Réflexion sur la gouvernance en République de Guinée
I. Défis
A) Le pouvoir de l’exécutif est excessif et non contrôlable par le législatif ou le judiciaire
1. Les nominations et promotions à des postes administratifs se font dans le dessein de renforcer le pouvoir de l’exécutif
2. La répartition des biens de l’État est à la seule discrétion du chef de l’exécutif
3. L’utilisation des fonds et biens de l’Etat est peu contrôlée
4. L’exécutif ne se sent pas obligé de respecter la loi : les violations sont régulières et sans conséquences
B) Le pouvoir législatif est faible par rapport au pouvoir exécutif et judiciaire
1. Il n’existe aucun moyen efficace de contrôle des abus commis par l’exécutif et le judiciaire
2. L’exécutif et le judiciaire n’ont guère besoin du législatif dans l’exercice de leur fonction
3. Les législateurs manquent de légitimité car ils sont les représentants des partis politiques et des groupes de « lobbys » plutôt que du peuple. Les membres, pour la plupart, n’ont pas de base politique réelle. Ils sont souvent choisis par les chefs des partis et les « lobbys » plutôt que par une partie appropriée de la population à cet effet (district électorale ou autre). De ce fait leur loyauté est plutôt aux partis politiques et aux « lobbys » qu’aux citoyens.
C) Le pouvoir judiciaire censé être la boussole de la Nation est miné par une corruption qui ne dit pas son nom
1. La population a complètement perdu confiance en sa justice
2. L’enrichissement rapide est la principale préoccupation de la plupart des fonctionnaires de la justice qui sont pourtant les mieux rémunérés de la fonction publique
3. Cette corruption généralisée rend la justice vulnérable au chantage du pouvoir exécutif.
4. Cela prépare le terrain à un climat de pessimisme et de méchanceté dans la population
5. Les citoyens ne croient plus à la loi et sont prêts à s’y opposer lorsque certaines décisions de justice ne leur sont pas favorables.
Nous, Guinéens, devons-nous regarder dans le miroir et être honnêtes avec nous-mêmes. La culture dominante dans le pays n’est pas à encourager mais ce débat sera pour un autre jour.
II. Suggestions de Solutions
A) Diminuer le pouvoir de l’exécutif
1. Exiger l’approbation par le législatif pour les postes régaliens et administratifs de hauts rangs (exemple : 3 premiers niveaux – Ministre et son cabinet, Directeurs généraux et nationaux, et ambassadeurs et leurs collaborateurs au rang de diplomate) et les officiers supérieurs des forces armées et de sécurités.
2. Les nominations faites par un président de la République concernent des postes dits politiques. Les candidats à ces postes politiques (ministres, directeurs généraux et nationaux, ambassadeurs) mènent la politique pour laquelle le président a été élu par le peuple. Leur mandat doit prendre fin avec celui du président. Le prochain président doit être libre de choisir une nouvelle équipe pour mener à bien sa politique.
3. Un contrôle renforcé par l’Assemblée Nationale sur l’approbation et l’exécution du budget de l’Etat.
4. Un regard plus soutenu sur le respect des droits des citoyens et des lois du pays.
B) Rendre légitime l’Assemblée Nationale
1. L’Assemblée Nationale doit être représentative du peuple, et non des partis politiques et des groupes de « lobbys ». Les citoyens doivent être libres d’être ou de ne pas être membres de partis politiques et de groupes de « lobbying » déclarés ou non. Cela ne devrait en aucun cas réduire leurs droits en tant que citoyens de représenter ou d’être représentés.
2. Pour l’élection présidentielle, les candidatures indépendantes (non affiliés à un parti) sont indispensables si nous voulons donner un semblant de démocratie à notre pays.
3. Pour les législatures, chaque membre de l’Assemblée Nationale doit représenter un groupe de personnes connues (citoyens d’une circonscription électorale préalablement définie). Ainsi, il/elle sera responsable de ses actes à l’Assemblée devant ces citoyens.
4. L’Assemblée Nationale à la majorité (3/4) doit pouvoir initier une nouvelle élection présidentielle. Le nouveau président élu achèvera le mandat inachevé du président déchu.
C) Améliorer le fonctionnement de la Justice
1. Encourager les citoyens à dénoncer les actes de corruption des agents de la justice auprès d’un organe indépendant nommé par les citoyens et confirmé par l’exécutif et le législatif. L’accusé doit avoir toute la protection de la loi comme tout citoyen.
2. La négociation conduit à des compromis. « De compromis en compromis, nous finissons par la compromission ». Pour commencer, la loi doit être la seule boussole. Si une loi n’est pas bonne, elle peut être modifiée mais dans des conditions bien précises pour s’adapter aux exigences de la mesure. Cependant, elle doit s’appliquer de manière égale à tous les citoyens.
3. Le strict respect de la loi d’une manière impartiale sera le plus important pas vers un changement crédible.
Gassim Cherid, Ph.D.
Prix Nobel de la Paix, 2005, IAEA