Manifestations à Kankan : réclamation du courant ou manipulation politique ?
Ces dernières semaines, la ville de Kankan connaît des mouvements de protestation. Considérée à juste titre comme un bastion du parti au pouvoir (RPG Arc-en-ciel), la capitale de la Haute Guinée s’est jusqu’ici fait remarquer par son hospitalité légendaire, sa quiétude et l’entente cordiale entre ses habitants.
Les jeunes manifestants indiquent que leur mouvement est motivé par le manque criard de courant électrique dans leur ville. Les groupes électrogènes offerts récemment par le chef de l’Etat, Pr. Alpha Condé, n’auraient pas changé la donne fondamentalement. Pour résoudre définitivement le problème de courant à Kankan, ces jeunes grognards réclament ni plus ni moins la construction d’un barrage
hydroélectrique, comme c’est le cas dans les autres régions du pays. Il est prévu dans ce cadre la construction du barrage Fomi. A l’heure où ces lignes sont écrites (mardi, 30 juin 2020), des manifestants étaient encore dans les rues de la cité de l’érudit Cheick Fantamady Chérif pour que leurs revendications soient prises en compte par les autorités compétentes dans les meilleurs délais. Des forces de l’ordre ont été déployées pour essayer de contenir ou de disperser le mouvement à l’aide d’armes conventionnelles.
Pour beaucoup d’observateurs, cette situation de crise énergétique aurait pu être réglée depuis longtemps si les différents ministres qui se sont succédé à la tête du département de l’Energie avaient été à la hauteur en gérant judicieusement les montants colossaux investis dans le secteur. Le président Alpha Condé a reconnu, de bonne foi, avoir investi, depuis son avènement au pouvoir, plus de 3 milliards de dollars américains avec l’espoir de résoudre une bonne fois pour toutes le problème de courant dans notre pays. Mais hélas, la Guinée continue d’enregistrer des émeutes de courant aussi bien dans la capitale que dans certaines villes de l’intérieur. Le barrage Kaléta a été construit. Le barrage Souapiti est en
construction.
Pour les partisans du pouvoir, derrière ces manifestations à Kankan, il y aurait une main noire, celle de certains partis politiques membres du Front national pour la défense de la constitution (FNDC). Ils indexent notamment le PADES de Dr Ousmane Kaba (natif de Karifamoriya, à 6 km du centre-ville de Kankan), l’UFDG (principal parti de l’opposition) et le PEDN de l’ancien ministre Lansana Kouyaté. Il faut rappeler que dans ses sorties médiatiques, Dr Ousmane Kaba, président du PADES, par ailleurs fondateur de l’université Kofi-Annan de Guinée, a toujours défendu l’idée selon laquelle il faut construire des micro-barrages en Haute Guinée et en Guinée forestière, deux régions mal loties en termes d’électrification. Et le fait que les jeunes manifestants de Kankan réclament désormais la construction d’un barrage amène les partisans du régime à se demander s’il ne s’agirait pas en définitive d’une manipulation politique déguisée en un mouvement de réclamation du courant électrique.
Mohamed Diallo