La toxicomanie, l’alcoolisme, le tabagisme sont des pratiques addictives observables chez les jeunes, au Burkina. Et les dégâts de ces fléaux le sont également. Comme si cela ne suffisait pas, voilà qu’une autre pratique addictive est en train de leur ravir la vedette chez les jeunes. En effet, la consommation de la chicha, puisqu’il s’agit de cette addiction, connaît un succès fou chez bien des jeunes au Burkina. La « chichamania », peut-on dire, s’est emparée de nos jeunes. Et au regard de la dangerosité du phénomène, il sied d’y mettre le holà, ici et maintenant, au risque de sacrifier toute une génération de jeunes. Mais avant de s’étendre sur le sujet, il convient d’abord de procéder à une clarification sémantique du mot « chicha ». Car, il est fort probable que bien des Burkinabè ignorent ce qu’il faut entendre par « chicha ».
La chicha ou le narguilé est une pipe à eau utilisée pour fumer du tabac et cela, grâce à un système d’évaporation de l’eau. La chicha est très développée dans les pays arabes. Cela dit, selon le docteur Georges Ouédraogo, coordonnateur de l’unité de sevrage tabagique au CHU Yalgado Ouédraogo, « la chicha est aussi nocive que la cigarette, sinon plus ». En effet, pour lui, « fumer la chicha, c’est 50 à 200 bouffées pendant 40 à 30 minutes. Et la densité du monoxyde de carbone est de 15 à 50 cigarettes. Même pour le goudron, on va de 27 jusqu’à 102 cigarettes ». Et le spécialiste d’ajouter ceci : « Il y a un risque réel pour la tuberculose, et il y a les autres maladies liées au tabac, les cancers et autres maladies respiratoires et cardio-vasculaires ». Bref, fumer la chicha, c’est s’exposer à des risques de maladies très graves. Les spécialistes de la santé ont joué leur partition en demandant purement et simplement qu’on interdise sa vente. A l’instar de ces derniers, le Comité national de lutte contre la drogue a tiré la sonnette d’alarme en conseillant d’éviter sa consommation.
Le combat contre le phénomène ne peut être gagné par le gouvernement seul
Apparemment, ces alertes n’ont pas produit d’effet. Car, les jeunes gens continuent encore de consommer la chicha. Il y a donc péril en la demeure. De ce point de vue, le gouvernement doit impérativement agir pour autant qu’il ait le souci de protéger la jeunesse. Si tel est le cas, et l’on n’a pas de raison d’en douter, on peut lui suggérer de mettre en place une stratégie de riposte en deux étapes. La première va consister à sensibiliser les Burkinabè sur les dangers liés à la consommation de la chicha. En effet, l’on peut parier qu’ils sont nombreux, les Burkinabè qui n’ont jamais rencontré ce mot.
De ce fait, ils sont censés ignorer aussi les risques liés à sa consommation. C’est pourquoi on ne peut pas faire l’économie de la phase communication et sensibilisation en direction du grand public. Il est fort probable même que certains de ses consommateurs ne soient pas conscients des risques auxquels ils s’exposent en pratiquant cette addiction.
La deuxième étape de la stratégie de riposte au phénomène, peut consister à légiférer dans le sens de l’interdiction de sa vente et de sa consommation. Il faut donc se donner les bases légales pour sévir contre tous les acteurs impliqués dans sa vente et sa consommation. Et les propriétaires de bars, maquis et autres endroits mondains qui offrent leurs espaces pour consommer «ce poison », doivent également subir la rigueur de la loi. Et l’occasion est bonne pour évoquer aussi la problématique de la consommation de la drogue chez les jeunes. Là également, il y a péril en la demeure. En effet, dans certains endroits de Ouagadougou, par exemple, les consommateurs de cet autre poison ne se cachent même plus pour prendre leur joint. Et sous l’effet de la drogue, on est capable du pire. En réalité, les violences inouïes auxquelles on assiste aujourd’hui dans les centres urbains, pourraient trouver leur origine dans la consommation de la drogue, voire de la chicha. En tout cas, certains de ses consommateurs sont gagnés par l’idée selon laquelle la chicha « éveille certains sens ». Mais le combat contre le phénomène ne peut être gagné par le gouvernement seul. Il faut absolument que les parents s’y engagent. Et par ces temps où la Covid-19 est dans nos murs, le mode d’emploi de la chicha interpelle. Car, une même chicha est utilisée par plusieurs personnes. Quant à l’odeur que le tabac de la chicha dégage dans l’air, l’on peut dire qu’elle est exécrable et extrêmement suffocante. Malheureusement, des innocents sont obligés de la respirer puisque bien des espaces publics servent actuellement de cadre aux jeunes pour fumer la chicha. Et tant pis pour les non-fumeurs.