aller visiter simplement l’Occident ou soit de s’y installer éternellement même en faisant usage parfois des moyens dangereux et illégaux. Conséquence, le pays continuera à être ainsi vidé de ses bras valides.
Dans ce même dossier, notre interlocuteur, qui est expert en matière d’Immigration a tenu à préciser qu’en cas de refus de visa, le candidat peut faire recours auprès des autorités administratives du pays concerné.
« Les demandeurs de visa une fois que leur demande est refusée et lorsqu’ils estiment avoir été mal évalués, peuvent se référer sur le libellé du cachet qui correspond généralement aux lois en matière d’immigration dans les pays occidentaux via une lettre de protestation. Ça peut pousser parfois à un réexamen de leur dossier en vue de le rendre fructueux. Mais très souvent, les gens ne le savent pas et ne font pas appel de la décision des officiels en charge du traitement des dossiers dans les ambassades et missions diplomatiques accrédités en Guinée », a-t-il conclu.
L’immigration clandestine est devenue dorénavant la mode pour une jeunesse en déshérence, en quête d’eldorado. Et pour rien au monde, ils ne seraient prêts à renoncer à se rendre chez les « Blancs ».